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Chez Sanofi Aventis R&D, la CFDT se bat pour préserver l’emploi

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icone Extrait de l'hebdo n°3970

Alors que les plans sociaux s’enchaînent dans cette division du géant pharmaceutique, la CFDT de Sanofi Aventis Recherche et Développement vient d’obtenir en justice l’annulation de l’homologation du dernier plan social et bataille pour préserver l’emploi.

Par Sabine IzardPublié le 17/06/2025 à 12h00

Lors de la manifestation intersyndicale du 30 avril 2024 devant le siège de Sanofi, à Paris.
Lors de la manifestation intersyndicale du 30 avril 2024 devant le siège de Sanofi, à Paris.© DR

Début avril 2025, le tribunal administratif de Melun a donné raison aux instances représentatives du personnel de la société Sanofi Aventis Recherche et Développement (R&D) et aux syndicats qui contestaient l’homologation par la Drieets1 du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) de cette filiale du géant pharmaceutique spécialisée dans la recherche et le développement de médicaments. Le PSE avait été élaboré dans le cadre d’une réorganisation de l’activité de la société visant à prioriser ses investissements dans le domaine de l’immunologie, au détriment de l’oncologie (la recherche sur le cancer).

La recherche malmenée en France

« Ce plan social s’inscrit dans une longue liste de projets qui ont entraîné la suppression de nombreux postes et la fermeture de nombreux sites. Il y a dix ans, nous étions plus de 6 000 salariés en R&D, contre 3 000 bientôt », explique Fabrice Morency, secrétaire CFDT du comité social et économique central de Sanofi Aventis R&D. « Cette fois-ci, la direction nous a expliqué que les coûts de recherche et développement en oncologie sont plus élevés que dans les autres aires thérapeutiques. En outre, les probabilités de succès des essais cliniques se révélaient d’autant plus faibles que Sanofi n’aurait pas réussi à rattraper son retard sur ses concurrents », poursuit le militant.

« En réalité, ils ne cessent de changer de stratégie. En 2022, ils avaient souhaité recentrer les activités de recherche sur l’oncologie, et là, vingt-quatre mois plus tard, ils décident de diminuer de 70 % ces recherches pour allouer les budgets au domaine de l’immuno-inflammation. Or ce n’est pas après seulement deux ans que l’on peut juger de l’efficacité d’une réorganisation en recherche. De plus, à chaque fois qu’ils prennent ce type de virage, il n’y a pas de retour en arrière possible. Les équipes sont décimées. C’est irréversible », complète Nicolas Luet, délégué syndical CFDT du site de Gentilly et élu au CSE central de Sanofi Aventis R&D. Il dénonce la disparition progressive de la recherche en France dans le domaine pharmaceutique.

Une direction fermée à toute discussion sur l’emploi

« Il s’agit du troisième plan social en cinq ans dans cette division », confirme Laurence Merlet, déléguée syndicale centrale CFDT de Sanofi Aventis R&D. Cette fois, la réorganisation implique la suppression de 325 emplois : 16 à Gentilly, 21 à Montpellier et 288 à Vitry-sur-Seine. Avec de potentiels licenciements pour motif économique des salariés non réaffectés sur un autre emploi ou de ceux qui refusent une offre de départ volontaire. « La boussole de la CFDT dans ces négociations, c’était d’obtenir qu’il n’y ait aucun départ contraint. Nous avons négocié, comme lors des plans précédents, que tous les salariés concernés aient une solution sur la base du volontariat. Or, et c’est une première, le groupe est resté fermé à toute discussion sur ce point », déplore la militante.

L’annonce est mal passée auprès de certains militants CFDT qui ont décidé, à quelques voix près, de ne pas signer l’accord proposé. « C’était une période très compliquée. La pression était extrême car la CFDT est majoritaire en recherche et développement. En l’absence d’accord majoritaire, la direction a fait le choix de produire un document unilatéral »  avec des propositions en deçà de ce que contenait l’accord négocié. « Certains salariés nous l’ont reproché. Mais la direction pouvait faire un autre choix. Nous savions que Sanofi avait les moyens de repositionner les salariés qui ne partaient pas sur la base du volontariat, car le groupe réalise des bénéfices importants et a déjà réussi à repositionner ses salariés lors des deux plans précédents », explique Laurence Merlet.

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Une homologation retoquée

Le PSE a donc été soumis à l’administration et homologué par la Drieets d’Île-de-France le 13 novembre 2024. Les instances représentatives du personnel de la société2 ainsi que deux organisations syndicales, dont la CFDT, ont, de leur côté, saisi le tribunal administratif de Melun afin de faire annuler cette décision d’homologation, estimant notamment que « le classement par points prévu par le PSE pour fixer l’ordre des licenciements éventuels était illégal ». Le tribunal leur a donné raison le 1er avril 2025. « Dans l’accord, nous avions réussi à atténuer le poids de la qualité professionnelle dans les critères d’ordre. Mais la direction est revenue dessus dans son document unilatéral, selon nous pour pouvoir faire partir les salariés qu’elle ne voulait pas garder », poursuit Laurence Merlet.

La CFDT toujours ouverte à la discussion

La CFDT a tout récemment tenté de rouvrir les discussions avec la direction. Sans succès, cette dernière restant sourde à ses demandes. « La direction est revenue au bout de sept semaines avec un document unilatéral amendé concernant les points qui avaient été dénoncés par le juge. Elle entend bien aller vite ; 240 suppressions de postes ont déjà eu lieu. Et elle nous presse d’acter des choses avec lesquelles nous ne sommes pas forcément à l’aise. Pourtant, des points restent en suspens. Dans ce nouveau document unilatéral, la direction a notamment décalé la phase de licenciements contraints et la phase de départs volontaires de quelques mois mais n’a pas modifié les mesures d’accompagnement qui y sont adjointes. Cela va créer des ruptures d’équité entre les salariés », explique Nicolas Luet.

À propos de l'auteur

Sabine Izard
Journaliste

« Nous restons sur notre ligne de ne recourir à aucun licenciement contraint. L’idée maintenant est de pointer les lacunes de la mise en œuvre du plan pour pouvoir retourner à la table des négociations », poursuit le militant. Une expertise est donc en cours, à la demande des instances de représentation du personnel, qui pourrait donner à la CFDT de nouveaux arguments permettant de peser face à une direction hostile.