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Ce 15 mars marquait la huitième journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Au même moment se réunissait la commission mixte paritaire. Un moment crucial, mais rien n’est encore écrit. “Personne ne peut parier que cette réforme sera votée demain, ni comment”, assure la CFDT. Récit d’une journée charnière.

Il est 14 h 30 lorsque la tête de cortège, quelques minutes après s’être élancée de l’esplanade des Invalides, marque l’arrêt à l’angle de la rue de Varenne, le regard tourné vers l’hôtel de Matignon. Face aux forces de l’ordre qui barrent la rue, un homme habitué des manifestations brandit sa pancarte : « Macron, Borne, Dussopt : le mépris, ça suffit ! » La scène, spontanée, illustre parfaitement le silence immuable de l’exécutif – qui, quelques jours plus tôt, adressait une fin de non-recevoir à la rencontre en urgence demandée par les organisations syndicales – vis-à-vis du monde du travail… et, quelque part aussi, une forme de mépris.

Ce 15 mars, dans les 219 villes où des cortèges intersyndicaux étaient recensés, la huitième journée de mobilisation contre la réforme des retraites a encore largement mobilisé. Dans les rues de France, des pancartes, des slogans, des chants… Loin d’un baroud d’honneur, c’est bien « le cri du monde du travail dans toute sa diversité qui s’exprime ici depuis la mi-janvier », assure Laurent Berger. Salariés, agents, retraités… : ils étaient un million et demi à battre le pavé lors de cette journée cruciale. « Aujourd’hui, on arrive dans la dernière ligne droite. Cette huitième journée de mobilisation, c’est pour dire aux parlementaires : ne votez pas cette réforme ! Elle est néfaste pour le monde du travail et néfaste pour notre cohésion sociale. »
L’exécutif en quête d’un compromis avec Les Républicains
Au même moment, la tension montait d’un cran à l’Assemblée nationale – où la commission mixte paritaire, réunie depuis le début de la matinée, arrivait aux points clés du texte. Notamment aux articles relatifs au report de l’âge légal et aux carrières longues. « La CFDT n’attend pas grand-chose de la CMP aujourd’hui, admettait en milieu de journée Yvan Ricordeau, secrétaire national chargé des retraites, tant on a bien compris depuis un an que le but du gouvernement était de trouver un compromis avec Les Républicains plutôt qu’avec les organisations syndicales ou patronales. On est là dans un jeu purement politique qui donne peu de profondeur au débat démocratique. »
Quelques heures plus tard, alors que le cortège parisien atteignait la place d’Italie, la commission mixte paritaire s’accordait sur une version commune du texte, lequel doit maintenant être soumis au Parlement. Or si le vote du Sénat (où centristes et droite sont majoritaires) devrait, sans surprise, être positif, le suspense demeure sur celui qui doit suivre à l’Assemblée, eu égard aux divisions qui perdurent parmi Les Républicains.
Déjà, rendez-vous a été pris par l’intersyndicale, dont les leaders se retrouveront dès demain à 12 h 30 sous les fenêtres de l’Assemblée nationale. « Deux scénarios sont possibles, et personne ne peut parier que cette réforme sera votée », assure la CFDT. « Quoi qu’il arrive, on décidera ensemble, affirme Laurent Berger, avant de prévenir : un 49.3 provoquera une immense colère, mais un vote n’enlèvera pas la contestation. »
L’intersyndicale forte, unie et déterminée
Réunies au siège de la FSU, les organisations syndicales ont salué la détermination des jeunes, travailleuses et travailleurs de tous les secteurs professionnels mobilisés, et fustigé le déni démocratique qui entoure cette réforme. « Le gouvernement a usé de tous les artifices constitutionnels pour que les débats parlementaires soient limités. Cette attitude relève du déni démocratique, au mépris de l’expression très majoritaire de la population et de la démocratie sociale, elle est aussi indigne que dangereuse », peut-on lire dans la déclaration commune lue à l’issue de la rencontre.
Alors que le 16 mars devrait intervenir le vote final du texte dans les deux chambres, les secrétaires généraux, codélégués et présidents des organisations syndicales tiendront une conférence de presse devant l’Assemblée. L’intersyndicale, quant à elle, se réunira de nouveau à l’issue de l’examen du projet de loi afin de décider des suites à donner à la mobilisation.