À la rencontre des jeunes en jobs d’été

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iconeExtrait de l’hebdo n°3881

Le 1er juillet, la CFDT a officiellement lancée sa 25e campagne saisonniers, ciblée cette année sur les jeunes en jobs d’été. L’occasion pour les militants d’aller à la rencontre d’une génération souvent éloignée du monde syndical. Reportage en Bretagne et en Occitanie.

Par Tyfenn Desloges— Publié le 04/07/2023 à 12h00

Des militants bretons lors de la journée de lancement de la nouvelle campagne saisonniers à Concarneau (Finistère), le 29 juin dernier.
Des militants bretons lors de la journée de lancement de la nouvelle campagne saisonniers à Concarneau (Finistère), le 29 juin dernier.© CFDT-Bretagne

« On entre dans les commerces, tous les endroits où peuvent être présents les saisonniers, on va directement au contact », raconte Violaine Le Roux, secrétaire départementale de la CFDT du Finistère. Les villes cibles sont choisies en fonction de la présence des saisonniers mais, d’une année sur l’autre, les militants changent de destinations. La CFDT finistérienne passe même deux journées sur les îles cet été, ainsi qu’à l’entrée des festivals des Vieilles Charrues (à Carhaix-Plouguer) et du Bout du Monde (à Crozon) – où l’accueil des festivaliers y est souvent très positif, relate la déléguée.

Dans les “maisons du travail saisonnier”

Ces campagnes offrent aussi l’occasion de se rendre dans les « maisons du travail saisonnier » afin d’observer leur fonctionnement et s’implanter. Delphine Delaporte, secrétaire régionale de l’Union régionale interprofessionnelle (URI) d’Occitanie, en témoigne : « Dans les maisons du travail saisonnier, ça prend bien, ce moment, le dialogue s’est fait naturellement. Il y a des maisons qui ont des questions juridiques et qui appellent directement nos mandatés pour obtenir de l’aide. » La problématique du logement est également au cœur de cette campagne. « Une particularité du Finistère que l’on a remarqué : certains employeurs mettent des logements à disposition des saisonniers. C’est une bonne chose mais cela peut aussi poser question parce qu’ils sont sur place, donc ils peuvent tout le temps travailler », souligne Violaine Le Roux.

La discussion est toujours de mise, tant avec les maisons du travail saisonnier qu’avec la région ou les employeurs. Ces derniers sont rarement mécontents de l’intervention syndicale. Violaine Le Roux et son équipe présentent régulièrement l’application « Ma saison » aux employeurs, et ceux-ci y sont souvent très réceptifs. Idem en Occitanie, précise Delphine Delaporte : « J’ai passé une demi-heure à discuter avec un employeur à Lourdes, de la conjoncture et de comment la saison se préparait. On a besoin de savoir comment ça se passe pour eux aussi. Ça apaise beaucoup les choses. » Quant aux jeunes, même s’ils sont souvent éloignés du monde syndical, ils se montrent plutôt intéressés. « On a vraiment un très bon contact, une belle image. On ne va pas se le cacher, la mobilisation contre la réforme des retraites a donné une autre image des syndicats », insiste Violaine Le Roux. Simplement, ceux-ci sont la plupart du temps discrets et osent peu interagir avec les membres des organisations syndicales en présence de leurs patrons.

“Tournée des saisonniers” et permanences mobiles

C’est pour cette raison (et pour proposer un temps de dialogue plus long) que la CFDT-Occitanie met en place sa « tournée des saisonniers ». Dans trois grandes stations balnéaires, des permanences mobiles se tiendront et permettront aux saisonniers de venir poser leurs questions en dehors de leur temps de travail. En parallèle, une équipe tournera dans les commerces afin d’informer les saisonniers de la tenue des différents évènements.

Autre action originale, le samedi 1er juillet, dans le Lot, une tombola a été organisée pour obtenir les contacts des saisonniers et les recontacter ultérieurement. À gagner, des tote bags CFDT accompagnés de goodies. Tout est mis en œuvre quand il s’agit de capter une génération assez souvent hors de portée.

En parallèle, la CFDT a décidé de lancer, au niveau national, une nouvelle enquête « Focus jeunes » à destination des 16-30 ans : salaires, charge de travail, heures sup’… Elle souhaite donner la parole aux travailleurs saisonniers pour enrichir ses revendications. Les résultats de l’enquête, ouverte jusqu’au 1er septembre, seront restitués lors d’un live sur les réseaux sociaux de la CFDT.

