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Extrait de l'hebdo n°3988
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a publié un avis sur les nombreux facteurs de risques qui altèrent la santé physique et mentale des agents du nettoyage. Ses conclusions sont alarmantes.

Il y a quelques mois, l’Anses s’est autosaisie afin d’enquêter sur le secteur du nettoyage, fortement féminisé et précarisé puisqu’il emploie 75 % de femmes souvent immigrées ou d’origine étrangère et contraintes de travailler à temps partiel. Sous l’appellation « agents du nettoyage », l’étude englobe différentes désignations – salariés d’une entreprise de nettoyage, travailleurs et travailleuses du nettoyage et de la propreté, personnel de nettoyage et agents d’entretien – utilisées pour qualifier les professionnels qui interviennent dans les bureaux et les halls d’immeuble, incluant également les espaces sanitaires. Elle exclut les locaux « à pollution spécifique », soit tous ceux dont la qualité de l’air est altérée par une activité particulière autre que la seule présence humaine (cuisine, soudures, usinage, etc.).

Deux fois plus de licenciements pour inaptitude
Au total, ces travailleurs représentent de 1,2 à 1,4 million de personnes. Et le constat de l’Anses est sans appel : leur état de santé général est plus dégradé que celui de la moyenne des salariés, y compris lorsqu’on le compare à celui des ouvriers. Ainsi, les licenciements pour inaptitude sont près de deux fois plus fréquents dans cette population que pour l’ensemble des contrats de travail à durée indéterminée. Comme l’ont déjà documenté de nombreuses études, dont les enquêtes « Conditions de travail » de la Dares, l’Anses relève un nombre élevé d’accidents du travail et de maladies professionnelles, dont une proportion élevée de troubles musculosquelettiques, de maladies respiratoires et d’affections dermatologiques dues à la manipulation de produits chimiques.
Mais ce rapport insiste aussi fortement sur une organisation du travail qui aggrave ces constatations : horaires fragmentés, sous-traitance en hausse (jusqu’à 65 % dans le privé) et absence de syndicalisation dans ce métier que l’on exerce souvent seul et sur des créneaux atypiques (tôt le matin et tard en soirée). Il est également montré comment la position sociale des travailleurs du nettoyage chargés d’effectuer un « sale boulot » engendre d’autres difficultés qui affectent, cette fois, leur santé mentale. Être assimilé à des tâches ingrates augmente en effet « des ressentis de mépris » qui conduisent à des situations d’isolement et d’intériorisation que l’on est « inférieur ». En outre, les agents du nettoyage ne bénéficient généralement pas de suivi médical renforcé alors que, pour les salariés d’une entreprise extérieure intervenant sur le site d’un donneur d’ordre, « la réglementation prévoit une collaboration entre médecins du travail, et le suivi peut être confié au service de santé et de prévention du donneur d’ordre ».
Faciliter la syndicalisation des agents externalisés
Problème : les responsabilités entre les entreprises du nettoyage et les donneurs d’ordre sont mal réparties, notent les experts. Parmi les nombreuses recommandations destinées à améliorer la qualité des emplois du secteur, ils revendiquent de faciliter la syndicalisation des agents externalisés afin qu’ils puissent faire valoir leurs droits. Il faudrait aussi, demande l’Anses, que les pouvoirs publics leur permettent de voter pour des représentants du personnel dans chacun des sites où ils sont amenés à travailler. Seulement, l’illectronisme (inhabileté numérique) de ces personnels constitue souvent un frein supplémentaire à l’occasion d’un vote aux élections professionnelles. Sur ce volet aussi, il y a beaucoup à faire. L’alerte est donnée.