Forte de ses 45 millions d’adhérents, la Confédération européenne des syndicats (CES) fait vivre le dialogue social au niveau européen. Un rôle exigeant à l’heure où l’Europe amorce, timidement mais incontestablement, un virage social.

Faire de la diversité une force, c’est tout l’enjeu de l’Union européenne et c’est tout l’enjeu du syndicalisme européen. Le parallélisme entre le défi politique et le défi syndical est frappant. Apprendre à se respecter, se comprendre pour finalement s’entendre est une gageure tant les cultures nationales sont prégnantes.
« Quand on fait du syndicalisme au niveau européen, il faut faire l’effort d’oublier un peu d’où l’on vient, résume Claude Rolin. Pour ce syndicaliste belge, très investi sur les questions européennes au point d’avoir rejoint le Parlement européen lors de la dernière mandature (lire l’interview croisée entre Edouard Martin et Claude Rolin), cette posture ne va pas de soi, c’est un vrai travail, mais elle est essentielle pour parvenir à trouver des points de passage qui permettent de faire avancer les questions sociales en Europe. »
Cette évolution des mentalités aura demandé du temps. Si aujourd’hui, l’Europe syndicale est représentée par la Confédération européenne des syndicats (CES) (lire l’encadré ci-dessous), le chemin pour parvenir à unifier l’ensemble des organisations nationales n’a pas été un long fleuve tranquille.
Luca Visentini “Un nouveau contrat social est nécessaire en Europe” Actuel secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (CES). Comment fait-on travailler ensemble les syndicats malgré leurs différences ? C’est notre travail quotidien. Cela exige de prendre le temps de la discussion avant d’adopter une approche commune. Nous y parvenons le plus souvent. Nous le devons, je crois, à la confiance et la bonne volonté que nous avons su construire. Nous avons tous appris que nous avons davantage à gagner si nous travaillons ensemble. Quelle est votre vision du mouvement syndical européen d’ici à dix ou quinze ans ? Je ne peux pas prédire l’avenir. La CES travaille à construire un mouvement syndical renouvelé dans toute l’Union européenne. Nous devons revitaliser la syndicalisation en pensant aussi aux travailleurs indépendants et aux salariés en contrats courts. Nous devons également nous assurer que les gains de croissance se traduisent par de meilleurs salaires et des emplois de qualité pour tous. Plus largement, nous devons changer la stratégie économique de l’Union fondée sur l’austérité et la dérégulation. Un nouveau contrat social est nécessaire en Europe. Quelles sont les conditions nécessaires à la réalisation de ce projet ? Les élections européennes seront décisives. Nous devons convaincre les travailleurs de voter pour les partis et les candidats qui soutiennent une Europe plus juste pour les travailleurs. La montée des populistes, des partis d’extrême droite et antieuropéens est très inquiétante, mais je suis confiant. Ensemble, les pays de l’Union européenne sont assez forts pour décider de leur avenir, et ils peuvent le faire de façon que cela bénéficie à tous les citoyens, pas seulement à quelques-uns. |
©Photo Dursun Aydemir (Bruxelles) |
En 1957, lorsque se crée la Communauté économique européenne (CEE), le mouvement syndical compte trois confédérations internationales : l’une sociale-démocrate, l’autre d’inspiration chrétienne et la troisième de culture communiste. L’unité ne se fera qu’au milieu des années 70. À la même époque, le patronat étouffe toute velléité de syndicalisme et de dialogue social au niveau européen. « Le mouvement syndical européen était divisé et le patronat arc-bouté sur le refus d’engagement en tant que partenaire social, assuré qu’il était de la complicité du gouvernement britannique de Margaret Thatcher, pour mettre son veto à toute initiative sociale », explique Jean Lapeyre, militant CFDT issu de la métallurgie, dans un livre qui retrace l’histoire du syndicalisme européen*.
Pendant ces premières années, la CFDT jouera un rôle majeur, notamment pour rapprocher les organisations françaises et allemandes. L’arrivée de Jacques Delors à la tête de la Commission européenne permettra par la suite à la CES de trouver sa place et une légitimité aux côtés des autres institutions européennes qui ne lui est aujourd’hui plus contestée. S’ensuivra une période plutôt positive pour le dialogue social européen, même si la CES n’aura de cesse d’alerter sur le déséquilibre entre les avancées du volet économique de la construction européenne et celles du volet social.
Trente plus tard, ce constat n’a guère changé même si ces dernières années ont été marquées par de vraies avancées. Après dix années catastrophiques sur le plan social correspondant aux deux mandats de la Commission Barroso (2004-2014), la Commission Juncker (depuis 2014) a amorcé un tournant symbolisé par l’adoption unanime des chefs d’État le 17 novembre 2017 à Göteborg (Suède) du « socle européen des droits sociaux ». Non contraignant juridiquement, ce texte pose néanmoins le cadre d’une politique sociale au niveau européen. C’est une première réponse apportée par l’Europe, critiquée depuis des années par les organisations syndicales pour son inertie en la matière. Vont suivre, entre autres, la révision de la directive sur le travail détaché ; l’adoption d’une directive sur l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle, qui comprend notamment un congé paternité et un congé parental ; une directive sur les lanceurs d’alerte ou encore la création d’une Autorité européenne du travail. « Nous avons, sans conteste, obtenu des avancées et réussi à relancer le dialogue social en Europe », résume Thiébaut Weber, membre de l’exécutif de la CES après un passage à la CFDT.
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