“Notre Sécurité sociale a besoin d’un nouvel élan”

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icone Extrait de l'hebdo n°3974

Les difficultés financières de la Sécurité sociale ne sont pas une fatalité. Après la crise financière de 2008, le système a su remonter la pente. Selon la CFDT, cette même logique peut s’appliquer afin de surmonter l’impact de la crise Covid. Le gouvernement doit proposer un plan ambitieux de retour à l’équilibre sur plusieurs années qui soit supportable pour les usagers et ne dénature pas notre modèle. “Plus que jamais, la France a besoin d’une protection sociale forte et ambitieuse, gage de cohésion dans une période d’instabilité économique et politique”, rappelle la secrétaire nationale Jocelyne Cabanal.

Par Jérôme CitronPublié le 15/07/2025 à 12h00

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© Virginie de Galzain

Les comptes de la Sécurité sociale se sont fortement dégradés en 2024 puisqu’un déficit de 15,3 milliards d’euros est atteint. Alors que le gouvernement doit annoncer des mesures d’économies, dans quel état d’esprit se trouve la CFDT ?

L’équilibre des comptes sociaux à long terme est une nécessité pour garantir la pérennité de la Sécurité sociale. Nous prenons donc très au sérieux ce déficit, même si nous observons toujours la situation de court terme et l’équilibre de plus long terme. Notre système de protection sociale était presque à l’équilibre au moment où la crise Covid a commencé. Il n’est pas anormal, dans cette période extraordinaire, que les comptes se soient dégradés. Ce qui est plus inquiétant, en revanche, c’est que le gouvernement n’a pas encore présenté une trajectoire de retour à l’équilibre claire et acceptable pour les usagers. En 2025, le déficit, toutes branches confondues, pourrait dépasser les 22 milliards d’euros. Cette situation fragilise la Sécurité sociale et donne des arguments aux partisans d’une moindre protection sociale en France. Il est pourtant possible de revenir à l’équilibre tout en proposant un haut niveau de couverture des risques sociaux.

D’après la CFDT, le système est sous-financé…

L’essentiel du déficit de la Sécurité sociale provient de la branche santé. Cela n’a rien d’étonnant avec une population qui vieillit et des besoins qui augmentent du fait de la montée des maladies chroniques, des dérèglements climatiques, de nouvelles technologies toujours plus coûteuses et d’une santé mentale très dégradée. Notre protection sociale souffre d’un déficit de ressources. Il n’est pas possible de toujours « faire plus avec les mêmes moyens ». Le personnel a déjà déployé beaucoup d’efforts. Ce n’est pas en dégradant encore les conditions de travail que l’on parviendra à résoudre l’équation financière ni celle de la qualité des soins.

Le patronat semble ne pas se sentir partie prenante de notre modèle social ; il ne le voit que comme une charge. C’est inquiétant car notre Sécurité sociale a, au contraire, besoin d’un nouvel élan.

Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale de la CFDT

Cette question des ressources nous interroge sur l’attitude actuelle du patronat, qui refuse de prendre sa part à l’effort et ne cesse de revendiquer des baisses de cotisations ou de prise en charge. On l’a vu récemment à propos du dossier des retraites : le patronat n’a pas souhaité financer des mesures relatives à la pénibilité. Le message est toujours le même : Il faut diminuer le coût du travail. Le patronat semble ne pas se sentir partie prenante de notre modèle social ; il ne le voit que comme une charge. C’est inquiétant car notre Sécurité sociale a, au contraire, besoin d’un nouvel élan.

On constate également ce désengagement à travers le lobbying d’organisations patronales en faveur de la TVA dite sociale. Cette idée (basculer les cotisations sur de la TVA) reviendrait non seulement à étatiser le système mais aussi à remettre en cause la nature même de la Sécurité sociale : cotiser selon ses moyens, recevoir selon ses besoins. La TVA sociale est un projet dangereux qui, malheureusement, séduit une partie de la classe politique. Selon la CFDT, cela ne peut pas être une solution pour redonner du pouvoir d’achat aux salariés. Ce qu’ils gagneraient d’un côté, ils le perdraient de l’autre.

Est-ce à dire qu’il n’y a pas d’économies possibles ?

Si, bien sûr. Augmenter les ressources du système ne doit pas être une excuse pour momifier notre système de protection sociale. Il faut dans le même temps s’attaquer aux rentes de situation, notamment celles du corps médical. À travers ses propositions, le Medef néglige ces questions. La CFDT, quant à elle, défend par exemple l’interdiction des dépassements d’honoraires et prône une plus grande régulation du système. Nous soutenons ainsi l’idée d’encadrer l’installation des médecins libéraux afin de lutter contre les déserts médicaux. Nous nous opposons enfin à une financiarisation galopante de la protection sociale en France. Je pense notamment aux Ehpad, crèches, laboratoires et cliniques. L’argent public ou collecté dans un cadre solidaire ne doit plus alimenter ce qui constitue une véritable économie de la rente – celle des sociétés civiles immobilières ou des centrales d’achats des opérateurs privés, cotées en Bourse et détenues par des fonds spéculatifs.

Qu’attend la CFDT du pouvoir politique ?

À propos de l'auteur

Jérôme Citron
rédacteur en chef adjoint de CFDT Magazine

La santé n’est pas un secteur comme les autres. C’est en assurant une régulation tournée vers l’intérêt général que l’on pourra éviter les dérapages financiers. Le fait qu’il n’y ait plus de stratégie nationale de santé en France depuis 2022 montre bien que le dossier n’a pas été porté à la hauteur des enjeux. Cela explique en partie l’impression que notre Sécurité sociale n’est plus pilotée.

Nous attendons donc du gouvernement qu’il ne se contente pas d’annoncer des mesures d’économies mais donne des perspectives. Une politique de coups de rabot sur des droits existants ne serait pas à la hauteur. Il existe aujourd’hui un véritable risque qu’une partie de la population se détourne du système et défende un modèle d’assurance individuelle. Ce serait une catastrophe pour notre cohésion sociale. Pour la CFDT, au contraire, la Sécurité sociale – dont nous célébrons cette année les 80 ans – garde toute sa pertinence. À nous de défendre ce projet collectif, qui doit avoir un bel avenir devant lui.