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“On a remis un cadre et de la négociation”

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iconeExtrait de l’hebdo n°3890

Chez Olga, entreprise familiale bretonne de fabrication de produits laitiers et végétaux, la création d’une section CFDT en 2019 a été une petite révolution : aux pratiques paternalistes s’est substitué un véritable dialogue social porteur de nombreuses avancées.

Par Emmanuelle Pirat— Publié le 03/10/2023 à 12h00

De gauche à droite : Jérôme Pezon, trésorier du CSE ; Simone Porcher, secrétaire du CSE ; Christopher Roy, délégué syndical (depuis la création de la section, en 2019).
De gauche à droite : Jérôme Pezon, trésorier du CSE ; Simone Porcher, secrétaire du CSE ; Christopher Roy, délégué syndical (depuis la création de la section, en 2019).© Syndheb

À la mi-février 2023, au Salon international de l’agriculture, Marylise Léon leur avait remis le deuxième prix du challenge « Les 4 saisons de l’adhésion », organisé par la CFDT-Agri-Agro. En juin, ils grimpaient d’une marche et arrivaient premiers lors de la seconde saison de ce même challenge. Les militants CFDT d’Olga (groupe laitier aux marques familières du grand public : Vrai, Sojasun, Petit Billy…), également primés au « Grand Boost » confédéral l’an passé, carburent fort en matière de développement !

Pourtant, leur équipe est jeune et leur implantation dans l’entreprise, plutôt récente. Dans ce groupe familial qui emploie aujourd’hui un peu plus de mille salariés sur cinq principaux sites en Ille-et-Vilaine, le syndicalisme n’a pas eu droit de cité pendant longtemps. « Ce n’était pas dans la culture de l’entreprise », témoigne Florian Fourmy, 41 ans, qui y est présent depuis 2008 et adhérent CFDT depuis deux ans. « Nous étions au comité d’entreprise puis au CSE des élus sans étiquette. Tout se faisait en bonne entente, sur un mode très paternaliste. Quand les salariés avaient un problème, ils appelaient la patronne », se souvient Jérôme Pezon, 46 ans, trésorier du comité social et économique et chargé de la formation au Syndicat général de l’agroalimentaire d’Ille-et-Vilaine (SGA 35), un des premiers à avoir voulu un changement.

« Auparavant, on fonctionnait comme un comité des fêtes : on vendait du saucisson, on organisait des arbres de Noël, c’était bien sympathique. Mais, à un moment, on a senti qu’il fallait passer à autre chose et remettre du cadre, notamment en matière de droit du travail. Alors on a commencé à bosser nos dossiers autrement », ajoute Christopher Roy, 36 ans, délégué syndical depuis la création de la section, et qui est également secrétaire adjoint du CSE et secrétaire général adjoint du SGA 35.

Un changement de braquet…

Leur premier dossier portera sur les congés payés. « Ils n’étaient pas calculés de manière réglementaire. La direction ne prenait pas en compte les majorations de nuit, par exemple, ne voyant pas pourquoi il faudrait les verser quand les gens étaient en vacances ! », explique Jérôme. « On a remis tout ça bien droit, en bonne légalité ! » Mais au moment des ordonnances Macron, en 2017, les élus réalisent qu’il faut faire un pas supplémentaire et décident de se syndiquer.

« On a compris que ces ordonnances supposaient un changement de braquet, avec une direction qui, très certainement, allait nous faire signer des accords. On avait donc intérêt à être solides. Sans l’appui et le soutien d’une organisation syndicale, on n’allait pas y arriver », expliquent les deux militants, les premiers à adhérer. Plusieurs autres collègues les rejoindront rapidement. « La période n’a pas été simple », résume sobrement Jérôme. D’abord en interne, avec certains élus sans étiquette, n’acceptant pas forcément le changement d’un bon œil. Mais surtout avec la direction, qui n’apprécie guère cette nouvelle force, plus revendicative.

