Temps de lecture 6 min
Extrait de l'hebdo n°3968
Les élus CFDT du conseil départemental du Val-de-Marne tentent d’imposer le sujet de la qualité de vie au travail dans une période particulièrement tendue pour l’ensemble des agents des collectivités locales.

À l’instar de la quasi-totalité des départements français, le Val-de-Marne (94), en petite couronne parisienne, est dans une situation difficile sur le plan budgétaire. Les ressources des conseils départementaux proviennent essentiellement des « frais de notaire », or, du fait de la crise immobilière, les rentrées d’argent sont moins élevées qu’attendues. Résultat : les plans d’austérité se multiplient dans les départements… Le Val-de-Marne ne fait pas exception. Depuis mai 2024, les recrutements sont gelés pour une partie des postes, et des CDD ne sont pas reconduits. Nombre de services se trouvent contraints de fonctionner en effectifs réduits.
Dans ce contexte compliqué, et qui dure maintenant depuis plusieurs années, la section CFDT a souhaité faire de la question de la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT) une priorité syndicale. « Les élus du département ne veulent renoncer à aucune de leurs politiques alors qu’ils ont de moins en moins de moyens. Résultat, les agents subissent une surcharge de travail et n’arrivent plus à faire face. Le service aux administrés se détériore et le mal-être des collègues s’amplifie, résume Laurent Vigreux, secrétaire de la section. La CFDT revendique de pouvoir se poser, de réfléchir à l’organisation du travail et de prioriser les tâches. »
Une enquête à l’échelle de la collectivité
Pour faire passer ce message aux élus du département comme aux agents, la section a tout d’abord lancé une enquête « vie au travail » à la fin de l’année 2023 auprès des collègues. « On sentait que la question du travail, de son sens et de sa qualité, était particulièrement sensible. Les agents se plaignaient de plus en plus de ne pas pouvoir bien faire leur travail, de ne pas avoir le temps ou les outils pour cela », explique Laurent. « Nous avions déjà fait des petites enquêtes dans le secteur de la petite enfance mais, cette fois-ci, nous souhaitions le faire à l’échelle de la collectivité », complète Françoise Gendraux, élue CFDT et permanente de la section.
En bonne connaisseuse des ressources de la CFDT, la section a récupéré une enquête QVCT disponible sur le site ressource ARC, l’a modifiée à la marge afin de l’adapter aux préoccupations des agents et l’a distribuée via l’intranet du conseil départemental. Environ trois cents agents sur plusieurs milliers ont pris le temps de répondre à ce copieux questionnaire (une trentaine de questions au total). La participation un peu décevante s’explique en grande partie par le nombre de collègues qui ne travaillent pas au quotidien avec un ordinateur. « Nous avions un peu sous-estimé le travail de collecte et surtout de traitement des données1, reconnaît Laurent. Pour réaliser une étude de plus grande ampleur, il faudrait que nous utilisions un logiciel spécifique. » « Beaucoup d’agents ne sont pas à l’aise avec l’écrit, et nous n’avons pas eu le temps de les aider à remplir individuellement le questionnaire », renchérit Françoise.
Mieux réguler le travail pour éviter les surcharges
Ce travail d’enquête a tout de même permis de mettre en lumière les préoccupations des agents, de confirmer leurs inquiétudes et leur mal-être et, surtout, de travailler à un revendicatif CFDT. La section a notamment souhaité mettre en avant deux thèmes au sujet desquels elle cherche à obtenir des engagements de la collectivité : la charge de travail et l’organisation du travail. Autrement dit, elle revendique une plus grande régulation du travail, pour éviter les surcharges, et la mise en place d’espaces de discussions entre collègues, afin qu’ils puissent agir sur leur travail. « Les directions doivent davantage faire confiance aux agents, leur laisser des marges de manœuvre. Malheureusement, ce n’est pas encore dans leur culture, et les managers ne sont pas forcément formés. Nous sommes encore trop dans une vision verticale, très descendante, insiste Nathalie Desmurs, assistante sociale de formation et adhérente CFDT.
Négocier au sujet du quotidien des agents
Selon Laurent Vigreux, les difficultés budgétaires ne doivent pas être un frein à la mise en place de cette réflexion sur le travail, bien au contraire. C’est justement parce que les conditions de travail se dégradent qu’il faut réinterroger les pratiques et cesser d’affirmer qu’il est possible de tout faire comme avant. « Nous avons été capables de négocier un accord sur le télétravail plutôt intelligent, pourquoi ne pas aborder d’autres sujets qui font le quotidien des agents ?, souligne-t-il. Les autres organisations syndicales sont partantes pour approfondir la question. »2 Les élus, de leur côté, ont pris connaissance du travail mené par la CFDT mais n’ont pas encore apporté de réponses concrètes. Ils y auraient pourtant intérêt tant le mécontentement du personnel s’est accru. Le dernier appel à la grève, visant à dénoncer la dégradation des conditions de travail, a été suivi par près de 800 agents en avril. Et d’autres mouvements pourraient suivre…