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Extrait de l'hebdo n°3971
Dans l’usine cinquantenaire de Barilla, l’outil de production a été modernisé afin de réduire la pénibilité et faire monter en compétences les ouvriers. Autres atouts : un dialogue social qui fonctionne et une CFDT qui met la main à la pâte.

L’odeur de boulangerie flatte les narines dès le parking de l’usine de Talmont-Saint-Hilaire (Vendée / Pays de la Loire). Ici, des tonnes de pain de mie et de brioches de la marque Harrys sortent des fours parfois longs de plus de cinquante mètres. Comme son nom ne l’indique pas, Harrys est une marque 100 % française qui possède quatre usines, à Châteauroux, Lyon, Talmont-Saint-Hilaire et Valenciennes, et dont le siège social se trouve à Boulogne-Billancourt. Elle est aujourd’hui la propriété du groupe italien Barilla, qui l’a rachetée en 2007.
Dans le site vendéen, la CFDT est majoritaire (devant la CGT) avec 58 % des suffrages récoltés aux dernières élections. « Nous avions plus de 80 % lors du scrutin précédent, explique la déléguée syndicale Flavie Chapelier. Nous étions alors trois organisations syndicales avec FO. Cette dernière s’est retirée, et leurs adhérents ont voté pour la CGT, ce qui a joué contre nous. » Néanmoins, la CFDT reste l’organisation syndicale grâce à qui le dialogue social fonctionne. « Les échanges avec la direction sont constructifs, du moins avec nous, alors nous sommes écoutés », confirme Flavie. Cela mérite d’être souligné. La CFDT a ainsi rendu possible la signature d’accords importants pour les salariés, dont un accord intergénérationnel aux multiples enjeux portant entre autres sur le rajeunissement des effectifs et l’accompagnement des fins de carrière.
Temps partiel senior
Le maintien en emploi des seniors est une préoccupation majeure à Talmont-Saint-Hilaire, pyramide des âges oblige : l’âge moyen est supérieur à 50 ans, les plus de 55 ans représentent 20 % de l’effectif global et les salariés ont en moyenne plus de vingt-trois années d’ancienneté. L’accord intergénérationnel met donc le curseur sur l’intégration des moins de 30 ans et l’aménagement du temps de travail des seniors. Pour ces derniers, il prévoit la possibilité de travailler à temps partiel avec maintien du salaire de 80 à 92 % (80 % du salaire à mi-temps, 92 % du salaire à 80 % du temps) mais 100 % des cotisations patronales retraite.
La priorité va aux salariés les plus âgés, à ceux qui ont le plus d’ancienneté au sein de l’entreprise, qui bénéficient du statut de travailleur handicapé, qui sont en travail posté et à ceux qui font partie du dispositif carrière longue. Cet ordre de priorité leur donne des points d’éligibilité.
10 % des salariés bénéficiaires de l’accord
À ce jour, la direction s’est engagée à accepter 50 % des demandes chaque année – un point de vigilance de la CFDT alors que l’accord arrive à échéance. Ce temps partiel senior peut être organisé à la journée, à la semaine ou au mois… À partir de 57 ans, les salariés peuvent aussi demander de ne plus travailler la nuit. Dans ce cas, la perte de rémunération due à ce changement d’horaires est atténuée par un système de compensation financière dégressif dans le temps. Actuellement, 30 salariés sur les 300 CDI de Talmont-Saint-Hilaire sont bénéficiaires de l’accord. « Ils ont commencé à travailler avant l’automatisation de l’usine. Une quarantaine de personnes ont déjà une RQTH1. Sans cet accord, beaucoup ne pourraient pas rester en emploi », commente Flavie, qui a commencé il y a une quinzaine d’années avant l’arrivée des robots.
Elle s’en souvient : la mise en carton, jadis effectuée manuellement, est dorénavant complètement automatisée ; le robot qui s’en charge donne d’ailleurs le tournis… Depuis, les ouvriers ont acquis de nouvelles compétences de contrôle et de surveillance du process. Si la recette n’a pas changé, la façon de faire, elle, a évolué : auparavant, quand, en une heure, les pétrisseurs devaient verser douze fois 90 kilos d’ingrédients dans le pétrin (soit une tonne à la force du poignet), les cuves sont aujourd’hui alimentées directement par des silos. Avant, il fallait pelleter de 800 à 900 bacs de sel par jour ; maintenant, c’est la machine qui le fait. Les salariés ont donc été formés à d’autres tâches : contrôler les écrans, effectuer des vérifications sur les produits, intervenir en cas d’anomalie sur la chaîne. Le métier est nettement moins physique mais plus technique. Preuve en est, la féminisation progressive du personnel de l’usine depuis la disparition du port de charges lourdes.
L’épineuse question des plannings
La réduction de la pénibilité passe aussi par la maîtrise des plannings. La section n’a cessé de faire remonter ce sujet à la direction car le planning changeait chaque semaine. « On apprenait le jeudi notre emploi du temps de la semaine suivante. Tous les ouvriers s’en plaignaient, à juste titre, développe Flavie. Il fallait s’adapter, sachant que le volume de travail peut connaître de fortes variations, de 24 à 46 heures hebdomadaires, selon les périodes de l’année. » Depuis octobre 2024, la CFDT a obtenu gain de cause : les plannings de production sont désormais établis avec trois semaines de visibilité. « De plus, nous avons réussi à sanctuariser un samedi sur deux non travaillé, hors vacances scolaires. À six mois, le bilan de cette mesure est globalement très positif sauf dans les équipes en sous-effectif et en cas d’absences pour maladie. Nous allons donc poursuivre notre travail en faveur d’une meilleure conciliation des temps de vie. »
Des réunions d’instances régulières
Pour porter ses revendications, la CFDT de Talmont participe à de nombreuses instances : en plus du CSE mensuel et de la CSSCT2, tous les trois mois, une commission sociale a lieu deux fois par an, auxquels s’ajoutent les réunions au siège, à Boulogne-Billancourt, soit un CSEC3 tous les trois mois et deux commissions sociales centrales annuelles.
« Cela demande un peu d’organisation !, avoue Flavie. Mais notre section compte douze militants actifs et, selon leur domaine d’expertise, ils m’accompagnent en négociation. » Les militants s’organisent également pour faire « un tour de lignes » une fois par mois, une opération qui leur permet d’aller à la rencontre des salariés postés, de prendre la température et de faire remonter les problèmes. Les 48 adhérents reçoivent par courriel toutes les informations et les comptes rendus que partage la section… et tout est affiché pour les autres. Cela permet à l’ensemble des salariés de participer en nombre aux différentes animations étiquetées 100 % CFDT : tournoi de pétanque, arbre de Noël, loto, trophée karting… Autant d’opérations de visibilité qui font de la section CFDT un pilier de la vie sociale de l’entreprise.