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iconeExtrait de l’hebdo n°3890

Tandis que débutent les discussions sur le budget de l’État, les membres du Pacte du pouvoir de vivre se sont mobilisés pour défendre leurs propositions, sur place, au palais Bourbon.

Par Claire Nillus— Publié le 03/10/2023 à 12h00

De gauche à droite : Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France ; Anne-Juliette Lecourt, secrétaire confédérale CFDT ; Anne Bringault, du Réseau Action Climat ; Dominique Vienne, ATD Quart Monde ; Amandine Lebreton, directrice du Pacte du pouvoir de vivre. Photo prise le 28 septembre au Palais Bourbon.
De gauche à droite : Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France ; Anne-Juliette Lecourt, secrétaire confédérale CFDT ; Anne Bringault, du Réseau Action Climat ; Dominique Vienne, ATD Quart Monde ; Amandine Lebreton, directrice du Pacte du pouvoir de vivre. Photo prise le 28 septembre au Palais Bourbon.© Syndheb

Au lendemain de la présentation du projet de loi de finances (PLF) 2024, les membres du Pacte du pouvoir de vivre ont organisé deux tables rondes à l’Assemblée nationale afin d’exposer leurs propositions en faveur du financement de la transformation écologique et sociale. « Cet événement intervient dans un moment charnière en raison de l’actualité politique et budgétaire, du contexte social et du défi écologique qui est devant nous. L’objectif commun des membres du Pacte du pouvoir de vivre, c’est de montrer qu’une transition écologique juste est possible, rappelle Amandine Lebreton, directrice du Pacte du pouvoir de vivre. Notre conviction est que les besoins en matière de financement intègrent la planification écologique, la protection sociale, la santé, la jeunesse dans un tout indissociable. Ces besoins ne s’opposent pas mais se cumulent. Les questions de financement sont des sujets de société, c’est pourquoi nous voulons un débat ouvert et décloisonné. » Le ton est donné : recenser les besoins et donner les leviers en vue de mener ces transitions ensemble.

Une nécessaire réforme de la fiscalité

Si le budget de la France fait débat, le financement nécessaire à la transition écologique, lui, est connu : il a été estimé à 66 milliards d’euros par an d’ici à 2030 par le rapport Pisani-Ferry & Mahfouz de France Stratégie. Dans le même temps, les besoins pour lutter contre l’exclusion sont de plus en plus criants. Christophe Robert, de la Fondation Abbé Pierre, le martèle : il y a maintenant plus de 14 % de personnes en situation de pauvreté dans notre pays, et de plus en plus de ménages modestes sombrent à cause de l’inflation et des coûts du logement.

Les membres du Pacte se font aussi l’écho d’un troisième constat alarmant : depuis vingt ans, les inégalités sont en hausse dans notre pays, soulignent le dernier rapport d’Oxfam sur les inégalités mondiales ou encore, fin septembre, la mission d’information sur la fiscalité du patrimoine ayant pour rapporteurs Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu. Ainsi, en France, « 92 % de la masse de patrimoine brut est détenue par la moitié la mieux dotée des ménages, et 5 % des ménages les plus aisés détiennent un tiers des avoirs patrimoniaux », observent-ils.

Afin d’enrayer ce phénomène, la puissance publique dispose d’un outil : la fiscalité. Pourtant, aucune des propositions du Pacte – rendre l’impôt direct plus progressif, aligner la fiscalité du travail sur celle du capital (moins élevée), augmenter des taux d’imposition par tranches des droits de succession – n’a été intégrée, sous une forme ou une autre, dans le projet de loi de finances 2024 ou le projet de loi de programmation pluriannuelle. « Alors que repenser la fiscalité des plus riches dans une démarche plus distributive est un moyen évident d’augmenter les ressources de notre pays », indique Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France.

Vers plus de cohérence ?

Si le projet de loi de finances 2024 présenté le 27 septembre rallonge de 7 milliards d’euros le budget de la transition écologique, les membres du Pacte continuent de s’interroger sur l’utilisation de cet argent. « L’argent public est rare, il doit être fléché en priorité vers les acteurs qui en ont le plus besoin ; il doit aller vers ce qui n’est pas rentable, par exemple là où les ménages ne peuvent pas rénover leur logement faute de moyens », défend Anne Bringault, du Réseau Action Climat. « Par ailleurs, il est grand temps de considérer la transition écologique comme un investissement plutôt qu’un coût, poursuit-elle. Si l’on avait rénové des logements ou des bâtiments – cela était prévu au moment du Grenelle de l’environnement, en 2007 –, nous n’aurions pas eu besoin des milliards du bouclier tarifaire. Si nous avions mené une politique de sortie du pétrole pour se déplacer à la suite des différents chocs pétroliers, nous n’aurions pas eu besoin des milliards d’aides à la pompe… »

Et comment faire bon usage des financements publics lorsqu’ils ne sont pas conditionnés aux enjeux écologiques et sociaux comme c’est le cas actuellement ? Les 200 milliards d’euros d’aides distribués aux entreprises chaque année ne sont soumis à aucune contrepartie. « Nous ne remettons pas en cause l’importance de ces aides, il faut préserver le tissu économique et les emplois, mais cela se fait sans impulser la transformation écologique et sociale des entreprises, précise Anne-Juliette Lecourt, secrétaire confédérale. Pourtant, de crise en crise, elles doivent se donner les moyens de devenir résilientes face aux impacts du changement climatique. »

À propos de l'auteur

Claire Nillus
Journaliste

Plus de cohérence, cela passe également par la suppression des dépenses néfastes à l’environnement : l’Inspection générale des finances a comptabilisé en 2022 10,2 milliards d’euros (au minimum) de dommages à la biodiversité, plus de 25 milliards d’euros ont contribué à accentuer les effets du changement climatique d’après le Réseau Action Climat. Moralité, il y a des marges de manœuvre importantes pour mener de front les transitions écologique et sociale. Et la cohérence, ajoutent les membres du Pacte du pouvoir de vivre, c’est d’avoir une vision globale de la transformation de notre modèle de société plutôt que des mesures prises isolément et qui ne fonctionnent pas.