Quand la prise en compte des “oubliés du Ségur” fait bondir les adhésions et la représentativité

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iconeExtrait de l’hebdo n°3913

Les militants de la section CFDT de l’Association départementale des amis et parents d’enfants inadaptés (Adapei) du Morbihan ont le sourire : en novembre 2023, ils ont franchi la barre des 60 % aux élections professionnelles. Un témoignage de confiance des salariés qu’ils entendent continuer à mériter.

Par Guillaume Lefèvre— Publié le 26/03/2024 à 13h00

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« Avec humilité, nous savons la tâche qui nous attend ces quatre prochaines années et nous tenons à vous remercier. » C’est par ces mots que la section a conclu son tract de remerciements, qu’elle a adressé aux 914 salariés de l’Adapei 56, une structure qui compte vingt et un établissements répartis sur tout le département. Il y a ainsi un pôle « enfance » comptant trois instituts médico-éducatifs (IME) et un service d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) ; un pôle « travail » regroupant six établissements et service d’aide par le travail (Esat) plus une entreprise adaptée ; un pôle « vie sociale et habitats » avec six foyers de vie, deux foyers d’accueil médicalisé et un service d’accompagnement à la vie sociale. Un pôle « ressource » qui correspond au siège de l’association.

Gros score CFDT en novembre 2023

Lors des élections de novembre 2023, la CFDT a récolté 63,33 % des suffrages. Sur les 28 postes d’élus (titulaires et suppléants) au CSE à pourvoir, elle en a remporté 18, devant la CGT (six) et FO (quatre) – en nette progression, donc, par rapport à 2018, l’année où la CFDT avait obtenu tout juste 50 %. Pendant le dernier mandat, il a aussi fallu composer avec une répartition des sièges légèrement moins favorable : sept titulaires sur 14 pour la CFDT, face aux sept titulaires de la doublette CGT-FO.

Cette fois, la victoire ne fait pas débat. « On l’avait rêvé, mais on avait envisagé tous les scénarios. Nous étions prêts, quoi qu’il arrive. Mais attention, la vérité d’aujourd’hui n’est pas celle d’hier ni celle de demain. On va tout faire pour être à la hauteur et conserver notre majorité », déclare Ludovic Gicquel, délégué syndical, secrétaire de la section, élu au bureau départemental, élu CSE et représentant de proximité de son établissement, où il exerce en qualité d’éducateur spécialisé.

Dans cette perspective, il peut s’appuyer sur une équipe militante dynamique et un solide maillage dans les différents sites. Sur les 27 représentants de proximité en place, 15 sont CFDT. Sans oublier les 76 adhérents de la section – section qui s’est d’ailleurs agrandie ces quatre dernières années puisqu’elle a accueilli 16 nouveaux, dont 8 en 2023. Avec l’ambition de croître encore.

“Un syndicat visible et lisible”

Qu’il s’agisse des élections ou des chiffres du développement, rien n’est ici le fruit du hasard. « Nous sommes un syndicat visible et lisible », résume Ludovic. L’équipe peut notamment s’appuyer sur un solide bilan : mise en place d’un accord indemnité kilométrique vélo (et hausse du plafond, qui est passé de 200 à 500 euros l’année dernière), prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, prime de partage de la valeur ou encore prime exceptionnelle Covid… Surtout, elle a obtenu l’extension de l’accord Laforcade aux « métiers oubliés », à savoir les personnels administratifs et techniques ainsi que les surveillants de nuit, ce qui représente un agent sur trois au sein de l’Adapei. Concrètement, 200 salariés ont vu leur rémunération augmenter de 183 euros nets mensuels.

