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Extrait de l'hebdo n°3974
Renforcer le dialogue social dans le domaine de la transition écologique : tel est l’objectif de l’accord de permadialogue négocié chez Norsys, le tout premier du genre. Exemplaire en bien des aspects, il permet surtout d’associer les représentants des salariés à la définition des objectifs et indicateurs. Inspirant !

Il faut le reconnaître : chez Norsys, entreprise française de services numériques de 750 salariés, on a une bonne longueur d’avance en matière d’engagements environnementaux. Pionnière du mouvement des « permaentreprises », concept développé par Sylvain Breuzard, président de Norsys, dès 2019, l’entreprise a également été la première à faire une place à un représentant de la nature au sein de son conseil d’administration, en 2024 (ce représentant possédant même un droit de veto dont il peut user pour retoquer un projet de l’entreprise qui ne serait pas suffisamment aligné avec ses valeurs).
Norsys (dont le slogan et l’ambition sont de « créer de la valeur en se fixant des limites et en partageant les richesses ») a également innové en lançant, à la fin de l’année 2024, le premier CSEN – un comité social et environnemental auquel on a ajouté le « N » de nature, afin de clairement insister sur l’engagement en faveur du vivant, auquel l’entreprise est très attachée.
Depuis avril 2025, l’entreprise peut se targuer d’une nouvelle avancée : la signature du premier accord de permadialogue – innovant non seulement dans son contenu mais également dans la façon dont il a été conçu et construit… et dans lequel la CFDT a joué un rôle de premier plan.
Sortir enfin du cadre classique
Pour bien comprendre de quoi il s’agit, il faut remonter un an en arrière, à l’été 2024, lors de la constitution d’un groupe de travail rassemblant plusieurs dirigeants d’entreprises du réseau des permaentreprises, des syndicalistes CFDT, des membres du réseau des Sentinelles vertes CFDT et une consultante du cabinet Syndex. L’objectif de ce groupe est ambitieux : imaginer un modèle d’accord de permadialogue, c’est-à-dire intégrant les trois principes éthiques de la permaentreprise - le respect de l’humain, la préservation de la planète et la redistribution équitable des richesses.
« L’idée est de sortir du cadre, des thèmes et des postures traditionnelles du dialogue social en proposant un autre cadre de référence, construit collectivement », explique Michaël Pinault, fondateur du réseau des Sentinelles vertes et cheville ouvrière du projet. Entre autres atouts, cet accord devait permettre d’élargir le périmètre de la négociation sociale à des enjeux jusqu’à présent ignorés ou traités à la marge : climat, biodiversité, redistribution de la valeur, gouvernance élargie à la nature… et intégrer lesdits enjeux dans une vision globale d’avenir de l’entreprise. « Habituellement, les négociations se conduisent en silos. Une négociation sur un thème puis une autre six mois plus tard. Tout est morcelé, il n’y a pas de vision globale. Il faut sortir de cela ! », complète Sylvain Breuzard.
Après plusieurs mois de travaux, le groupe a abouti à la formalisation d’un accord-type, une sorte de feuille de route destinée aux entreprises qui veulent aller plus loin dans le dialogue social et environnemental, et qui balaie un ensemble d’actions possibles accompagnées d’outils en vue de les mettre en œuvre. Libre aux équipes reprenant l’accord de s’en inspirer, se l’approprier et l’adapter au contexte de leur entreprise. Mais toujours avec cet impératif : que l’accord soit construit collectivement. « Mettre en place un tel projet, bien plus pointu que les référentiels RSE les plus exigeants, a d’autant plus de force qu’il est construit avec tous les acteurs de l’entreprise », précise Sylvain Breuzard.
Première expérimentation chez Norsys
Il semblait donc tout à fait logique que le premier terrain d’expérimentation de cet accord se déroule chez Norsys, où les travaux pratiques ont été pris en main par les membres du CSEN, tous élus CFDT (la CFDT étant la seule organisation syndicale représentée au sein de l’entreprise). Sur la base de l’accord-type, les négociateurs ont rediscuté des indicateurs-clés qu’ils souhaitaient inscrire en priorité dans leur propre accord maison. « Dans notre modèle de permaentreprise, nous avions déjà de nombreux indicateurs. Mais la plupart – tel l’indicateur d’écart entre le salaire médian et le salaire le plus élevé – n’étaient pas mis en débat avec les salariés et leurs représentants. Désormais, tous les indicateurs sont analysés et débattus. Il y a davantage de transparence », apprécie Christophe Porchet, le délégué syndical CFDT de Norsys.
Surtout, le choix des indicateurs s’est fait collectivement, suscitant des échanges très riches : « Nous avons fait le tri dans nos indicateurs et sélectionné ceux qui nous semblaient les plus pertinents par rapport à nos objectifs d’impact. En fait, cet accord permet de se concentrer sur les sujets que l’on veut vraiment travailler », précise Christophe. Cela a conduit les négociateurs à compléter les indicateurs choisis relatifs à la formation des collaborateurs ou au télétravail. « C’est un sujet que l’on évoque toujours sous le prisme unique du nombre de jours de télétravail et de l’équilibre vie pro-vie perso. Il nous semblait important d’approfondir d’autres aspects comme l’impact environnemental du télétravail, ses impacts sur le collectif, les consommations énergétiques de l’entreprise ou encore l’efficacité économique. Cette vision plus large se révèle beaucoup plus intéressante, plus structurante ! »
La volonté d’inspirer d’autres entreprises
Selon Mathieu Bittoun, chef de projet chez Norsys, « il s’agit d’un accord révolutionnaire et exaltant ! Pour la première fois, on réfléchit de manière intelligente, systémique, en prenant en compte d’autres critères que les aspects financiers et business ».
L’enjeu, désormais, est d’« inspirer, donner envie à d’autres entreprises d’offrir à leur CSE un rôle et une responsabilité sur les questions liées au respect du vivant », indique Christophe. C’est cela que l’accord permadialogue peut faciliter. Car, rappelle Sylvain Breuzard, « un certain nombre d’entreprises, notamment parmi les PME et celles de taille intermédiaire, ont envie de faire bouger les lignes mais ne savent pas forcément comment s’y prendre. Nous leur proposons un modèle et une méthodologie de dialogue social et environnemental ». Un exemple à suivre, assurément !