Grève au BHV Marais : le grand bazar provoqué par la direction

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icone Extrait de l'hebdo n°3982

Dénonçant des conditions de travail dégradées et la perte d’identité de leur enseigne, 150 salariés du BHV Marais ont débrayé pour la deuxième fois, le 10 octobre dernier, à l’appel de l’intersyndicale.

Par Anne-Sophie BallePublié le 14/10/2025 à 12h00

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© Xavier Popy/RÉA

La colère gronde chez les employés du BHV, détenu depuis fin 2023 par la Société des grands magasins (Groupe SGM), propriété de l’homme d’affaires lyonnais Frédéric Merlin. Deux ans après le rachat, la pression ne cesse de s’accroître sur les salariés et les fournisseurs… qui quittent le navire les uns après les autres. Réunis sur le parvis du BHV, rue de la Verrerie (Paris 4e), 150 salariés (sur les 700 que compte le site parisien) ont répondu à l’appel de l’intersyndicale pour une deuxième journée de mobilisation, la première au début juillet ayant rassemblé près de 300 personnes. Il faut dire que depuis cet été, beaucoup sont partis.

« Depuis deux ans, on a perdu 400 salariés, victimes collatérales des choix économiques de la SGM et de conditions de travail devenues intenables », résume Chérif Ben Cheikh, délégué syndical CFDT du BHV Marais. Le chiffre d’affaires, lui, s’est effondré malgré des annonces répétées de redressement et de renouveau stratégiques. « Les rayons ne sont plus approvisionnés parce que les fournisseurs et prestataires (sécurité, ménage, etc.) ne sont pas payés depuis des mois. Malgré cela, on maintient des objectifs commerciaux et économiques comme si de rien était, ce qui aggrave la pression sur les équipes et contribue au chaos économique. »

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© DR

L’arrivée de Shein, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase

Ces derniers jours, l’annonce d’une alliance avec le sulfureux géant chinois de l’ultra fast fashion Shein pour l’ouverture de plusieurs magasins (dont un au BHV) a précipité la fin des discussions relatives au rachat des murs entre la Société des grands magasins et la Banque des territoires (entité de la Caisse des dépôts). Selon l’entité publique, « le modèle [que représente] Shein ne correspond pas à nos valeurs et notre doctrine d’action ». La rupture est consommée.

Si l’arrivée de Shein cristallise les tensions, les salariés en grève ce 10 octobre expriment surtout leur « inquiétude quant à l’avenir du magasin mythique du centre de Paris, qui est en train de perdre son identité et son âme », témoigne Émilie, démonstratrice en grève. Elle appelle la direction à la raison – même si, confie-t-elle, « [elle] n’y croi[t] plus vraiment » – mais aussi à l’intervention des syndicats et des pouvoirs publics afin qu’ils protègent l’emploi, les fournisseurs et l’avenir du commerce de qualité. « Les salariés du BHV et des enseignes affiliées sont aujourd’hui les premières victimes d’une gestion irresponsable qui met en péril des vies et des métiers », résume-t-elle. Elle évoque la polyvalence imposée et l’horloge des tâches (qui consiste à demander aux salariés de faire deux heures de vente puis deux heures de caisse…), « la nouvelle lubie de la direction », mais également des changements d’horaires et de jours qui ne coïncident pas toujours avec la vie de famille. « On nous impose désormais de finir à 20 h 30 alors que le magasin ferme à 20 heures pour approvisionner les rayons. Mais les rayons sont vides, il n’y a plus rien à approvisionner ! », lâche-t-elle, amère.

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Balle
Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

En attendant des nouvelles du rachat des murs, qui pourrait se concrétiser par « la piste d’un fonds privé chinois, qatari ou américain », Chérif Ben Cheikh et ses collègues de l’intersyndicale vont essayer de « faire le maximum avec ce que l’on a et de se concentrer sur les deux mois qui restent avant Noël ». En ligne de mire, les primes de participation, qui n’ont pas été versées depuis 2023. Les salariés, dont beaucoup évoquaient, ce vendredi 10 octobre, des fins de mois difficiles, sont dans l’attente.