Comment se déploie la nouvelle CCN de la métallurgie ?

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iconeExtrait de l’hebdo n°3904

Depuis le 1er janvier 2024, une convention collective nationale unique s’applique dans la branche de la métallurgie. Où en est son déploiement ? Comment travaillent les équipes syndicales ?

Par Sabine Izard— Publié le 23/01/2024 à 13h00

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© Laurent Grandguillot/RÉA

1. Union des industries et métiers de la métallurgie.

Une nouvelle convention collective nationale (CCN) s’applique désormais dans toutes les entreprises de la métallurgie. Signée en février 2022 par la CFDT, la CFE-CGC, FO et l’UIMM1, elle remplace les 78 conventions collectives territoriales et sectorielles qui existaient auparavant. Cette CCN est entrée en vigueur de façon échelonnée : le 1er janvier 2023 pour son volet protection sociale et le 1er janvier 2024 pour le reste, notamment le volet classifications. Un travail titanesque. Toutes les entreprises sont-elles prêtes ? Quelle a été l’action syndicale ?

Difficile déploiement du volet classification

« Aujourd’hui, la situation est assez aléatoire, affirme Thierry Tollemer, secrétaire national de la CFDT-Métallurgie. Si le déploiement du premier volet, la protection sociale, s’est globalement bien passé, s’agissant de la classification, toutes les entreprises risquent de ne pas être au rendez-vous. » Le déploiement de la nouvelle grille de classifications dans la métallurgie constitue en effet le travail le plus ardu car elle introduit de profonds bouleversements. Dans l’ancien dispositif, les salariés cadres et non cadres étaient classés selon des principes fondamentalement différents : la classification était fondée sur le nombre d’années d’expérience pour les cadres, alors que c’était le poste occupé qui était pris en compte pour les non-cadres, la fidélisation du salarié étant valorisée au travers de la prime d’ancienneté.

La nouvelle convention tend à généraliser le système de classifications mis en place pour les non-cadres. Afin de la déterminer, l’employeur doit rédiger pour chaque salarié une fiche descriptive d’emploi sur l’emploi réellement tenu, c’est-à-dire les activités significatives et les principales responsabilités liées à l’emploi. Cette fiche permet ensuite de coter l’emploi et de le classer dans un système commun. Un changement total d’appareil. En conséquence, certains salariés sont déclassés. Cependant, la nouvelle convention sécurise les acquis de l’ancien système, notamment la rémunération totale et les spécificités conventionnelles attachées au statut de cadre des salariés qui deviendraient non-cadres dans la nouvelle grille.

« Globalement, la première phase s’est plutôt bien passée », admet Fabrice Ménager, délégué syndical et membre élu du CSE d’Ugitech, société de Swiss Steel Group, qui produit, transforme et distribue des produits longs en acier spécialisé. « Dès 2022, nous avons conclu avec la direction un accord de méthode relatif au déploiement de la nouvelle CCN au sein de l’entreprise », explique-t-il. La direction a notamment accepté que la rédaction des fiches emploi soit faite par des groupes paritaires composés de trois ou quatre salariés qui occupent l’emploi, un membre de la direction des ressources humaines concernée et, lorsqu’ils existent, des élus qui occupent eux aussi l’emploi. « En revanche, la partie cotation des emplois est faite uniquement par la direction », regrette Fabrice Ménager. La CFDT a néanmoins obtenu la mise en place d’une commission de suivi qui se réunit tous les deux à trois mois afin de faire le point sur l’avancement du projet et la création d’un espace de dialogue dans l’intranet de l’entreprise, où les salariés peuvent poser leurs questions.

« Au début, les salariés étaient à l’écoute. Mais c’est lorsqu’ils ont reçu leur cotation qu’ils ont vraiment été touchés », explique Fabrice Ménager. Sur les 1 600 salariés que compte le groupe, une trentaine de non-cadres sont passés cadres et un salarié a été déclassé non-cadre. « Ce salarié en est très affecté, raconte le militant. On regarde ensemble ce que l’on peut faire mais le salarié, très marqué, est aujourd’hui en arrêt de travail. Avant, c’étaient les diplômes qui cotaient le plus. Maintenant, ils n’entrent dans les compétences que s’ils valorisent l’emploi. Du coup, les surcompétences ne sont plus reconnues, explique-t-il. Même si le salarié ne perd pas de salaire, à terme, il risque de voir sa part variable disparaître. »

Période d’ajustement

Autre effet pervers, « la direction a instauré des quotas au niveau des emplois ». Ceux-ci sont définis par les tâches significatives effectuées par le salarié. Normalement, c’est l’importance des tâches significatives pour l’emploi effectué qui fait qu’elles sont ou non retenues dans la fiche emploi du salarié. Ugitech a fait le choix de retenir leur fréquence. Certains salariés ont ainsi été déclassés de C6 et C5 et perdent l’abondement complémentaire de l’entreprise sur la retraite. « Nous sommes encore en période d’ajustement, reconnaît Fabrice Ménager. Jusqu’en mars-avril, nous traiterons tout ce que l’on peut traiter de façon entendue avec la direction. Ensuite, si les choses n’avancent pas, nous ferons appel à la commission de litige prévue par l’accord de méthode. »

À propos de l'auteur

Sabine Izard
Rédactrice

« On savait que le nouveau système allait générer des déclassements dus principalement à une mauvaise application de l’ancienne convention collective, affirme Thierry Tollemer. Mais la FGMM entend bien continuer à œuvrer à la bonne application de la nouvelle CCN pour que les salariés retrouvent leurs droits », conclut le militant.