… Et de nombreux nouveaux acquis

Après les élections de 2019 et l’implantation officielle de la CFDT dans l’entreprise, les nouveaux élus demandent en effet une analyse financière des comptes par un cabinet extérieur. « Cela n’avait jamais été fait, et ça a marqué une première rupture avec la direction », explique Jérôme. Combatifs et peu impressionnables, les élus vont poursuivre leur travail de « remise aux normes » et de consolidation des droits des salariés. Après un bras de fer avec la direction, en 2020, ils obtiennent une prime Covid pour les « essentiels » qui ont continué à travailler pendant la période de confinement.

De gauche à droite : Éric Lemoine, qui a rejoint le CSE aux dernières élections (avril 2023) ; Vincent Gallais, suppléant au CSE ; Christopher Roy et Jérôme Pezon.
De gauche à droite : Éric Lemoine, qui a rejoint le CSE aux dernières élections (avril 2023) ; Vincent Gallais, suppléant au CSE ; Christopher Roy et Jérôme Pezon.© Syndheb

Ils négocieront également l’instauration d’un treizième mois (en lieu et place d’une prime de fin d’année), la réévaluation du repos compensateur (passé de dix à vingt minutes), la majoration des heures de nuit bénéficiant au personnel de production, la mise en place d’une journée enfant malade (et deux jours par enfant dans le cas d’une famille monoparentale), etc. La liste des acquis obtenus par l’équipe s’est nettement allongée ! « C’est grâce à la CFDT que ça bouge chez Olga ! », confirme Madeleine Leblay, 56 ans, laborantine de profession et membre du CSE.

Toujours à l’écoute des salariés

« La CFDT a permis de remettre du cadre mais aussi de la négociation. Avant, il n’y avait jamais eu de NAO, par exemple », indique Simone Porcher, 41 ans, secrétaire du CSE depuis les élections d’avril 2023. L’équipe a par ailleurs à son actif un nombre impressionnant d’accords négociés et signés : accord télétravail, compte épargne-temps, accord mobilité, accord égalité professionnelle, qualité de vie et conditions de travail…

« Ce qu’a apporté la CFDT, c’est aussi une écoute des salariés », résume Florian. Les tournées de proximité (mises en place l’an dernier) offrent justement la possibilité d’aller à la rencontre des travailleurs dans les différents sites et services. « Cela nous permet de prendre la température, de mieux appréhender les inquiétudes et les besoins des salariés, explique Simone. À chaque passage de la CFDT, les salariés savent qu’on est là pour eux, qu’ils peuvent faire appel à nous. »

Une période difficile dans un contexte de mutation

À propos de l'auteur

Emmanuelle Pirat
Journaliste

Dans la période, ce soutien est évidemment le bienvenu. D’autant plus que, à l’instar de beaucoup d’entreprises de l’agroalimentaire, le groupe Olga traverse une mauvaise passe – économique, avec l’augmentation du coût des matières premières et de l’énergie et la baisse des ventes des produits bio (qui constituent 80 % du marché d’Olga), mais aussi interne puisque la réorganisation en business units, entamée en 2020, transforme profondément les relations au sein de l’entreprise.

« Nous avons complètement perdu le côté familial qui faisait la marque de notre entreprise », regrettent plusieurs adhérents rencontrés. « Fréquemment, les salariés nous font part de leur sentiment d’avoir perdu en proximité avec la direction et leur hiérarchie. Maintenant, c’est chacun pour soi, et chacun défend le pré carré de son unité », ajoute Simone. Dans ce contexte de mutation, la CFDT fait office de phare et balise. D’ailleurs, quand on pose la question suivante à l’équipe : « De quoi êtes-vous le plus fiers ? », Christopher répond sans hésiter : « De la confiance que les salariés nous témoignent. »

Christopher et Jérôme entourent Bruno et Jessica, adhérents CFDT et salariés du restaurant d’entreprise, lequel sert chaque jour 70 repas à 80 % en bio et local. « La direction nous avait annoncé la fermeture du restaurant en 2020. On s’est battu pour le garder », précise Christopher.
Christopher et Jérôme entourent Bruno et Jessica, adhérents CFDT et salariés du restaurant d’entreprise, lequel sert chaque jour 70 repas à 80 % en bio et local. « La direction nous avait annoncé la fermeture du restaurant en 2020. On s’est battu pour le garder », précise Christopher.© Syndheb