Pratiques frauduleuses

De fait, nombreux sont les jeunes saisonniers qui ne sont pas « dans les clous » du droit du travail. Edwin, qui a travaillé trois semaines dans les vignes, fait partie des étudiants payés au « gris » : « Sur l’annonce, il était écrit que le travail était payé 12,50 euros l’heure. Quand je suis arrivé, la patronne m’a fait signer un contrat et m’a demandé si ça me convenait d’être payé en partie “au black”. Le contrat stipule donc que je suis payé 10,50 euros, et la patronne m’a dit que je toucherai le reste au black. Finalement, je n’ai pas encore été totalement payé. »

Solal, employé dans un parc aquatique, a également été payé au noir pendant dix jours avant d’obtenir un contrat en CDI. Aujourd’hui encore, seules 35 heures sont déclarées, et ses heures supplémentaires sont réglées de la main à la main, au tarif de 12 euros l’heure. Six jours sur sept, il enchaîne souvent plus de six heures d’affilée avec trente minutes de pause. Et si le jour de congé reste fixe, les horaires de la journée de travail, eux, sont envoyés la veille pour le lendemain.

Mathilde, qui travaille dans la même entreprise, témoigne : « Les gens là-bas sont tous très jeunes, donc tout le monde accepte les heures supplémentaires. Vu qu’on essaie tous de trouver un job, on dit oui à tout ou à peu près. Si tu veux un job, tu le prends, même s’ils ne déclarent pas les heures sup’ parce que si ça ne te va pas, ils prendront quelqu’un d’autre. »

À propos de l'auteur

Tyfenn Desloges
rédactrice stagiaire

C’est justement contre cette instabilité du travail saisonnier et dans l’optique d’éviter des situations d’abus que les militants CFDT sillonnent leur région pour renouer le dialogue social et réaffirmer les droits des travailleurs, allant à la rencontre des plus jeunes… qui, on le sait, sont essentiels au bon déroulement des saisons touristiques.

Revendications CFDT pour les travailleurs saisonniers

À l’occasion du lancement de la campagne saisonniers 2023, Lydie Nicol, secrétaire nationale chargée du dossier, a réaffirmé lors d’une conférence de presse les revendications de la CFDT pour accompagner au mieux les travailleurs saisonniers.

  • La création d’un socle social minimum

En contrepartie de leur extrême flexibilité, la CFDT demande l’application de la prime de précarité pour l’ensemble des contrats de courte durée ainsi que la généralisation du contrat de travail saisonnier avec des droits de renouvellement (une garantie de réembauche d’une saison sur l’autre dans les secteurs du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration). La CFDT souhaite également un encadrement précis de la saisonnalité avec une date de début et de fin de saison, des contreparties aux contrats saisonniers et l’application stricte des conventions collectives. Elle veut aussi qu’une plateforme de renseignements soit mise en place et mobilisable facilement qui permette d’informer les salariés sur leurs droits.

  • La nécessité de proposer des logements

Les structures CFDT se sont emparées du problème majeur que rencontrent les jeunes durant l’été : le logement. Dans plusieurs régions, elles ont décroché des logements estivaux des communes – notamment en Auvergne-Rhône-Alpes, où la CFDT a obtenu que des logements estivaux soient réservés aux saisonniers, en accord avec les maires, et que les employeurs fournissent un logement aux saisonniers pour pouvoir les embaucher.

  • Une réforme de l’assurance chômage plus juste pour les jeunes en contrat précaire et les saisonniers

Depuis octobre 2021, l’allocation chômage prend en compte les jours travaillés et non travaillés entre deux contrats et, depuis 2023, les règles se sont durcies et les demandeurs d’emploi peuvent voir leur allocation chômage réduite de 25 % après six mois d’indemnisation. Aux yeux de la CFDT, cela est inadmissible.

Selon Lydie Nicol, tous ces obstacles posent la question de l’attractivité des emplois saisonniers – et, par conséquent, des difficultés de recrutement. Ainsi, pour la CFDT, le plan emploi saisonnier n’est pas à la hauteur… sachant qu’il manque encore entre 200 000 et 300 000 saisonniers.

Pour aller plus loin…

La page saisonniers sur www.cfdt.fr (avec le mot de Lydie Nicol, secrétaire nationale en charge de la politique jeunesse, et les outils de la campagne saisonniers 2023)

L’agenda 2023 des actions CFDT dans toute la France pour la campagne saisonniers