“Pacte de la vie au travail” : convergences et divisions lors de la première séance de négociation

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iconeExtrait de l’hebdo n°3906

Les partenaires sociaux avaient rendez-vous au siège du Medef, le vendredi 2 février, pour un premier round de négociation sur les parcours, la reconversion professionnelle et l’emploi des seniors. La carte “CDI senior” a été immédiatement dégainée, ce qui ne plaît pas aux organisations syndicales.

Par Fabrice Dedieu— Publié le 06/02/2024 à 13h00

Yvan Ricordeau, secrétaire général adjoint, est le chef de file CFDT dans le cadre de cette négociation.
Yvan Ricordeau, secrétaire général adjoint, est le chef de file CFDT dans le cadre de cette négociation.© Syndheb

Ce tout premier huis clos aura duré un peu moins de sept heures, pause repas incluse. Vendredi 2 février, les cinq organisations syndicales (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC et CFTC) et les trois organisations patronales (Medef, CPME et U2P) représentatives se sont retrouvées au siège du Medef, à Paris, pour une séance consacrée aux parcours, à la reconversion professionnelle et à l’emploi des seniors dans le cadre de la négociation « Pacte de la vie au travail ». « Nous aurions pu nous attendre à un premier tour de table pour planter le décor, mais nous sommes entrés directement dans le vif du sujet. La négociation est réellement enclenchée, c’est une bonne chose », a déclaré le chef de file CFDT Yvan Ricordeau à l’issue de la journée. Un constat partagé par d’autres organisations.

Pour autant, des différences de points de vue se sont tout de suite fait sentir. « La partie patronale met le curseur uniquement sur le taux d’emploi. La CFDT et d’autres organisations syndicales mettent le curseur sur l’amélioration de l’emploi. […] Soit nous ne parlons que de réduire le chômage et d’augmenter les embauches, soit nous parlons d’améliorer les carrières et les dispositifs qui permettent aux salariés de rester dans un emploi de qualité. Ce n’est pas le même angle. Et puis nous avons un document d’orientation qui dit “zéro impact sur les finances publiques”, et le patronat ajoute “zéro centime supplémentaire”. Nous ne sommes pas surpris. »

Un changement de paradigme peu visible

Autre sujet de désaccord : l’U2P a ressorti le « contrat de génération » tandis que la CPME a mis sur la table une proposition de « CDI seniors », aux contours encore flous. « Si on nous explique que l’amélioration de l’emploi des seniors repose sur un nouveau contrat de travail, ce n’est pas l’explication que l’on attend, réagit Yvan Ricordeau. Le patronat nous a dit durant la négociation Unédic qu’il fallait changer de paradigme concernant l’emploi des seniors, avec une culture d’entreprise qui date de plusieurs décennies, qui pousse les acteurs à faire sortir les seniors des entreprises. […] Mais nous n’avons pas bien compris comment ils changent de paradigme. »

« Un nouveau CDI ? Non ! », s’exclame à son tour Sandrine Mourey, négociatrice CGT, arguant que les exonérations de cotisations pour les employeurs sont déjà très importantes. « Je ne vois pas pourquoi un CDI senior changera la situation », abonde Éric Courpotin, de la CFTC.

La CFDT plaide pour que la question des seniors devienne un sujet de dialogue social dans les entreprises et pour un rendez-vous de perspective professionnelle à la mi-carrière, afin de faire un bilan et voir l’avenir de celle-ci. FO promeut aussi un entretien de mi-carrière, dont les détails restent à définir. Du côté du Medef, on assure vouloir traiter la question des représentations et des préjugés dont sont victimes les seniors, examiner la question du maintien dans l’emploi via la préretraite progressive ou le temps partiel. « Nous ne sommes qu’au début des discussions », estime Hubert Mongon, le négociateur du Medef. L’organisation patronale de même que certaines organisations syndicales feront des propositions plus précises lors des prochaines séances de négociation.

Un droit universel à la reconversion

Concernant les parcours et la reconversion professionnelle, quelques revendications ont émergé. La CFDT souhaite poser les bases d’un droit universel à la reconversion, rendre les dispositifs plus visibles, renforcer l’accompagnement, aider les TPE qui n’ont pas de service des ressources humaines. Le Medef, lui, plaide pour une simplification des outils et que l’on  travaille bien sur l’anticipation des mobilités professionnelles, avec notamment des entretiens approfondis tous les dix ans.

Hasard du calendrier, ces échanges ont eu lieu seulement quelques jours après le discours de politique générale de Gabriel Attal, qui a de nouveau évoqué une deuxième loi travail – un élément qui ne laisse pas indifférentes les organisations syndicales et patronales. « Nous serons attentifs à ce que l’État nous laisse travailler sereinement », a fait savoir le Medef. La CFDT, elle, est très claire : « Il faudra que l’exécutif respecte le contenu de cette négociation. Cela passe par deux éléments attendus. Ce qui se négocie, si ça aboutit, doit donner lieu à une transposition fidèle. Et les huit convergent pour dire que tout ce qui sera dans la nouvelle loi travail devra faire l’objet de concertations. » Au gouvernement d’entendre les partenaires sociaux.