Partiellement censurée, la loi est promulguée

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iconeExtrait de l’hebdo n°3870

Le Conseil constitutionnel a validé, le 15 avril, le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans mais censure six points considérés comme des “cavaliers sociaux”, dont l’index senior et le contrat senior. Le Président a promulgué la loi presque immédiatement après cette décision.

Par Jérôme Citron— Publié le 18/04/2023 à 12h00

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© Thierry Nectoux/Chambre noire

Sauf coup de théâtre ces prochaines semaines, la réforme des retraites va s’appliquer. Sitôt rendue la décision du Conseil constitutionnel, la réforme des retraites a été promulguée par le chef de l’État et publiée dans la nuit au Journal officiel. À partir du 1er septembre 2023, l’âge de départ minimal à la retraite va progressivement être retardé pour atteindre 64 ans. Parallèlement, le nombre de trimestres nécessaires afin de bénéficier d’une retraite à taux plein va augmenter plus rapidement que prévu (c’est ce que l’on appelle « l’accélération de la loi Touraine »).

1. Dont l’invalidation du premier référendum d’initiative partagée.

Le Conseil constitutionnel a donc tranché et validé l’essentiel de la loi sur la réforme des retraites. Les neuf « sages » n’ont pas « renversé la table » ainsi que l’espéraient, entre autres, les organisations syndicales. « Les deux décisions rendues par le Conseil constitutionnel1 ne constituent pas une surprise, explique le constitutionnaliste Jean-Philippe Derosier. On pouvait s’y attendre, même s’il existait des arguments juridiques qui auraient pu conduire à une censure totale de la loi. En effet, le Conseil a toujours veillé à protéger l’exécutif, à lui donner un maximum de liberté pour déterminer et mener la politique de la nation. Pour décider de censurer la loi, il aurait fallu, dans le cas de la réforme des retraites, qu’il accorde davantage d’importance au droit du Parlement, au pouvoir législatif. C’était une décision difficile à prendre, audacieuse. Il ne s’y est pas aventuré. »

La forme et le fond validés

Le Conseil constitutionnel n’a par ailleurs rien trouvé à redire quant à la manière dont a été élaborée la loi, autrement dit sur les conditions d’examen du texte. Et a jugé que le recours à un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS) ne posait pas de problème constitutionnel. Ainsi, il considère que la clarté et la sincérité des débats ont été respectées malgré l’utilisation de nombreuses procédures ayant limité l’étude de milliers d’amendements. Les « sages » ont estimé qu’il s’agissait, en quelque sorte, d’une réponse à la politique d’obstruction menée par l’opposition. « Si l’utilisation combinée des procédures mises en œuvre a revêtu un caractère inhabituel, en réponse aux conditions du débat, elle n’a pas eu pour effet de rendre la procédure législative contraire à la Constitution », affirme le Conseil.

Sur le fond, les « sages » valident l’accélération de la loi Touraine comme le report de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans. « Le législateur a pris des mesures qui ne sont pas inappropriées au regard de l’objectif qu’il s’est fixé », explique la décision, autrement dit « assurer l’équilibre financier du système de retraite par répartition et, ainsi, en garantir la pérennité ».

La censure partielle

Si le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel de la loi, il a tout de même censuré six groupes de dispositions qui n’avaient pas leur place dans la loi. Les « sages » ont en effet estimé que ces dispositions « n’avaient pas d’effet ou un effet trop indirect sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement ». Il s’agit, dans le détail, de l’article 2, relatif à ce que l’on appelle couramment l’index senior ; l’article 3, relatif au contrat de travail senior ; l’article 6, qui modifiait l’organisation du recouvrement des cotisations sociales (abandon du transfert aux Urssaf du recouvrement des cotisations Arrco) ; certaines dispositions de l’article 10 sur les catégories actives ; certaines dispositions de l’article 17 concernant le suivi individuel spécifique des salariés exerçant des métiers pénibles ; enfin, l’article 27, qui instaurait un dispositif d’information sur le système de retraite par répartition. Autant de mesures censées faire passer la pilule des 64 ans, mais qui ont à présent disparu de la loi, rendant cette dernière encore plus déséquilibrée.

Un RIP invalidé, un autre en attente

L’autre décision très attendue concernait l’organisation d’un référendum d’initiative partagée (RIP) relatif à une proposition de loi qui interdirait d’aller au-delà des 62 ans. Les « sages » devaient déterminer s’il s’agissait d’une réforme au sens de l’article 11 de la Constitution. Ils ont répondu par la négative à cette question, considérant que cette proposition de loi n’apportait aucun changement dans l’état actuel du droit. Les parlementaires, qui s’attendaient à une telle décision, ont toutefois pris les devants : ils ont déposé, le 13 avril, une nouvelle proposition de loi pouvant faire l’objet d’un référendum d’initiative partagée.

À propos de l'auteur

Jérôme Citron
rédacteur en chef adjoint de CFDT Magazine

Cette fois, la proposition de loi interdit d’aller au-delà de 62 ans, mais pas seulement, puisqu’elle prévoit également un financement nouveau du système de retraite grâce à la taxation des dividendes. Cette « astuce politique » va peut-être permettre au texte de passer sous les fourches Caudines du Conseil constitutionnel. Ce dernier a d’ailleurs annoncé qu’il rendrait sa décision le 3 mai prochain. Si elle est positive, il faudra réunir près de cinq millions de signatures en neuf mois. Un beau défi ! Rappelons toutefois que s’il est validé, le RIP n’empêche pas l’application de la loi qui vient d’être promulguée. « Si la CFDT reconnaît la décision prise par le Conseil constitutionnel et ne la remet pas en cause, cela ne vaut pas adhésion à la réforme, conclut Yvan Ricordeau, le secrétaire national chargé du dossier des retraites. Notre opposition perdure. Elle s’exprimera le 1er mai et prendra certainement d’autres formes à l’avenir. Nous n’avons pas fini de parler des retraites ! »