L’emploi et le travail au cœur de l’agenda social du gouvernement

temps de lectureTemps de lecture 7 min

iconeExtrait de l’hebdo n°3872

Après trois mois de crise sociale sur fond de réforme des retraites, Élisabeth Borne a présenté depuis l’Élysée les priorités de son gouvernement. Et ce, alors que le dialogue avec les partenaires sociaux est toujours à la peine.

Par Anne-Sophie Balle— Publié le 02/05/2023 à 12h00

image
© Eric Tschaen/RÉA

Comment apaiser le pays tout en accélérant les réformes ? C’est à cette double injonction, apparemment contradictoire, que semble aujourd’hui s’atteler l’exécutif, qui cherche tant bien que mal à sortir de la « séquence retraites » pour enfin « passer à autre chose ». Moins de dix jours après l’allocution du chef de l’État, qui a invité les partenaires sociaux à négocier un « pacte de la vie au travail », la Première ministre a donc détaillé, le 26 avril dernier, sa feuille de route en leur proposant de « bâtir un agenda social » d’ici au 14 juillet.

1. Association des journalistes de l’information sociale.

Sept sujets figurent au programme des discussions : revenus des salariés, reconversions, usure professionnelle, emploi des seniors, conditions de travail, compte épargne-temps universel (Cetu) et assurance chômage. Le fruit de ces discussions pourrait alimenter une future loi travail début 2024. Mais, derrière ce copieux menu, la question de la méthode choisie sera centrale – dans une période où la démocratie sociale est à la peine en France. La Première ministre assure vouloir « renouer un dialogue social apaisé et constructif et laisser [aux partenaires sociaux] plus d’initiatives et de responsabilités ». Devant l’Ajis1, Élisabeth Borne a réaffirmé sa volonté de « définir un programme de travail en distinguant ce qui relève de l’agenda social et ce qui relève de l’agenda autonome », tout en s’engageant à « transcrire fidèlement dans la loi les accords qui pourront être trouvés entre les partenaires sociaux ».

Mais, du côté de l’intersyndicale, on est très clair : « La défiance est profonde et le dialogue ne pourra être rétabli que si le gouvernement prouve sa volonté de prendre enfin en compte les propositions des organisations syndicales », peut-on lire dans le communiqué commun publié à l’issue d’une réunion intersyndicale qui s’est tenue le 2 mai. D’ici là, les organisations syndicales « travailleront à des propositions intersyndicales communes mettant à contribution les employeurs, pour que les préoccupations des salariés soient enfin prises en compte ». Quant-à lui, le Medef souhaite que syndicats et patronat aient un échange préalable à tout rendez-vous commun à l’Élysée.

Deux textes avant l’été

2. Accord national interprofessionnel.

De manière plus immédiate, le gouvernement souhaite boucler deux chantiers législatifs avant la trêve parlementaire. Le gouvernement s’engage en effet à transposer avant l’été l’ANI2 relatif au partage de la valeur et l’accord (encore en cours de négociation) de la branche accident du travail et maladie professionnelle, qui vise notamment à développer la prévention de l’usure professionnelle.

Début juin, le projet plein-emploi (qui doit ramener le taux de chômage autour de 5 %) devrait également figurer à l’agenda parlementaire. Censé englober à l’origine les mesures concernant l’emploi des seniors retoquées par le Conseil constitutionnel (création d’un index senior et d’un CDI senior), il devrait être finalement circonscrit à la seule mise en œuvre de France Travail, le nouveau service public de l’emploi et de l’insertion. « Nous voulons un service public de l’emploi plus efficace, au niveau national comme territorial, avec une gouvernance partagée entre l’État, les collectivités et les partenaires sociaux », explique la Première ministre, quelques jours après la remise du rapport de préfiguration de France Travail. Derrière l’objectif consistant à mieux accompagner les personnes sans emploi et à lever les freins à l’emploi, l’exécutif promet également un régime de sanctions uniformes visant tous les inscrits à France Travail via la création d’une sanction unique, la « suspension-remobilisation ».

« Si la CFDT a toujours défendu une logique de droits et de devoirs ainsi que la nécessité d’un contrôle des allocataires, appliquer les mêmes sanctions relatives à un revenu de remplacement assurantiel et à une allocation de revenu minimum est un non-sens », estiment la secrétaire générale adjointe Marylise Léon et la secrétaire nationale Lydie Nicol. Partageant les ambitions de France Travail, la CFDT se déclare vigilante quant à la mise en œuvre de ce nouveau service public de l’emploi pour qu’il « assure à tous et toutes un accompagnement global et personnalisé qui permette une insertion durable dans un emploi de qualité ».

Des grilles de salaires qu’il va falloir revaloriser

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Balle
Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

Enfin, en matière de pouvoir d’achat, les partenaires sociaux sont invités à négocier la revalorisation des grilles salariales dans les branches. Estimant « prendre sa part » avec la revalorisation du Smic au 1er mai (qui porte la hausse du salaire minimum à 6 % en un an), l’exécutif invite les employeurs à « prendre leur part ». Faute de dialogue social réel dans des dizaines de branches, les minima légaux n’ont pas été actualisés, chaque hausse du Smic provoquant de surcroît une nouvelle augmentation du nombre de branches dont les rémunérations les plus basses sont inférieures au salaire minimum. Dans certains secteurs, cela représente un manque à gagner de 100 euros nets chaque mois, estime la CFDT.