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Extrait de l'hebdo n°3963
Le géant de l’acier a confirmé, le 23 avril, la délocalisation d’emplois support vers l’Inde et la Pologne, et annoncé la suppression de 400 postes en production dans ses usines françaises. Un coup de massue pour les organisations syndicales…

Les mauvaises nouvelles s’enchaînent pour les salariés du sidérurgiste ArcelorMittal. Utilisant l’argument d’une crise historique de l’acier en Europe, le groupe (qui emploie près de 15 000 salariés en France et plus de 50 000 en Europe) a confirmé, lors d’un comité de groupe européen, la délocalisation de certaines de ses activités européennes marketing, commercial ou informatique. Au total, « entre 1 250 et 1 400 postes » dans les fonctions non directement liées à la production d’acier seront transférés en Inde et en Pologne en vue de faire des économies, ont indiqué des sources syndicales, non démenties par la direction, à l’issue de la réunion.
En France, où se tenait en même temps un comité social et économique extraordinaire (CSEE) portant sur sept usines du nord de la France, le bilan social est plus lourd que prévu : 636 emplois seraient supprimés ; outre les 236 emplois dans les fonctions support, déjà connus des organisations syndicales, 400 supplémentaires impacteront la production. Le projet concerne les sept usines de Basse-Indre (44), Desvres (62), Dunkerque (59), Florange (57), Mardyck (59), Montataire (60) et Mouzon (08), qui emploient au total quelque 7 100 salariés.
“Une trahison de la part de la direction”
« C’est une véritable trahison de la part de la direction », a immédiatement réagi la CFDT d’ArcelorMittal France dans un tract destiné aux salariés. « Elle s’est bien gardée de tenir informée notre organisation syndicale concernant les suppressions de postes sur les outils de fabrication. [Pire] depuis le début, et durant chaque CSE central, elle nous disait qu’aucune ligne de production ne serait impactée. De plus, la direction a eu l’audace de nous faire croire que seul ce projet pouvait sauver AMF1. Pourtant, à la base, le dispositif d’APLD était censé nous protéger de tout plan social et des suppressions d’emplois. Aujourd’hui, après avoir profité au maximum des aides publiques, la direction balaye d’un revers de main tous les aspects sociaux de ce mécanisme. Comme à son habitude, elle préfère se séparer de la main-d’œuvre pour des bénéfices rapides plutôt que d’investir sur le long terme afin d’avoir une entreprise robuste. »
« Il est trop tôt pour chiffrer le nombre de personnes concernées » par le plan d’économie, lequel « découlera d’un processus d’orientation-consultation qui commencera la semaine prochaine avec les organisations syndicales ; il y aura notamment des opportunités de reclassement à l’intérieur du groupe », a indiqué Bruno Ribo. Selon le nouveau directeur général d’AMF, ces annonces ne devraient pas remettre en cause les projets d’investissement massif du groupe dans la décarbonation du site de Dunkerque, dont l’annonce a pour le moment été suspendue en raison de la crise. « C’est la restauration de notre compétitivité qui doit nous aider à finaliser la décision d’investissement », a-t-il assuré à l’AFP.
Ce discours, Jean-Marc Vécrin, délégué syndical central CFDT d’AMF, n’y croit pas. « Il faut cesser de distribuer des aides publiques à ArcelorMittal. Le groupe est endetté à hauteur de 5 %, ce qui signifie qu’il a largement la capacité financière de décarboner tout seul Dunkerque, sans aucune aide publique. Mais, comme d’habitude, il profite des aides, de l’Europe, de la France, de la faiblesse de nos politiques. Il faut que les gens en aient bien conscience ! »
298 millions d’euros d’aides publiques en 2023…
De fait, le groupe ArcelorMittal a bénéficié en France d’un soutien de 298 millions d’euros d’aides publiques en 2023 (dont 195 millions au titre des taux réduits sur les factures d’énergie, 41 millions d’euros d’allègements de cotisations sociales, 40 millions d’euros en crédit impôt recherche et 22 millions d’euros d’aides d’urgence). Sans compter les sommes promises par l’État pour soutenir, à hauteur de 850 millions d’euros, le projet de production d’acier décarboné sur le site de Dunkerque (montant total de l’investissement annoncé : 1,8 milliard d’euros). Des chiffres qui, s’il en était besoin, rappellent l’urgence à mettre en place de véritables contreparties aux aides publiques, ce que revendique la CFDT depuis des années ! Compte tenu de l’importance stratégique de la production d’acier, la situation appelle, en tout cas, des réponses solides.