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En toute transparence ?
Rapports annuels, audits sur l’égalité, droits d’accès aux informations… Partout, des initiatives sont prises en matière de transparence salariale. Le sujet dépasse largement les frontières hexagonales.

Ces dernières années, la transparence des salaires s’est fait une place dans les législations de nombreux pays. L’Allemagne a ainsi adopté une loi sur le sujet en 2017. L’Espagne a pris trois décrets-lois en 2019 et 2020. La Suède a adopté une loi en 2018. Le Canada, pour un exemple extra-européen, a voté une loi sur l’équité salariale en 2021. Plus d’une vingtaine de pays dans le monde, selon l’Organisation internationale du travail (OIT), ont adopté des règles pour une plus grande transparence des rémunérations.
Une vingtaine de pays… et autant de façons de faire. L’OIT identifie toutefois des pistes communes. Tout d’abord, la mesure mise en place le plus souvent est celle du rapport. À intervalles réguliers, les employeurs sont tenus de publier des données concernant les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Les États peuvent aussi aller plus loin avec une obligation d’audit, c’est-à-dire qu’en plus de publier des données sur les inégalités salariales, les employeurs doivent procéder à des évaluations – sur les classifications, par exemple, pour mieux comprendre ce qui se passe dans l’entreprise.
Bien sûr, certains pays prévoient aussi des mesures de transparence « directe ». Cela signifie que les salariés ont le droit de demander des informations en matière de rémunération à la direction ou en s’adressant aux représentants syndicaux.
Cocktail de mesures
Les États ont le plus souvent adopté un mélange de ces différentes mesures, à des degrés divers. Ainsi, en Allemagne, les entreprises de plus de 500 salariés doivent publier un rapport annuel. Elles sont encouragées à commander un audit sur les salaires, avec la possibilité de choisir elles-mêmes la méthode d’évaluation. Si des discriminations émergent, alors elles doivent agir. Dans les entreprises de plus de 200 salariés, les employés peuvent demander des informations à la direction concernant le salaire, les critères pour fixer celui-ci, et la rémunération d’un poste égal ou équivalent d’un travailleur du sexe opposé de la même entreprise.
Même chose au Portugal, aux Pays-Bas ou encore en Norvège, où des mesures de ces trois types sont appliquées, avec des sanctions prévues si rien n’est fait. La Belgique comme la France (avec l’index de l’égalité professionnelle) demandent à leurs entreprises de rédiger rapports et audits, mais n’ont pas (encore) mis en place un droit du salarié à l’information sur les salaires.
Quant à la Lituanie, elle se contente d’obliger ses entreprises privées à rédiger un rapport.
Pas toujours d’effets visibles
Toutes ces mesures sont-elles efficaces ? Selon une enquête menée par l’OIT dans la vingtaine de pays concernés, ce qui est le plus efficient selon les syndicats de salariés, c’est d’établir des « politiques spécifiques destinées à lutter contre les écarts de rémunération constatés » plutôt que de publier des rapports ou d’avoir un droit d’accès à l’information. Un constat partagé par les organisations patronales interrogées.
L’OIT a aussi demandé si les mesures de transparence modifiaient les politiques salariales. En Belgique, en France, au Danemark, en Italie ou encore au Royaume-Uni, les organisations syndicales ont répondu que les directions n’ont pas changé leur politique. Alors qu’en Allemagne, en Norvège, en Suède ou encore en Suisse, les organisations relèvent des changements. Les employeurs, eux, ont eu une majorité de réponses neutres.
Enfin, une autre question de l’enquête de l’OIT portait sur les obstacles à la mise en œuvre de la transparence. Si les représentants des employeurs citent la protection de la vie privée des salariés, des coûts administratifs et la lourdeur des procédures, les organisations syndicales ne voient pas les choses de la même façon et pointent plutôt les normes culturelles… et le rôle de la direction.