[Dossier L’Union après la crise] Vers une Europe sociale ? abonné

La crise sanitaire a montré les bienfaits du modèle européen de protection sociale. Chaque pays a instauré des dispositifs de chômage partiel ou de garde d’enfant pour venir en aide à sa population, tout en assurant dans l’urgence la prise en charge des malades. Tétanisée dans un premier temps, l’Union européenne accompagne aujourd’hui ce mouvement en organisant une forme de solidarité financière entre les États membres. Une véritable rupture.

Par Guillaume Lefèvre— Publié le 21/07/2020 à 12h58

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La crise sanitaire, puis économique, va-t-elle être le point de départ d’une nouvelle Union européenne, plus sociale et plus solidaire ? On peut toujours l’espérer. Dans chaque État membre, la période n’a pas été vécue de la même façon en fonction de la gravité de l’épidémie et des forces et faiblesses des systèmes de santé, mais tous les pays sont aujourd’hui confrontés à une récession économique – dont on ne mesure pas encore l’étendue – malgré les dispositifs d’aide mis en place pour soutenir les populations dans cette crise.

« La rapidité et la gravité du choc ont été accompagnées d’un niveau de soutien sans précédent, à la fois en profondeur et en ampleur, explique Stefano Scarpetta, à la tête de la Direction de l’emploi, du travail et des affaires sociales de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Alors que les employés tombaient malades, étaient mis en quarantaine ou perdaient leur emploi, chaque pays a activé son système de congé maladie et d’assurance-chômage. Certains pays ont même amplifié leur soutien en modifiant les règles afin de rendre ces dispositifs plus accessibles ou plus longs. »

Des mesures limitant l’impact sur l’emploi

Ces mesures ont contribué à limiter l’impact de la crise sur l’emploi. Alors que le nombre de licenciements a explosé aux États-Unis, un quart des 160 millions de travailleurs européens a pu bénéficier d’un dispositif de chômage partiel. Selon l’Institut syndical européen (Etui), 11,3 millions de salariés ont été concernés par cette mesure en France ; 10,1 millions en Allemagne ; 8,3 millions en Italie ou encore 4 millions en Espagne.

Cet outil a été déployé dans vingt des vingt-sept pays de l’Union européenne. Si l’OCDE salue l’impact positif de ces décisions, elle pointe également les limites du système de protection. « Les travailleurs en contrats courts, les travailleurs indépendants, les travailleurs des plateformes, l’ensemble des salariés atypiques ainsi que leur famille sont passés à travers les mailles des régimes de protection sociale existants dans la crise actuelle. »

Des mesures d’urgence ont bien été activées, comme en Italie ou en Belgique, par le biais de primes, mais c’est loin d’être suffisant. « Il faut pérenniser ces aides ponctuelles sur le long terme et assurer un filet de sécurité minimum aux travailleurs en Europe, au-delà du contrat de travail », insiste Stefano Scarpetta.

Tétanisés dans un premier temps, les membres de l’Union européenne sont finalement parvenus à se mettre d’accord pour accompagner cette politique sociale qui n’est pourtant pas dans ses prérogatives. Le 1er avril, la Commission européenne a lancé le dispositif SURE (Support to itigate Unemployment Risks in an Emergency) doté d’un budget de 100 milliards d’euros. Concrètement, il s’agit de prêts accordés aux États pour les aider à financer le chômage partiel. « C’est la première fois qu’il y a une réponse européenne commune pour lutter contre le chômage », se félicite Enrico Letta, ancien Premier ministre italien (lire son interview ci-dessous).

L’aide du mécanisme européen de stabilité

Autre avancée, l’annonce, le 11 mai dernier, par les ministres des Finances de la zone euro, de la possibilité pour les États de recourir aux fonds du mécanisme européen de stabilité (MES) pour financer des dépenses liées à la santé. Enfin, le plan de relance de 750 milliards d’euros – dont 500 milliards sous forme de subventions – annoncé le 27 mai dernier par Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, s’inscrit dans cette dynamique.

Même si les sommes sont en deçà des attentes, l’esprit de cette relance prévaut : il s’agit d’une aide destinée aux régions et aux secteurs économiquement les plus touchés par la pandémie de Covid-19, aide qui deviendra une dette remboursée par tous, même par ceux qui n’en auront que peu bénéficié.

« Cela peut changer profondément le visage de l’UE. C’est la naissance du…

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