Extrait du magazine n°493
Sensibiliser par le jeu ? De plus en plus d’entreprises se lancent. Théâtre, jeux de cartes ou de plateau : nombre de propositions conquièrent formateurs et employeurs. Démonstration avec Risk Hour, un jeu de plateau hybride imaginé par la Carsat* des Hauts-de-France pour analyser en équipe les risques au travail.

1. Risk HourRisk Hour est téléchargeable sur le site www.carsat-hdf.fr.
Comme un jeu de Cluedo® mais sans coupable ni victime1reproduit sur un plateau les différents espaces d’une entreprise (zone de livraison, accueil, salle de pause, atelier, secrétariat, direction…) où l’on se déplace avec son smartphone, 62 cartes et des pions pour trouver des indices et des solutions. L’objectif est de déterminer les circonstances d’un accident du travail dont le scénario a été élaboré par la Carsat des Hauts-de-France. Autour de la table, de quatre à six personnages (responsable des ressources humaines, chef d’équipe, représentant du personnel, assistant de direction, etc.) doivent former un groupe de travail pour analyser ensemble l’événement qui s’est produit et préconiser des améliorations afin qu’il ne se répète pas.
En lien avec ses missions d’accompagnement des entreprises en matière de santé et sécurité au travail, la Carsat des Hauts-de-France a mis au point cet outil en 2021 à destination des entreprises et des établissements d’enseignement supérieur et professionnel. Plus de 350 parties ont déjà été jouées en 2022, une petite révolution pour cet organisme qui fournit d’ordinaire de la documentation classique sur les risques professionnels.

« Nous voulions susciter une prise de conscience avec une méthode qui permette à tous les collaborateurs, salariés, représentants du personnel et membres de la direction, d’analyser ensemble un accident du travail. Le jeu s’est révélé un support idéal pour les rassembler autour d’une table avec des règles communes et un but commun », développe Julie Herbois, chargée du projet à la Carsat des Hauts-de-France.
Questionner l’organisation du travail dans son ensemble
Risk Hour propose trois scénarios choisis en lien avec la sinistralité des entreprises :
le premier invite à réfléchir sur les origines des lombalgies et troubles musculosquelettiques, qui représentent 80 % des arrêts de travail.
Le deuxième interroge les causes des chutes (un quart des accidents sur les lieux de travail).
Et le troisième traite des agressions externes, identifiées comme un risque émergent.
Il s’agit, pour chaque cas, de trouver les raisons à la fois techniques, humaines et organisationnelles de l’accident. Pourquoi Émilie s’est-elle fait agresser verbalement à l’accueil par un client furieux que sa commande en ligne n’ait pas été livrée ? Munis de leurs smartphones, les joueurs scannent des QR codes qui leur permettent d’émettre des hypothèses et d’avancer sur le plateau.
Pendant une heure environ, ils échangent à propos des informations fournies par le jeu. « Ah, il n’y avait personne à l’accueil au moment de l’agression », lit l’un d’eux sur la carte qu’il a tirée. « Je propose d’aller voir le service informatique, suggère un autre. Il y a peut-être eu un problème avec le logiciel, d’après mon téléphone. » Au terme de quatre tours, les participants doivent avoir récolté un faisceau d’éléments pour expliquer l’accident. « Il n’y a ni gagnant ni perdant. Pas d’animateur, pas de leader, tout le monde cherche des faits réels et indiscutables. Nous avons pour cela glissé énormément d’idées reçues dans le jeu pour qu’elles soient déconstruites au cours de la partie », précise Julie Herbois.
2. « Les risques psychosociaux dans le document unique », disponible sur le site www.anact.fr.
À la fin, les joueurs répondent à un petit QCM qui leur permet de vérifier ce qu’ils ont appris. Cela donne un score final et l’envie de recommencer s’ils estiment avoir besoin de se perfectionner ! »
« S’il y a parfois un peu de défiance au départ, c’est finalement un outil qui permet de devenir acteur », reconnaît pour sa part Fabien Francou, chargé de mission à l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail), qui propose également un jeu sur les risques psychosociaux destiné aux comités sociaux et économiques2.
« Sur ce sujet ô combien sérieux, un jeu de cartes aurait pu sembler futile. C’est le contraire. Au lieu de se polariser sur la réglementation, en partant de situations fictives, on peut prendre du recul, mettre une distance pour arriver ensuite à voir ce qui se passe concrètement dans une organisation de travail. » Là non plus, il n’y a pas de mise en concurrence des équipes, juste de l’émulation servie sur un plateau.
* Pour toute question : riskhour@carsat-nordpicardie.fr