« C’est ce qui m’a fait rejoindre la CFDT, explique Christelle Robin, infirmière et ancienne adhérente de Solidaires, salariée de l’Esat de Pontivy et désormais élue CSE. La capacité de s’engager au plus près des réalités locales et de parler vrai. » On retrouve les mêmes motivations chez Laetitia Ellias, monitrice éducatrice, qui a rejoint la section en 2012. « Dans mon établissement, j’avais deux discours : FO et la CFDT ; l’un s’agitait beaucoup, l’autre cherchait des solutions… » Même son de cloche de la part d’Annie Le Ny, aide médico-psychologique au foyer de vie d’Hennebont, adhérente depuis 2015 : « Je n’étais pas très syndicat au début, j’avais le sentiment qu’ils râlaient beaucoup mais ne proposaient rien. »

Pour Mark Le Gargasson, aide médico-psychologique à Pontivy, ça a été une question de rencontre : « La CFDT était présente dans mon établissement. J’ai adhéré tout de suite à l’état d’esprit. » « Tout ce que l’on fait, on le fait en pensant aux 1 850 personnes que nous accompagnons au quotidien », précise Benjamin Alezina, secrétaire adjoint du CSE et moniteur d’atelier au sein de l’Esat de Pontivy. De meilleures conditions de travail, c’est une attractivité du secteur renforcée et un accueil des résidents amélioré.

Du local au national

« Notre force, c’est aussi la possibilité de nous appuyer sur le réseau CFDT. Ce que l’on fait, on peut le faire parce qu’on a l’appui du syndicat Santé-Sociaux du département », complète Guylène Gayet, ancienne secrétaire de la section et élue suppléante au CSE. « La section peut compter sur le syndicat, de même que le syndicat peut compter sur la section », rebondit Anthony Garin, secrétaire général adjoint du Syndicat Santé-Sociaux du Morbihan.

Les militants de la section se sont également approprié les outils de la fédération et ont profité de la visibilité de la Confédération pendant la période de manifestations contre la réforme des retraites. En outre, le rejet de l’accord de méthode dans la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale à but non lucratif (BASSMS) par FO et la CGT a largement contribué à démontrer l’utilité du syndicalisme CFDT. Ce refus de signature a entraîné, entre autres, une perte de 183 euros nets pour plus de 250 000 salariés du secteur. « Comment peut-on faire perdre des droits aux salariés ? », s’étrangle encore Ludovic. La section a d’ailleurs remis les pendules à l’heure en diffusant le tract fédéral « What the fuck ? », qui rappelle les conséquences du refus de FO et de la CGT de s’engager.

Faire vivre le collectif

De Vannes à Hennebont, de Ploërmel à Pontivy et de Plumelec à Belle-Île, c’est peu de dire que l’aire géographique est étendue. Pour faire vivre le collectif, tous les élus CSE se réunissent chaque jeudi ; et un jeudi par mois, les représentants de proximité les rejoignent. Enfin, des groupes WhatsApp ont été mis en place pour faciliter les échanges et faire circuler les informations. C’est dans la même logique qu’un groupe dédié aux adhérents a été mis en place. « La CFDT est avant tout un syndicat d’adhérents », rappelle Ludovic Gicquel. « La chance dans notre section, c’est que nous pouvons bien rire tout en continuant à rester sérieux et pointus. Nous avons une facilité à nous dire les choses. On ne décide rien tant qu’aucun consensus n’a été trouvé », explique Guylène.

Le groupe vit bien, multiplie les rendez-vous, échange, décrypte et propose. Ça tombe bien car l’année 2024 s’annonce chargée. En plus de la négociation annuelle obligatoire, la CFDT veut voir négociée par accord une démarche portant sur la qualité de vie et les conditions de travail. L’emploi des seniors, le télétravail, la semaine de quatre jours, les surveillants de nuits, les risques psychosociaux font partie des priorités. « Depuis les élections, nous avons même le luxe de pouvoir faire tourner les participants dans les instances », souligne Yann Le Bail, représentant syndical CFDT et moniteur d’atelier à l’Esat d’Hennebont. « Veiller au renouvellement est essentiel », clame Ludovic, qui a pu bénéficier des savoirs et de l’expérience de Guylène lors de la passation.

À propos de l'auteur

Guillaume Lefèvre
Journaliste

« À tous les niveaux, on a encore de belles marges de progression », ajoute Anthony Garin, secrétaire du syndicat Santé-Sociaux. Le solide ancrage de la section CFDT dans le présent n’est évidemment pas du tout incompatible avec le désir de se tourner vers l’avenir…