“Nous allons devoir changer nos manières de travailler”

Pour Quentin Ghesquière, président de l'association HOP (Halte à l'obsolescense programmée), les inégalités sociales ou de genre ne sont pas suffisamment prises en compte dans la réflexion sur le changement climatique.

Par Anne-Sophie BallePublié le 01/10/2025 à 13h15

Quentin Ghesquiere, président de l'association HOP
Quentin Ghesquiere, président de l'association HOPDR

Le troisième plan national d’adaptation au changement climatique a été dévoilé en mars. Qu’en retenez-vous ?

Nous avons fait un saut qualitatif par rapport aux plans précédents, qui se résumaient à de grandes déclarations n’engageant ni l’État ni les collectivités. Pour la première fois, l’État semble avoir pris la mesure de l’ensemble des choses qu’il faudrait changer, dans les domaines du droit du travail, des infrastructures,de la vie quotidienne des personnes. Le Pnacc 3 contient cinquante mesures d’adaptation.Mais le diable se cache dans les détails… À y regarder de plus près, on s’aperçoit que les budgets dédiés sont déjà attribués ou qu’il va falloir faire à budget constant. Or l’adaptation va coûter plusieurs dizaines de milliards d’euros.

Parmi ces 50 mesures, figure le décret relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à la chaleur…

À court terme, ce décret répond à l’impératif de protection des travailleurs face au risque des vagues de chaleur. C’est un progrès car il n’existait jusqu’alors rien de normatif si ce n’est le décret intempéries pour les travailleurs du BTP. Mais le changement climatique affecte le droit du travail nettement plus que les canicules : il modifie  durablement nos espaces de vie et le travail au sein de ces espaces. Nous allons donc devoir changer nos manières de travailler. Or je constate qu’aucune réflexion n’est menée sur la baisse de productivité que provoquent les vagues de chaleur ou sur la cartographie des activités économiques encore soutenables demain, celles qui vont émerger ou disparaître…

Vous écrivez que, face au changement climatique, l’État nie les inégalités sociales ; lesquelles ?

Les études montrent que les métiers les plus exposés (soignants, sécurité…) sont aussi ceux qui sont exercés dans une certaine précarité, voire qui ne relèvent pas du salariat et ne bénéficient donc pas des protections sociales associées. Or, problème, le Pnacc 3 ne dispose d’aucune analyse de vulnérabilité différenciée. De plus, aucune réflexion ne porte sur les inégalités de genre ou le fait que les femmes, plus souvent enfermées dans les stéréotypes du « prendre soin », sont toujours les dernières à quitter un lieu en cas de catastrophe climatique.

Quelles solutions préconisez-vous ?

On peut par exemple s’inspirer de ce qui se fait en Espagne, où les horaires de travail sont adaptés durant l’été. La culture préventivedu risque en France existe depuis les années 90 en outre-mer ; elle doit être généralisée à l’ensemble du territoire pour éviter de se retrouver dans une gestion humanitaire et a posteriori avec un risque réel de déplacés climatiques. Rappelons-nous le cyclone Chido, mais aussi les inondations dans le Pas-de-Calais ou les incendies en Gironde…

Quel rôle peuvent jouer les organisations syndicales ?

Les syndicats peuvent revendiquer un droit du travail plus protecteur et un élargissement des pouvoirs 
de l’inspection du travail. Enfin, une documentation syndicale indépendante concernant les effets du changement climatique sur les travailleurs permettrait de mieux référencer les cas d’entreprise et les pratiques des employeurs.