Patrimoine industriel et syndical : Un héritage à transmettre abonné

Avec ses soixante et onze mètres, le haut fourneau U4 surplombe la vallée de la Fensch et fait l’honneur de la ville d’Uckange (Moselle). Témoin de l’histoire ouvrière de la région, ce « monstre de fer » est l’un des rares symboles encore visibles du passé industriel de la région. Sous l’impulsion de militants CFDT, le site a été sauvé et s’offre une nouvelle jeunesse.

Par Guillaume Lefèvre— Publié le 03/10/2020 à 08h05

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En 2019, 36 000 curieux se sont pressés dans la bourgade mosellane pour admirer l’imposant haut fourneau U4. L’ancien fleuron de l’usine sidérurgique Lorfonte, filiale du groupe Usinor-Sacilor, possède encore quelques vestiges : la halle de coulée, le système de chargement et son « gueulard » – nom de l’orifice culminant au sommet du haut fourneau d’où étaient chargés le coke et le minerai de fer. Ici, durant un siècle, la fonte a été produite, avant d’être réexpédiée et de poursuivre son processus de transformation pour devenir, ailleurs, bloc-moteur, radiateur ou ustensile de cuisine.

Une plongée dans l’histoire industrielle rendue possible grâce au soutien acharné de la CFDT et à la passion de ses principaux acteurs, les sidérurgistes eux-mêmes, dont Bernard Colnot, ancien directeur industriel du site, militant CFDT, et le maire de l’époque, Michel Paradeis. L’usine est un fort marqueur économique et social de la vallée de la Fensch. Dans les années 80, au pic de son activité, elle accueille jusqu’à 1 500 salariés. « Autant de familles, de camarades, de collègues et d’amis, souffle Jean-Louis Malys, ancien responsable de la section CFDT de Lorfonte. Cette usine, elle est à nous. Elle est à nos pères, elle est à nos grands-pères, qui comme nous y ont mis tout leur cœur et toute leur sueur. »

C’est notre maison. On se devait de la maintenir debout.

Avec un grand-père tourneur et un père né sur le site, il était inimaginable pour ce militant de ne pas se battre afin de préserver en partie l’intégrité du site. Même son de cloche pour Roger Di Tommaso, ancien délégué du personnel CFDT et secrétaire du CHSCT. « C’est notre maison. On se devait de la maintenir debout. » En plus d’être un identifiant du territoire, l’usine a façonné la sociologie de la ville. Petit-fils d’immigrants polonais venus œuvrer dans les hauts fourneaux, Jean-Louis cite pêle-mêle ses collègues italiens, algériens ou espagnols : « Nous étions tous fiers de travailler ici. »

Ne pas réduire le passé ouvrier au silence

Le 17 décembre 1991, la fermeture a provoqué une onde de choc. Neuf mois auparavant, Lorfonte fêtait en grande pompe ses 100 ans et les investissements sur le site se poursuivaient. « Durant les festivités, rien ne laissait présager que la dernière coulée approchait, même si nous étions lucides sur le déclin du secteur. Thionville, Hagondange, Longwy, Joeuf, les hauts fourneaux étaient réduits au silence les uns après les autres et presque aussitôt rasés », se rappelle Jean-Louis.

Le jour de la fermeture, après un vote interne, la section CFDT se prononce pour la conservation du haut fourneau U4, afin que le site ne disparaisse pas, qu’il reste comme un témoignage du passé industriel de la ville et du drame vécu par…

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