[Dossier 2/3] Panorama des syndicalismes européens abonné

Tous les syndicats européens ne se ressemblent pas, offensifs pour les uns, réformistes pour les autres, convaincus des bienfaits de la cogéstion ailleurs… Mais tous ont une priorité : relever le défi de la syndicalisation, renouveler leurs pratiques face aux nouvelles formes de travail. Petit tour d'horizon géographique et historique des syndicats européens.

Par Marie-Nadine Eltchaninoff, Didier Blain, et Guillaume LefèvrePublié le 15/05/2019 à 09h20

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Une syndicalisation dans le top 5 européen

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’État belge établit un pacte social avec les centrales syndicales au terme duquel il leur transfère ses compétences sur l’emploi, la sécurité sociale, la gestion du chômage et tout ce qui est en lien avec le travail. « Tous les deux ans, ces partenaires se réunissent et fixent un cap qui s’applique à tous les travailleurs de Belgique, explique Nicolas Deprets, le porte-parole de la FGTB. Ils déterminent les augmentations salariales, le temps de travail et le niveau des allocations chômage. »

Ce sont les centrales syndicales qui servent leurs allocations aux chômeurs belges. « Mais ce n’est pas le seul service qu’elles rendent, ajoute Nicolas Deprets. Elles fournissent aussi des conseils juridiques individualisés. » Les deux grandes organisations belges, la CSC* et la FGTB, à travers leur réseau très dense de points de contact sur le terrain, versent près de 90 % des allocations chômage contre 10 % à l’agence d’État pour le même travail. Cela explique en grande partie le taux de syndicalisation. La Belgique est dans le top 5 européen avec 50 % de salariés syndiqués !   

 

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Le DGB prépare le futur

 « Il y a au DGB des craintes de voir un phénomène, type gilets jaunes ou pire, apparaître en Allemagne, lié à la faible réponse des politiques face aux problèmes sociaux, alerte Andreas Botsch, directeur du service Europe et International de la grande confédération allemande. C’est pourquoi nous nous sommes emparés des questions sociétales et avons décidé d’aborder des thèmes qui vont aller au-delà des questions syndicales habituelles. Notre ambition est de devenir une véritable force sociale en créant du dialogue au-delà de l’entreprise. »

Ce projet, baptisé « Dialogue sur le futur », devrait durer plusieurs années. « Il s’agit d’un large processus de débats avec nos adhérents afin d’identifier leurs préoccupations, explique Andreas Botsch. Cette réflexion collective a déjà fait remonter la question du logement comme priorité numéro1 et les conventions collectives en numéro2. » Fort de ce premier constat, le DGB est en train de cartographier les entreprises non signataires des conventions collectives et portera les résultats à la connaissance du public afin d’alimenter les débats.

Bien qu’encore très puissant, le DGB a clairement conscience qu’il doit en partie renouveler ses pratiques afin d’enrayer la baisse de ses adhérents et se projeter dans l’avenir. « Aujourd’hui, seuls 15% des travailleurs allemands sont affiliés à un syndicat contre 20% dans les années90, explique Marc Meinardus de la Fondation Friedrich-Ebert. Le DGB compte 6millions d’adhérents alors qu’ils étaient encore 7,4millions vingt ans plus tôt. » La réunification du pays a changé la donne, fragilisant la place centrale du syndicalisme. « La volonté d’une partie du patronat de se soustraire aux engagements sociaux est de nature à remettre en cause notre modèle social de répartition des richesses et n’incite pas à l’adhésion », souligne Andreas Botsch.

« Des expériences syndicales innovantes tentent d’organiser les travailleurs indépendants. C’est le cas chez Deliveroo et d’autres plateformes de restauration, raconte Marc Meinardus. La fédération de la métallurgie, IG Metall, expérimente aussi l’adhésion via les réseaux sociaux et des applications dédiées. » Grâce à ces efforts, la baisse de la syndicalisation ralentit. « Les syndicats de professeurs ou de la police ont même inversé la tendance, constate Marc Meinardus. Et IG Metall s’est consolidé malgré la crise du secteur automobile. »       

 

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Le syndicalisme face au populisme

« Nous faisons face à un gouvernement populiste, autoritaire et nationaliste qui joue sur les peurs, s’alarme Salvatore Marra, ex-président du comité jeunes de la CES et membre de la Confédération générale italienne du travail (CGIL). Il oppose les citoyens les uns aux autres. Les pauvres et les immigrés sont systématiquement stigmatisés. » Depuis 2018, le gouvernement italien est constitué de deux partis qui se réclament « antisystème », le Mouvement 5 étoiles et la Ligue. « Nous sommes très inquiets, poursuit le syndicaliste. L’Italie est à un tournant, notre pays est en stagnation, il n’y a pas de croissance, et le chômage des jeunes est très élevé ! »

Cette situation, la CGIL, la CISL (Confédération italienne des syndicats de travailleurs) et l’UIL (Union italienne du travail) ne l’acceptent pas. Les trois grandes centrales syndicales, fortes de leurs 13 millions d’adhérents, ont appelé les travailleurs et travailleuses à se mobiliser autour d’une plateforme revendicative. Le 9 février dernier, plusieurs centaines de milliers de manifestants ont répondu présent. Derrière la banderole « Un avenir au travail », ils ont demandé au gouvernement une vraie politique de croissance. « Il faut un plan massif d’investissements publics et privés et des réformes ambitieuses », confie Salvatore Marra. « Le gouvernement doit changer de route », tonnait Annamaria Furlan, secrétaire générale de la CISL.

Face au repli nationaliste du gouvernement, les syndicats et le patronat réclament également une relance du projet européen. Ensemble, ils invitent les Italiens à défendre leur avenir, la démocratie, les valeurs européennes, la croissance économique et la justice sociale. « Nous voulons une Europe sociale, ouverte et accueillante pour tous », réaffirme Salvatore Marra.          

 

Un syndicalisme à la peine
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La situation est grave. « Le syndicalisme s’effrite de façon continue dans les pays d’Europe centrale et orientale (Peco*), alerte Philippe…

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