Jean-François Parot, féru d’histoire(s) abonné

De la diplomatie à l’écriture, l’auteur des Enquêtes de Nicolas Le Floch, romans policiers historiques à succès qui se déroulent dans le Paris de la fin du XVIII siècle, traverse l’histoire avec passion et l’envie de partager. Rencontre.

Par Nicolas BallotPublié le 05/02/2016 à 12h29

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Comment passe-t-on d’une carrière de diplomate à celle d’auteur à succès de romans policiers historiques ?


PARCOURS

27 juin 1946
Naît à Paris.

Enfance
Découvre, rue après rue, Paris et ses histoires, avec son grand-père (qui a participé au montage du Napoléon d’Abel Gance).

1974
Entre dans la diplomatie après avoir réussi le concours des Affaires étrangères.

2000
Entame sa célèbre série, « Les Enquêtes de Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet ».

De 2006 à 2010
Occupe la fonction d’ambassadeur de France en Guinée-Bissau, avant de prendre sa retraite. 

Je prendrais la question plus en amont : comment devient-on diplomate quand on est historien de formation ? J’ai fait un travail de recherches sur les structures sociales des quartiers de Paris à la veille de la Révolution [« Les structures sociales des quartiers de Grève, Saint-Avoye et Saint-Antoine entre 1780 et 1785 »]. Afin d’accroître mes connaissances en sciences humaines, j’avais également fait un travail de recherches d’anthropologie humaine sur les momifications égyptiennes et aussi d’ethnologie sur les mythes de fondation des sociétés du Pacifique. Je suis ensuite parti faire mon service national en Afrique et, à mon retour, j’ai préparé différents concours, dont celui des Affaires étrangères.

Je me suis donc retrouvé aux Affaires étrangères sans pour autant cesser de m’intéresser à mon domaine de prédilection, le XVIIIe siècle, en me tenant au courant de la recherche en train de se faire sur cette partie de notre histoire. Je n’ai jamais cessé d’acheter des livres, soit contemporains sur le sujet, soit d’époque. Je m’imprègne donc de la fin du XVIIIe siècle depuis quarante ans.

C’est quand vous êtes en poste en Bulgarie que « tout bascule »…

Oui, j’étais premier conseiller à l’ambassade de France à Sofia, à une époque où ce pays sortait d’une série de difficultés. Au cours d’un hiver très rude marqué par la neige et la glace, mon fils est venu me rendre visite à Noël. Il m’a offert un stylo, me disant : « Toi qui racontes des histoires, tu devrais en écrire. » Je me suis donc mis à penser puis à écrire un récit qui, dans mon esprit, était à usage personnel et familial. Mais une fois que j’ai eu terminé deux histoires, des amis m’ont convaincu de les envoyer à des éditeurs. Par une suite de hasards, les Éditions Jean-Claude Lattès ont trouvé mes écrits intéressants au point que, détail assez rare, les deux premiers volumes des Enquêtes de Nicolas Le Floch sont parus le même jour, pour bien montrer qu’il s’agissait d’une série qui débutait. L’éditeur m’avait demandé combien de tomes j’envisageais d’écrire. J’avais alors répondu, un peu au hasard, sept… Maintenant que j’en ai écrit quatorze, quand il me repose la question, je lui dis vingt-quatre.

D’où vous viennent cette connaissance quasi encyclopédique du Paris de la fin du XVIIIsiècle et cette capacité à la restituer au plus grand nombre ?

Des quelques années où j’ai enseigné l’histoire, avant d’entrer dans la diplomatie, j’ai toujours gardé le souci et la joie, comme le disait Alexandre Dumas, « d’instruire en amusant et d’amuser en instruisant ». Quant à la connaissance de l’époque, il y a bien entendu cette imprégnation livresque durant des années. Mais la connaissance du Paris du XVIIIsiècle, je la dois également à mon grand-père qui était cinéaste, qui m’a beaucoup promené dans la capitale quand j’étais enfant en me laissant deviner des lieux disparus, mais qui avaient existé aux endroits qu’il me montrait : c’était une époque, dans les années 50, avant les digicodes, où vous pouviez encore entrer dans les cours, dans les passages. Ce qui fait qu’au travers du Paris actuel, je vois le Paris ancien.

L’utilisation du langage de l’époque est un autre élément caractéristique de votre œuvre.

Pour le langage, c’est un peu le même processus : j’ai lu beaucoup de textes du XVIIIe siècle, il y a donc là aussi une sorte d’imprégnation. Je mets un point d’honneur à ne jamais utiliser un mot qui soit anachronique. Je cherche à m’approcher le plus possible de la réalité du style de l’époque, notamment dans les dialogues. Dans mes romans, les personnages sont à différents niveaux de la société et n’ont donc pas la même manière de s’exprimer – le roi ne parle pas comme un commissaire de police, qui lui-même ne parle pas comme une cantinière –, et quand j’écris, je fais en sorte que chacun d’entre eux reprenne son ton.

Il est impossible d’évoquer Nicolas Le Floch sans parler de la cuisine, tant elle est partie intégrante des romans.

Les personnages de roman sont souvent de purs esprits : ils ne se lavent pas, ils ne mangent pas, etc. Or je m’efforce de faire vivre mes personnages, même si, vu le rythme effréné de ses enquêtes, Nicolas loupe pas mal de repas. C’est pourquoi on retrouve dans mes livres des scènes de repas de rue, de dîners dans des tavernes ou alors des repas plus distingués qui permettent au héros de retrouver ses amis. La cuisine est également un marqueur de la période : durant la seconde moitié du xviiie siècle, on assiste à une sorte de démocratisation de la cuisine. Les cuisines de la Cour et de la bourgeoisie se mêlent, et la cuisine devient un débat. On parle alors de nouvelle et d’ancienne cuisine, avec des polémiques assez vives, un peu à la manière de ce qui s’est passé dans les années 70. Les recettes décrites dans les livres ont trois origines. Ma famille maternelle a tenu une auberge en Champagne depuis le XVIIsiècle et jusqu’en 1914, et l’on retrouve ainsi environ 30% de recettes de famille dans les Nicolas Le Floch. Un autre tiers provient de livres de cuisine qui apparaissent à cette époque. Enfin, le dernier tiers, ce sont mes propres recettes revisitées à la manière du xviiie siècle.

Et puis la cuisine fait partie de la vie et en dit…

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