Aux Chantiers de l’Atlantique, la CFDT fait la course en tête

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iconeExtrait de l’hebdo n°3900

À Saint-Nazaire, plus grand site français de construction navale, la CFDT a le vent en poupe. Au terme des élections professionnelles qui se sont déroulées du 13 au 20 septembre, elle est devenue le premier syndicat aux Chantiers de l’Atlantique. Rencontre avec une section renouvelée et pleine d’ambition pour l’avenir.

Par Anne-Sophie Balle— Publié le 12/12/2023 à 13h00

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© Emmanuelle Marchadour

1. Négociations annuelles obligatoires.

Fin novembre, rendez-vous était donné à l’embouchure de la Loire. Dans le local syndical qui surplombe les 40 000 m2 d’ateliers des Chantiers de l’Atlantique, les militants s’occupent de la gestion courante du CSE, échangent sur les NAO1 entamées le matin même avec la direction… et savourent encore un peu leur victoire. Voilà deux mois maintenant qu’ont eu lieu chez ce géant européen de la construction navale les élections professionnelles au cours desquelles les 3 600 salariés ont placé la CFDT (jusqu’alors troisième sur l’échiquier syndical) en tête des organisations avec 31,83 % des voix, devant la CGT (29,44 %), la CFE-CGC (24,9 %) et FO (13,8 %). Avec neuf élus titulaires et huit suppléants dans les deuxième et troisième collèges, la fine équipe orange, largement renouvelée, prend peu à peu conscience de ce leadership qui oblige.

En situation de première OS

« Outre une participation de 60 % qui a permis d’atteindre le quorum dans les trois collèges sans passer par un second tour, le score nous donne la possibilité de désigner le [en l’occurrence la] secrétaire du CSE », sourit le secrétaire de section Jérôme Dholland en désignant Gwénaëlle Bertho, installée à l’autre bout de la table.

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© Emmanuelle Marchadour

Il l’avoue sans ambages : la section CFDT n’était pas préparée à devenir première organisation syndicale. « On s’interdisait d’afficher de telles prétentions. Mais quinze jours avant le vote, il a fallu se mettre en situation de premier et réfléchir aux forces en présence. » Et le choix de Gwénaëlle s’est imposé assez naturellement. Pourtant, la prise de mandat n’est pas de tout repos, entre les NAO, la formation des nouveaux élus et l’appropriation de la nouvelle convention collective… Il faut de la rigueur, et c’est cette rigueur à laquelle s’astreignent les élus qui entendent tirer profit de l’esprit d’équipe qui a prévalu durant toute la phase de campagne mais aussi de la récente période sociale propice au syndicalisme.

Pouvoir d’achat et reconnaissance

2. Activités sociales et culturelles.

Tous en conviennent : le combat au sujet des retraites a payé et a permis de montrer une image de la CFDT « plus combative » sur le site naval. « Nous voulions faire campagne avec des propositions qui correspondent à ce que vivent les salariés mais aussi aux aspirations des plus jeunes », résume Gwénaëlle. Ces propositions, la section est donc allée les chercher parmi les axes prioritaires de sa campagne : la sécurité, les ASC2, la transition écologique et la reconnaissance. Ici comme partout, la défense des salaires face à une inflation galopante est LE sujet prioritaire. Quelques mois plus tôt, la CFDT s’est d'ailleurs affichée en intersyndicale dans le cadre des NAO 2022, amenant rapidement la direction à proposer une augmentation de 6,5 %. « Mais la reconnaissance ne peut être que pécuniaire, affirme un élu qui pointe les disparités de traitement sur certains à-côtés – par exemple le nombre de jours d’ancienneté selon que l’on est cadre ou ouvrier, la valorisation de l’expérience et de la polycompétence. » C’est cette reconnaissance que vont tenter d’obtenir les délégués syndicaux lors des NAO qui se sont justement ouvertes dans la matinée…

Temps d’échange sur les RPS

3. Risques psychosociaux.

L’autre priorité, ce sont les modes de management et la qualité de vie au travail. Le volet RPS3 se discute peu au sein de l’entreprise. « La cellule mise en place par la direction n’est pas perçue comme une instance de libre parole, et on a parfois l’impression que les RH sont plus formés sur l’aspect juridique que sur l’aspect humain », regrette François Truin, délégué syndical. Alors que l’accord RPS arrive à échéance en 2024, la section veut donner à voir une approche CFDT fondée sur la prévention et dotée de personnes-ressources. « On nous dit souvent : “Vous faites un métier d’homme, un métier difficile. C’est normal que ça puisse friter de temps en temps !” Dire cela revient à sous-entendre que si RPS il y a, c’est peut-être que nous ne sommes pas assez solides. »

La veille, la section a organisé un temps d’échange ouvert à des non-adhérents. De quoi permettre à plusieurs salariés, qui ne seraient pas rendus à la cellule RH, de s’exprimer… sans filtre. Cet après-midi, la section cogite à la manière d’instaurer ce type de rendez-vous régulier et de mieux accompagner les salariés. « Il faut trouver la bonne limite à cet accompagnement et veiller à rester dans notre rôle, lequel ne consiste pas à pallier une défaillance de l’entreprise », alerte Gaël Évin, qui a déjà accompagné individuellement des personnes en situation de souffrance en tant que représentant du salarié.

Les clés de la réussite

4. Commission santé, sécurité et conditions de travail.

Pour avancer, la section compte s'appuyer sur la communication CFDT et sur le dialogue social, qui fonctionne plutôt bien grâce (en partie) à une égale clé de répartition des mandats entre les organisations. Après les élections de 2019, les quatre organisations syndicales représentatives étaient au coude-à-coude (avec environ 25 % des voix chacune), et la CSSCT4 comptait deux élus par OS. Une telle situation, note la section, a permis de ne pas bloquer le dialogue. « Nous nous sommes vite aperçus que les seuls sujets sur lesquels on avançait vraiment étaient ceux qui étaient discutés entre OS », précise Gildas Deluen, élu CSSCT. L’obligation de renouvellement à laquelle s’est soumise la section CFDT durant la campagne sera peut être également une autre clé de la réussite à l’avenir.

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Balle
Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

« Nous avions quatre militants dans le sas de départ en retraite, et la moitié d’entre eux comptaient parmi ceux qui tenaient la section. Nous avons donc une obligation de renouvellement pour ne pas risquer que la section ferme aux prochaines élections professionnelles », poursuit le secrétaire de section. Gaël, qui « “traînait” dans la section depuis quelque temps », a donc pris un mandat de délégué syndical puis de représentant du salarié pour « entrer dans l’exercice pratique du militantisme ». Aujourd’hui, il ne le regrette pas. De quatre militants présents chaque midi pour échanger sur la vie de l’entreprise, la section CFDT est passée à dix et compte plus de vingt élus et mandatés. François, qui n’est plus désormais qu’à deux cents jours de la retraite, regarde cette joyeuse équipe d’un œil bienveillant, confiant en l’avenir.