Signez la pétition “Retraites : non à cette réforme injuste et brutale !” En savoir plus

Ésat de Bacqueville-en Caux : Le travail comme boussole

image
© Cyril Badet

iconeExtrait du magazine n°490

L’Épifaj* de Bacqueville-en-Caux (Seine-Maritime) est l’un des 1400Ésat (établissement et service d’aide par le travail), accueillant 120000personnes environ en situation de handicap.

Par Claire Nillus— Publié le 27/01/2023 à 10h00

Leur rôle: donner à tous la possibilité de travailler. «Nous considérons que ces personnes sont comme tout le monde, avec leur singularité, précise Anne Cabaret, directrice de l’établissement. Ici, nous défendons la valeur travail. Ce qui nous intéresse, c’est ce que la personne sait faire et non pas ce qu’elle ne sait pas faire. En tant qu’établissement public, notre objectif n’est pas économique. Nous ne voulons pas être uniquement prestataire mais construire des partenariats afin de mettre en place des parcours pour les personnes qui pourront un jour occuper un poste dans les entreprises avec qui nous sommes en contact.»

C’est d’ailleurs ce que demande le plan de transformation des Ésat, impulsé en 2019 en vue de favoriser le parcours des travailleurs, à l’intérieur des Ésat, et aussi vers le milieu ordinaire pour ceux dont c’est le projet. «Il ne faut pas se voiler la face, pour l’heure, sans les Ésat, on laisserait des milliers de personnes éloignées de l’emploi sans aucune solution», affirme Anne Cabaret.

L’Épifaj de Bacqueville-en-Caux emploie 70 agents. Il est composé d’un Ésat (99 équivalents temps plein), d’un foyer de vie, d’un atelier de jour (64 places) et d’un service d’accompagnement à la vie sociale (49 places). Une demi-journée par semaine, il dispense aussi des apprentissages de base : soutien en lecture, écriture et calcul, démarches administratives.

