Le Conseil d’État de nouveau saisi sur l’assurance chômage

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iconeExtrait de l’hebdo n°3867

Le 24 mars, les organisations syndicales ont décidé de saisir le Conseil d’État pour obtenir l’annulation de la nouvelle réforme de l’assurance chômage. Un autre front commun contre une autre réforme, que l’exécutif souhaite également faire passer en force.

Par Anne-Sophie Balle— Publié le 29/03/2023 à 12h00

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© Mathilde Mazars/RÉA

1. Et qui laisse la main au gouvernement pour décider, à la place des partenaires sociaux, des règles d’assurance chômage jusqu’au 31 décembre 2023.

Nouvelle bataille en vue au Conseil d’État. Les organisations syndicales ont, dans une action concertée, déposé quatre recours au Conseil d’État contre la réforme décriée de l’assurance chômage – elle prévoit une baisse de la durée d’indemnisation pour tous les nouveaux demandeurs d’emploi depuis le 1er février – deux mois après son entrée en vigueur. La réforme, rendue possible par la loi « portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi »1, vise à moduler le versement des allocations chômage selon la situation du marché du travail : en cas de bonne santé de l’économie (taux de chômage inférieur à 9 %), la durée d’indemnisation est réduite de 25 %.

Les premiers impacts de cette réforme, actuellement appliquée puisque la conjoncture est jugée bonne, sont attendus à partir du 1er août. Dans une récente étude, l’Unédic anticipe d’ailleurs que 53 % des nouveaux inscrits devraient voir leur couverture réduite dès cette année. Aussi, les syndicats, qui avaient tous dénoncé une réforme « injuste et brutale visant les demandeurs d’emploi », ont décidé de passer à l’action sans tarder.

Des motifs distincts pour une action concertée

2. Bureau international du travail.

Si l’action de recourir à la plus haute juridiction administrative a été concertée entre les cinq organisations qui gèrent l’Unédic, plusieurs arguments alimentent les différents recours sur le fond de la réforme : absence d’étude d’impact de la part de l’exécutif, absence de concertation loyale, doutes sur la fiabilité du taux de chômage au sens du BIT2 (utilisé comme déclencheur de la logique contracyclique…).

Pour la CFDT (qui a déposé un recours commun avec la CFTC), il s’agit d’obtenir l’annulation des dispositions du décret du 26 janvier mettant en œuvre cette baisse de la durée d’indemnisation. « Une question prioritaire de constitutionnalité [QPC] va également être déposée pour abroger la loi autorisant la mise en œuvre du mécanisme de contracyclicité », complète Marylise Léon dans un communiqué. Si la QPC est jugée recevable, le principe même de contracyclicité inscrit dans la loi (et donc le décret y afférent) pourrait tomber.

Précédents recours

3. Par quatre organisations syndicales (CGT, FO, CFE-CGC et Solidaires).

Ce n’est pas la première fois que les organisations syndicales s’engagent dans une bataille juridique à propos de l’assurance chômage. Saisi à la fin 20203, le Conseil d’État avait censuré une première version de la réforme du mode de calcul des allocations chômage – il avait estimé qu’elle entraînait une « rupture d’égalité » –, obligeant l’ancien gouvernement à revoir sa copie. Quelques mois plus tard, la haute juridiction administrative, de nouveau saisie par l’ensemble des organisations syndicales, suspendra l’application du nouveau mode de calcul (en raison d’un contexte économique jugé trop incertain), repoussant l’entrée en vigueur de la réforme au 1er octobre 2021.

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Balle
Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

Dans l’absolu, cette nouvelle bataille juridique pourrait durer. Le Conseil d’État a en effet entre douze et dix-huit mois pour se prononcer. C’est d’ailleurs pourquoi une demande en référé est également à l’étude côté CFDT, ce qui pourrait permettre, comme en 2021, une suspension de l’application du décret (et donc des nouvelles règles contracycliques), le temps que le Conseil d’État statue sur le fond.