STMicroelectronics Rousset : la CFDT aux côtés des opérateurs… et des cadres

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iconeExtrait de l’hebdo n°3872

Rousset (Bouches-du-Rhône) est le deuxième plus gros site industriel de STMicroelectronics après celui de Crolles (Isère). Un outil performant et en plein développement où la CFDT est très présente pour améliorer les difficiles conditions de travail des opérateurs mais aussi relayer les problématiques des cadres. La vision non catégorielle du syndicalisme, c’est une des marques de fabrique CFDT !

Par Jérôme Citron— Publié le 02/05/2023 à 12h00

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© Syndheb

Où peut-on trouver des opérateurs qui travaillent en équipe de nuit, des techniciens de maintenance et des cadres en train de plaisanter autour d’une grande table de réunion ? Dans le local CFDT de STMicroelectronics à Rousset, pardi ! Au pied du massif de la Sainte-Victoire, à quelques kilomètres d’Aix-en-Provence, cette usine qui fabrique des puces électroniques fait partie des joyaux de l’économie locale depuis le début des années 80. À l’époque, la mine de charbon située à proximité ferme, et le gouvernement tente de compenser la catastrophe sociale en implantant cette nouvelle activité prometteuse.

Bien lui en a pris. Car si l’usine a, depuis, changé de propriétaires plusieurs fois (Eurotechnique, Saint-Gobain, Thomson CSF…), l’activité, elle, est restée inchangée et n’a cessé de se développer. Aujourd’hui, quelque 3 000 salariés travaillent sur place – dont un tiers à la production et un tiers à la recherche et développement. Se côtoient donc tous les profils de salariés. L’usine peut se lire en tranches qui ont été construites au fil du temps. Et le groupe vient de racheter l’usine voisine pour étendre encore son activité, cette fois-ci centrée sur le test des puces. Il faut préciser que cette activité avait été délocalisée en Asie, mais elle est en train d’être rapatriée partiellement en vue d’assurer l’autonomie industrielle de l’Europe.

Ces semi-conducteurs dont l’industrie a tant besoin

Après un passage à vide au début des années 2000, le marché des puces électroniques (également appelées semi-conducteurs) est au plus haut depuis une dizaine d’années. Toutes les industries en ont besoin : de l’automobile à la téléphonie en passant par les machines-outils. Et la crise Covid a révélé l’extrême dépendance de toute l’Europe aux puces asiatiques, entraînant une vague de relocation de cette activité stratégique.

Autour de la table, le constat est unanime : il fait plutôt bon travailler chez ST dans la période. En mars, les organisations syndicales ont obtenu une enveloppe d’augmentation salariale de 5 % bénéficiant à tous les salariés (avec une part générale et une part individuelle). C’est d’ailleurs une première pour les cadres d’avoir obtenu une part d’augmentation générale. L’accord prévoit également que tous les cadres touchent une prime variable – alors que cette prime était jusqu’à présent réservée aux cadres sup’. Il s’agit d’une victoire d’autant plus belle pour la CFDT que c’est elle qui a mené ce combat. « Il y avait clairement un problème de rémunération des cadres intermédiaires, qui voyaient leur salaire stagner. Certains collègues nous ont rejoints sur ce combat spécifique, indique Alain Botella, élu au CSE. Les femmes étaient particulièrement concernées. Aujourd’hui, nous avons obtenu que toutes les “populations” aient du mieux sur leur fiche de paie, sans exception. » À cet accord sur les salaires s’ajoute l’accord relatif au télétravail, qui est aussi plébiscité par la population des cadres, laquelle représente aujourd’hui près de deux tiers des effectifs.

Haut niveau de pénibilité du travail des opérateurs

Les opérateurs reconnaissant aussi que STMicroelectronics fait partie des bons employeurs du coin. Néanmoins, leur problématique est sensiblement différente car leur travail s’avère physiquement pénible. Ils évoluent en salle blanche et ne cessent de marcher de machine en machine, en portant des charges lourdes. Ils subissent la chaleur dans leur tenue de protection ainsi que le bruit des machines. L’enjeu pour la CFDT est donc de veiller sans cesse à leurs conditions de travail, d’autant que la pression est permanente lorsqu’il s’agit d’améliorer la rentabilité du site.

Aujourd’hui, le sous-effectif dans la partie production est criant. « Ils ont chronométré les temps passés sur tous les postes puis ont déterminé un nombre d’opérateurs optimal, raconte Sophie Didier, secrétaire de la section. Mais, dans la vraie vie, on sait bien que ça ne marche pas comme ça. Il y a toujours un collègue malade, un autre qui va moins vite, et le temps mis à faire une opération en début de poste n’est pas le même après huit heures, voire après douze heures pour les équipes du week-end. Du coup, on passe notre temps à courir pour tenir les cadences ! »

1. Troubles musculo-squelettiques.

Bien évidemment, ce haut niveau de pénibilité soulève aussi la question des TMS1. Les opérations du canal carpien sont légion, et il n’est pas aisé de se recaser sur des postes qui sollicitent moins les ligaments et tendons. « Il faut reconnaître que le site a été beaucoup automatisé et que le travail est quand même moins physique qu’avant. Des efforts ont été faits au fil des années. On porte moins de charges, mais cela reste pénible car on est sollicité de toutes parts, souligne Cédric Gollin, délégué syndical CFDT. D’ailleurs, les jeunes intérimaires ont du mal à tenir le rythme… »

Cette réalité du travail explique en grande partie le succès de la mobilisation contre la réforme des retraites. Les opérateurs ne se voient pas en production à 64 ans. Nombre d’entre eux ont répondu à l’appel de la section CFDT – elle avait loué des cars pour défiler entre collègues à Marseille –, qui se félicite d’un beau succès en matière de fréquentation. Forcément, les cadres, eux, étaient moins présents dans les cortèges, mais majoritairement solidaires du mouvement.

Le poids de la parole et de l’expertise CFDT

À Rousset, la CFDT est la seule organisation syndicale ayant obtenu une présence équilibrée dans les trois collèges. Avec 23 % des voix aux dernières élections professionnelles (en 2021), elle est en légère progression par rapport à 2018, mais se trouve face à une CFE-CGC très puissante, avec 44 % des voix, alliée à l’Unsa, à 15 %, qui s’intéresse surtout à la gestion des activités sociales et culturelles. Difficile de se faire entendre dans cette configuration. Heureusement, à l’échelle nationale, la CFDT, avec 22 % des voix, fait jeu égal avec la CGT et peut tenir le rôle d’arbitre en signant ou non des accords avec la CFE-CGC (40 %), les autres organisations syndicales n’étant pas représentatives. Sa parole a donc un poids, et son investissement est reconnu.

À propos de l'auteur

Jérôme Citron
rédacteur en chef adjoint de CFDT Magazine

En ce moment, par exemple, sept élus CFDT planchent chaque mois sur la nouvelle convention collective de la métallurgie, qu’il va falloir mettre en place d’ici au 1er janvier 2024. Un travail de titan : quelque 800 fiches emploi sont passées au crible ; elles devront permettre de positionner les 12 000 salariés du groupe en France. Délégué syndical central CFDT, Éric Potard ne compte plus les allers-retours entre Rousset et Paris pour faire avancer les dossiers. « L’essentiel se négocie en central, mais il faut bien connaître les spécificités de chaque établissement, de chaque catégorie de personnel et de chaque métier pour être pertinent », résume ce militant qui s’investit aujourd’hui dans le syndicalisme après une belle carrière à l’international. Une autre forme d’aventure.