La blanchisserie fait travailler 19 personnes. Elle fait partie des activités traditionnelles d’un Ésat, avec le service des espaces verts, la restauration et le conditionnement.
La blanchisserie fait travailler 19 personnes. Elle fait partie des activités traditionnelles d’un Ésat, avec le service des espaces verts, la restauration et le conditionnement.@ Cyril Badet
Affectée au repassage des draps, Cynthia, 23 ans, travaille pour la première fois de sa vie. Son parcours est celui de la plupart des personnes qui arrivent à l’Ésat. Après le lycée, elle a été orientée par la Maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH), qui, après une expertise pluridisciplinaire, a considéré qu’elle n’était pas en mesure, momentanément ou durablement, de travailler dans une entreprise non adaptée à ses besoins spécifiques.
Affectée au repassage des draps, Cynthia, 23 ans, travaille pour la première fois de sa vie. Son parcours est celui de la plupart des personnes qui arrivent à l’Ésat. Après le lycée, elle a été orientée par la Maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH), qui, après une expertise pluridisciplinaire, a considéré qu’elle n’était pas en mesure, momentanément ou durablement, de travailler dans une entreprise non adaptée à ses besoins spécifiques.© Cyril Badet
La blanchisserie n’est que partiellement automatisée. Comme il faut plusieurs mois pour maîtriser une machine, la pair-aidance est encouragée au sein des équipes, le travail étant conçu comme un support pédagogique pour créer du lien social.
Les Ésat permettent de donner une activité professionnelle à une population particulièrement exposée à l’inactivité et au chômage. C’est le cas de Stessy, 23 ans, arrivée il y a quelques mois. Comme elle bénéficie du statut de travailleur protégé, elle peut maintenant se projeter dans l’avenir et espère avoir un logement autonome. Elle compte également passer son permis de conduire.
La blanchisserie n’est que partiellement automatisée. Comme il faut plusieurs mois pour maîtriser une machine, la pair-aidance est encouragée au sein des équipes, le travail étant conçu comme un support pédagogique pour créer du lien social. Les Ésat permettent de donner une activité professionnelle à une population particulièrement exposée à l’inactivité et au chômage. C’est le cas de Stessy, 23 ans, arrivée il y a quelques mois. Comme elle bénéficie du statut de travailleur protégé, elle peut maintenant se projeter dans l’avenir et espère avoir un logement autonome. Elle compte également passer son permis de conduire. © Cyril Badet
À base de produits frais et locaux, 220 repas sont préparés chaque jour pour les usagers de l’Épifaj et le restaurant en centre-ville.
À base de produits frais et locaux, 220 repas sont préparés chaque jour pour les usagers de l’Épifaj et le restaurant en centre-ville. © Cyril Badet
Éplucher, cuisiner, servir, gérer les stocks, c’est un apprentissage complet.
Éplucher, cuisiner, servir, gérer les stocks, c’est un apprentissage complet. © Cyril Badet
« Une de nos serveuses envisage de partir en stage à l’hôpital de Dieppe [Seine-Maritime] pendant un mois », précise Anne Cabaret, la directrice.
« Une de nos serveuses envisage de partir en stage à l’hôpital de Dieppe [Seine-Maritime] pendant un mois », précise Anne Cabaret, la directrice.© Cyril Badet
Les travailleurs des Ésat ne sont pas des salariés au sens du code du travail.
Ce sont des usagers d’un établissement médico-social ; ils sont donc soumis au code de l’action sociale et des familles. Ils n’ont pas d’instances représentatives du personnel mais peuvent s’exprimer au sein d’un conseil de la vie sociale (CVS).
Les travailleurs des Ésat ne sont pas des salariés au sens du code du travail. Ce sont des usagers d’un établissement médico-social ; ils sont donc soumis au code de l’action sociale et des familles. Ils n’ont pas d’instances représentatives du personnel mais peuvent s’exprimer au sein d’un conseil de la vie sociale (CVS). © Cyril Badet
Avant d’intégrer l’Ésat, ces jeunes sont venus trois semaines en stage pour découvrir les activités et choisir la leur.
Avant d’intégrer l’Ésat, ces jeunes sont venus trois semaines en stage pour découvrir les activités et choisir la leur.© Cyril Badet
« C’est important que ce choix soit le leur et non celui des parents, comme c’est souvent le cas », fait remarquer Anne Cabaret.
« C’est important que ce choix soit le leur et non celui des parents, comme c’est souvent le cas », fait remarquer Anne Cabaret.© Cyril Badet
En tant qu’usagers du secteur médico-social, les employés de l’Ésat perçoivent environ 800 euros nets mensuels, complétés par des prestations sociales. Cette rémunération est composée de deux parties : l’État verse 50,7 % du Smic et l’établissement verse un complément qui ne peut être inférieur à 5 % du Smic. À cela s’ajoutent l’allocation aux adultes handicapés (AAH) pour plus des trois quarts des usagers (350 euros), une prime pour l’emploi, des aides au logement. Leur revenu peut alors avoisiner 1 400 euros nets.
En tant qu’usagers du secteur médico-social, les employés de l’Ésat perçoivent environ 800 euros nets mensuels, complétés par des prestations sociales. Cette rémunération est composée de deux parties : l’État verse 50,7 % du Smic et l’établissement verse un complément qui ne peut être inférieur à 5 % du Smic. À cela s’ajoutent l’allocation aux adultes handicapés (AAH) pour plus des trois quarts des usagers (350 euros), une prime pour l’emploi, des aides au logement. Leur revenu peut alors avoisiner 1 400 euros nets.© Cyril Badet
Le plan de transformation des Ésat fixe un taux de 5 % de sorties vers le milieu ordinaire.
Le plan de transformation des Ésat fixe un taux de 5 % de sorties vers le milieu ordinaire. © Cyril Badet
Si cet objectif est jugé peu réaliste à l’Épifaj, il donne un cap et rappelle le bien-fondé de sa mission : espace de transition pour les uns et lieu d’accueil pérenne pour les autres. Pour certains, une expérience professionnelle traumatisante dans le passé reste un frein extrêmement présent.
Si cet objectif est jugé peu réaliste à l’Épifaj, il donne un cap et rappelle le bien-fondé de sa mission : espace de transition pour les uns et lieu d’accueil pérenne pour les autres. Pour certains, une expérience professionnelle traumatisante dans le passé reste un frein extrêmement présent.© Cyril Badet
Historiquement, la vocation des Ésat était d’accueillir des personnes atteintes de déficience intellectuelle. Ce public représente toujours près des deux tiers des travailleurs d’Ésat mais l’admission croissante de personnes présentant des pathologies psychiques et des troubles du comportement constitue désormais une réalité lourde du secteur. D’où la nécessité de favoriser davantage les allers-retours avec le milieu ordinaire.
Historiquement, la vocation des Ésat était d’accueillir des personnes atteintes de déficience intellectuelle. Ce public représente toujours près des deux tiers des travailleurs d’Ésat mais l’admission croissante de personnes présentant des pathologies psychiques et des troubles du comportement constitue désormais une réalité lourde du secteur. D’où la nécessité de favoriser davantage les allers-retours avec le milieu ordinaire.© Cyril Badet
Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales de 2019 reconnaît aux Ésat leur fonction de « bouclier social contre la grande pauvreté et d’espace de resocialisation de publics en voie de désaffiliation sociale ». Il relève que la proportion de leurs travailleurs âgés de plus de 50 ans est passée de 22 % en 2014 à 44 % en 2017. Ici, les tâches demandées peuvent s’adapter au rythme 
et à la fatigue d’une population qui vieillit.
Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales de 2019 reconnaît aux Ésat leur fonction de « bouclier social contre la grande pauvreté et d’espace de resocialisation de publics en voie de désaffiliation sociale ». Il relève que la proportion de leurs travailleurs âgés de plus de 50 ans est passée de 22 % en 2014 à 44 % en 2017. Ici, les tâches demandées peuvent s’adapter au rythme et à la fatigue d’une population qui vieillit.© Cyril Badet