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“La pression sur les résultats, les délais à tenir sont autant de facteurs de risque”

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Les liaisons dangereuses

Alexis Peschard est addictologue au cabinet GAE Conseil, “expert de la prévention des addictions en entreprise”.

Par Emmanuelle Pirat— Publié le 03/06/2022 à 10h16

Alexis Peschard, addictologue.
Alexis Peschard, addictologue.© DR

À partir de quel moment parle-t-on d’addiction ?

Il faut distinguer les « pratiques addictives », qui concernent tous les niveaux d’usage (le fait de fumer un joint de temps en temps, par exemple), des addictions qui, elles, se caractérisent par la dépendance : physique, psychologique et comportementale.

Avec l’addiction, on passe d’une notion de plaisir à une notion de besoin compulsif. Plus rien ne peut raisonner la personne qui est en manque, alors même qu’elle est consciente des conséquences sur sa santé, voire sur son travail qu’elle risque de perdre. L’addiction est très bien définie dans l’une des deux classifications internationales 1, le DSM-5 (classement des troubles mentaux), par onze critères, qui permettent d’évaluer le degré de sévérité de l’addiction.

Quel rôle le travail peut-il jouer ?

Rappelons d’abord que le travail « protège », au sens où les pratiques addictives sont moins nombreuses chez les salariés que chez les demandeurs d’emploi. Mais en effet, le travail ou le contexte professionnel peut être à l’origine, ou peut venir aggraver des consommations ou des pratiques addictives. Les méthodes managériales délétères, les fortes contraintes physiques ou psychiques liées aux conditions de travail, comme les horaires décalés ou la pression sur les résultats, les délais à tenir, sont autant de facteurs de risque.

Les consommations peuvent relever d’une stratégie de défense contre un mal-être au travail : du fait des contraintes, de tâches répétitives, inintéressantes, stressantes…, ou contre des souffrances liées à des TMS (troubles musculosquelettiques), l’alcool ou les médicaments pouvant servir d’analgésique. Sans oublier que des facteurs culturels liés à la convivialité (séminaires, pots d’entreprise…) favorisent les consommations.

Et le télétravail ?

Les études montrent que les consommations ont augmenté lors du premier confinement…  Le premier confinement a été une période particulièrement anxiogène – souvenez-vous, les médias annonçaient le nombre de morts tous les soirs… – et stressante, qui a largement favorisé les consommations. En fait, dans le télétravail, c’est principalement le sentiment d’isolement et la perte de lien social qui peuvent générer un besoin de compenser par un produit.

Ce n’est donc pas tant le télétravail en soi qu’il faut incriminer, que son organisation. Bien organisé, bien régulé, le télétravail permetd’éviter les écueils qui, eux, favorisent les consommations.