Mayotte : la crise sans fin

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iconeExtrait de l’hebdo n°3896

Pénurie d’eau, saturation du système de santé, inflation, accès à l’éducation, insécurité… Depuis plusieurs mois, l’île est confrontée à une conjonction de crises. La CFDT-Mayotte ne cesse d’alerter sur la dégradation des conditions de vie et de la qualité de vie au travail. Une situation qui pourrait empirer si rien n’est fait.

Par Guillaume Lefèvre— Publié le 14/11/2023 à 13h00

Ousseni Balahachi est le secrétaire général de la CFDT-Mayotte (ici lors d’une récente interview accordée à la chaîne de télévision Mayotte La 1ère).
Ousseni Balahachi est le secrétaire général de la CFDT-Mayotte (ici lors d’une récente interview accordée à la chaîne de télévision Mayotte La 1ère).© Mayotte La 1ère

« On craint le pire », résume Ousseni Balahachi, secrétaire général de la CFDT-Mayotte. Un message que les militants cédétistes ne cessent de rappeler à l’occasion de chaque déplacement ministériel dans l’île. Le dernier en date, celui de Philippe Vigier, ministre délégué chargé des Outre-mer, le 2 novembre dernier, a donné lieu à une énième alerte sur l’urgence sanitaire et sociale – mêlée d’un sentiment d’abandon grandissant au sein de la population du 101e département français.

« Nous sommes confrontés à une pénurie d’eau sans précédent. Les coupures d’eau de 48 heures sont devenues la norme et pèsent lourdement dans la vie et le quotidien des locaux. Un pack d’eau de six bouteilles peut coûter jusqu’à 12 euros. Ce n’est pas viable », alerte Ousseni, qui déplore également le manque d’anticipation des autorités. Résultat : toute l’économie de l’île est aujourd’hui mise à mal. « Les salariés perdent leur travail. Les entreprises ferment, les restaurants, les cafés, les hôtels et les agences de voyages baissent le rideau. »

Une situation sanitaire et sociale proche du chaos

L’eau devient un luxe et une dépense qu’une grande partie des 285 000 habitants ne peut se permettre, sachant qu’en temps normal un ménage sur trois n’a déjà pas accès à l’eau potable… Cela n’est évidemment pas sans conséquences sur la santé publique. « Les gens souffrent de déshydratation ; ils sont contraints de boire des eaux usagées, polluées, témoigne Ousseni Balahachi. Et ils tombent malades, ce qui fragilise encore un peu plus le système de santé de l’île… »

Dans un courrier adressé au ministre de la Santé à la fin septembre, Béatrice Lestic, secrétaire nationale de la CFDT, la CFDT-Mayotte et la CFDT-Santé-Sociaux alertaient déjà sur « une épidémie de gastro-entérite sévère en cours [et sur] une recrudescence de pathologies cutanées liées aux conditions d’hygiène qui se dégradent ».

La crise de l’eau a également un impact sur l’accès à l’éducation. Faute d’eau dans les établissements, nombreux sont ceux qui renvoient les élèves chez eux. « Le fait de fermer les écoles en raison de l’absence d’eau va engendrer des problèmes psychologiques chez certains élèves et interroge sur la nécessaire continuité éducative à laquelle ils ont droit », rappelaient les signataires du courrier. Un cercle vicieux qu’il est urgent de briser.

Le gouvernement se doit d’agir

À propos de l'auteur

Guillaume Lefèvre
Journaliste

« Notre pays laisse un département français dans une situation sanitaire et sociale proche du chaos », poursuivent les signataires, qui alertaient aussi sur les tensions autour du centre hospitalier de Mayotte. Au lendemain de la visite du ministre chargé des Outre-mer, la CFDT-Mayotte, dans un courrier intersyndical, appelle au sursaut. « Si nous voulons un service public digne de ce nom, il faut de toute urgence favoriser l’attractivité du territoire et y fidéliser les titulaires. » Une piste est notamment évoquée par les syndicats du territoire : l’augmentation du taux d’indexation des salaires. « Nous mobiliserons les agents publics d’ici à janvier 2024 si le dossier n’évolue pas », prévient le collectif.