En « vert » et contre tout

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Mon CSE passe au vert

Face à l’urgence climatique, l’action des équipes CFDT en faveur de la transition écologique au sein des CSE (comités sociaux et économiques) se renforce. Avec des obstacles non négligeables : le peu d’empressement des directions à les impliquer, mais aussi le manque de temps et de moyens.

Par Emmanuelle Pirat— Publié le 03/05/2024 à 09h00

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© Info_Com CFDT

C’est une profonde transformation qui se joue dans les entreprises. « Il fut un temps où le syndicalisme était avant tout un syndicalisme de la feuille de paie. Désormais, il est à un tournant, celui de l’urgence climatique et ses nombreux défis. C’est un rendez-vous à ne pas manquer. » C’est ainsi que Michaël Pinault, secrétaire fédéral à la Fédération Communication, Conseil, Culture (CFDT-F3C), à l’origine du réseau des Sentinelles vertes, exhortait ses troupes lors de la réunion annuelle, il y a quelques mois.

Certes, le sujet de l’impact environnemental des activités humaines est porté de longue date par la CFDT. L’ouvrage Les Dégâts du progrès, paru en 1977 (éditions du Seuil), en témoigne. Mais, depuis quelques années, on observe un intérêt renouvelé pour les questions environnementales et la nécessaire décarbonation de notre modèle productif.

Prise de conscience

La prise de conscience s’est aiguisée dans les entreprises et les administrations du fait des conséquences concrètes et sensibles du dérèglement climatique : vagues de chaleur de plus en plus fréquentes et extrêmes, inondations, intempéries…

Sur le site d’ArianeGroup, à Issac, près de Bordeaux, le délégué syndical CFDT Jérémy Couloumy en témoigne : « Nous avons connu ici deux terribles catastrophes en 2022 : un épisode de grêle en juin puis les incendies de juillet, qui ont ravagé toute la région autour du bassin d’Arcachon… Certains de nos collègues sont restés parfois jusqu’à six mois sans habitation, sans rien. Et certaines de nos installations industrielles ont été mises à l’arrêt pendant près d’un an. Alors quand on évoque le dérèglement climatique, ça nous parle très directement. » Militant très engagé, Jérémy a été, en tant que secrétaire du CSE, à l’initiative d’un des tout premiers bilans carbone réalisés (lire Quand le CSE fait son bilan carbonne).

« On voit bien désormais que la transition écologique et les questions environnementales ne sont pas un sujet annexe qui peut être traité à part des missions des CSE. Au contraire, c’est un sujet transversal. Il doit être abordé dans chaque thème de négociation qui touche l’activité de l’entreprise », souligne Laure Pelletier, l’une des responsables du dossier transition écologique juste au siège de la CFDT.

Ce nouveau rôle est d’ailleurs favorisé par le renforcement du cadre législatif, qui confère notamment de nouvelles prérogatives aux élus et militants dans les entreprises sur les questions environnementales : la loi climat et résilience d’août 2021, l’accord national interprofessionnel relatif à la transition écologique et au dialogue social d’avril 2023, etc.

Les actions se diversifient

Par ailleurs, le rapprochement de certains militants syndicaux avec des associations mobilisées sur l’environnement, la constitution de réseaux, comme celui des Sentinelles vertes, ont aussi permis de faire progresser toute la CFDT sur ces sujets ardus.

“À l’échelle de la France, les CSE sont à l’origine de 11 milliards d’euros de dépenses chaque année et d’activités fortement émissives, comme des vols long-courriers, des achats de biens…”

Maxime Balsat, cofondateur de represente.org.

D’abord centrées sur les écogestes (réduction des déchets, tri…) ou sur des actions de sensibilisation (réalisation de Fresques du climat, ateliers Do It Yourself, etc.), les actions des militants se sont diversifiées. Lors des campagnes pour les élections professionnelles et le renouvellement des CSE, de nombreuses équipes CFDT ont mis le sujet de la transition écologique juste au cœur de leur programme pour la prochaine mandature.

Le « verdissement » des activités sociales et culturelles (ASC) est donc souvent à l’ordre du jour : réflexion sur la politique des voyages, la billetterie, les chèques-cadeaux… avec l’objectif de réduire l’empreinte carbone. Une action qui est loin d’être anecdotique, car, comme le rappelle Maxime Balsat, cofondateur de Représente.org (lire son interview dans ce dossier) : « À l’échelle de la France, les CSE sont à l’origine de 11 milliards d’euros de dépenses chaque année et d’activités fortement émissives, comme des vols long-courriers, des achats de biens… Proposer des cartes-cadeaux éthiques permet de réduire de 40 à 60 % le bilan carbone par rapport à des cartes-cadeaux classiques, sur la base de 100 euros de dépenses », cite-t-il à titre d’exemple.

“De plus en plus d’équipes négocient des accords en lien avec l’adaptation au changement climatique”

Laure Pelletier

Dans d’autres CSE, l’action s’est portée sur la transformation des pratiques au restaurant d’entreprise: mise en place de stands végétariens (pour limiter les plats carnés), formation des cuisiniers à la nourriture végétarienne, politique de réduction des déchets…

Ailleurs, les élus ont privilégié la négociation d’accords de mobilité afin d’encourager les salariés à moins recourir à leur voiture, à privilégier le vélo ou les transports en commun quand c’est possible, le covoiturage, etc.

Comme au BRGM, où l’équipe CFDT vient de renégocier un accord mobilités durables original, avec un forfait progressif (de 200 à 700euros) en fonction des efforts fournis dans l’utilisation des modes de transports décarbonés. «De plus en plus d’équipes négocient des accords en lien avec l’adaptation au changement climatique», souligne également Laure Pelletier.

Chez Éram, la CFDT a été à l’initiative d’un «accord canicule» pour adapter les horaires et les conditions de travail en cas de chaleur extrême. Enfin, d’autres sujets émergent, comme la sobriété numérique, les plans d’épargne responsables…

À propos de l'auteur

Emmanuelle Pirat
Journaliste

Mais malgré ce mouvement d’ampleur, certains militants estiment cette mobilisation trop timide. À l’instar de l’équipe de JCDecaux (lire le reportage Quand le CSE s’empare du dialogue environnemental), beaucoup fustigent l’attitude des directions, peu enclines à les associer. D’autres obstacles tiennent au manque de temps, de moyens, mais aussi au manque de formation des militants sur ces sujets complexes. Une étude du cabinet Syndex de 2023 indique que 15 % des élus ont été formés aux questions environnementales. Pourtant « la question du climat, touche celle de l’habitabilité de la planète », comme le souligne un militant.