Enfin un décret contre le “risque chaleur”

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icone Extrait de l'hebdo n°3969

Pour la première fois en France, les employeurs vont devoir protéger leurs salariés en cas de fortes chaleurs. C’est du moins ce que prévoit le décret du 27 mai 2025 issu des travaux des ministères chargés du Travail, de la Transition écologique et de l’Agriculture, le Conseil d’orientation des conditions de travail et les partenaires sociaux.

Par Claire NillusPublié le 10/06/2025 à 12h00

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© CFDT Construction et Bois

Les impacts du réchauffement climatique sur les travailleurs sont de mieux en mieux identifiés. Pourtant, en janvier dernier, la commission Travail et emploi du Conseil économique, social et environnemental dressait le constat préoccupant que la législation française n’intégrait jusqu’ici aucune mesure d’adaptation des conditions de travail en cas d’épisodes caniculaires. Le décret publié au Journal officiel du 1er juin 2025 vient combler ce manque en instaurant dans le code du travail la prise en compte du réchauffement climatique comme nouveau facteur de risque sur la santé au travail.

En lien avec le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc), le Plan santé au travail (PST) et le Plan pour la prévention des accidents du travail graves et mortels (PATGM), les nouvelles obligations des employeurs en cas de « chaleur intense » sont maintenant indexées sur les seuils d’alerte activés par Météo France (jaune, orange ou rouge) représentant un danger pour les travailleurs.

Des mesures pour le travail à l’extérieur comme à l’intérieur

Désormais, la loi demande aux entreprises d’évaluer les risques « liés à l’exposition des travailleurs à des épisodes de chaleur intense, en intérieur ou en extérieur » et de prendre les mesures qui s’imposent en vue de les limiter. Avec l’aide des services de prévention et de santé au travail (SPST), elles pourront par exemple adapter l’organisation du travail ou les horaires de la journée de travail, prévoir des périodes de repos ou encore limiter l’usage de procédés techniques qui exposent particulièrement à la chaleur. Elles doivent aussi maintenir les locaux fermés à une température modérée toute l’année (jusqu’à présent, leur seule obligation consistait à les chauffer pendant l’hiver) et fournir de l’eau fraîche « autant qu’il est nécessaire ». Les équipements de protection individuels doivent permettre de maintenir « une température corporelle stable » et de protéger « des effets des rayonnements solaires » directs ou différés. De plus, le texte mentionne la nécessité d’informer et de former les travailleurs au risque chaleur et de mettre en place des modalités de signalement d’« indice physiologique préoccupant ». Enfin, ces dispositions s’accompagnent d’un droit de mise en demeure par l’inspection du travail en cas de manquement, assortie d’un délai minimal d’exécution fixé à huit jours.

Le BTP, les transports, l’agriculture, secteurs les plus touchés

Il était temps de légiférer, et la CFDT salue ce décret. Maux de tête, crampes, déshydratation et malaises font partie des signes facilement repérables… mais trop souvent sous-évalués. Or l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité) a déjà établi depuis plusieurs années qu’au-delà de 30 °C en cas d’activité sédentaire et 28 °C dans le cas d’un travail nécessitant une activité physique, la chaleur constitue un risque pour la santé : même en l’absence d’alerte canicule, la relation entre la température et l’humidité ambiante constitue un facteur aggravant, l’organisme ne pouvant pas se refroidir normalement.

C’est pourquoi la CFDT pense qu’au-delà de ce « décret chaleur », il faut aller plus loin en matière de prévention en intégrant des indicateurs qui tiennent précisément compte de tous ces facteurs – incluant le taux d’humidité, la présence ou non d’ombre – et pas seulement de la température. La CFDT suggère également que les méthodes d’évaluation des risques s’alignent sur les normes internationales afin de mesurer plus précisément le stress thermique et d’évaluer ce dernier de manière plus inclusive (pour les personnes travaillant à l’extérieur, les employées enceintes, les seniors et les personnes ayant des problèmes de santé…).

Dernière préconisation indispensable : encourager la prévention des risques thermiques dans le cadre du dialogue social de branche. Selon le baromètre sur l’état du travail réalisé en avril 2025, un quart des travailleurs déclarent souffrir de la chaleur l’été, dont 40 % dans le BTP et les transports. En 2022, la CFDT Construction et Bois a d’ailleurs déploré 30 décès à cause de la chaleur… Une enquête de la CFDT Agri Agro révèle que pas moins de 80 % des salariés se disent impactés.

À propos de l'auteur

Claire Nillus
Journaliste

On ne peut plus minimiser l’impact des pics de chaleur, certes moins intenses que dans d’autres endroits du globe, mais qui se répètent déjà en France et vont se multiplier, inexorablement.