Extrait du magazine n°488
Une nouvelle réforme de l’assurance chômage prévoit de moduler l’indemnisation selon la conjoncture économique. Marylise Léon, secrétaire générale adjointe, alerte sur une baisse des droits et une stigmatisation des demandeurs d’emploi.

Le projet de loi visant à améliorer le « fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi » est en passe d’être adopté au Parlement, avec de gros changements en vue pour les demandeurs d’emploi. Quel regard portes-tu sur ce texte ?
Nous partagions les objectifs originaux portés par ce texte qui consistaient, d’une part, à prolonger l’indemnisation des demandeurs d’emploi et, d’autre part, à répondre à la problématique des difficultés de recrutement.
Au final, on se retrouve avec une modulation des règles de l’assurance chômage en fonction de la conjoncture économique (le fameux « quand ça va bien, on durcit les règles ; quand ça va mal, on les assouplit ») et des mesures risquées totalement déconnectées de l’objectif de plein-emploi… Le Parlement joue aux apprentis sorciers ! Avec ce texte, on se rend compte que la philosophie du gouvernement – qui consiste à rendre les demandeurs d’emploi responsables du taux de chômage en France – n’a pas changé.
Une mesure fait particulièrement parler d’elle : le fait d’assimiler l’abandon de poste à une démission présumée…
En effet. Les abandons de poste sont une réalité mais ce n’est pas un « phénomène massif », comme le laisse entendre le gouvernement, qui ne dispose d’ailleurs à ce jour d’aucune statistique permettant de le démontrer. Il faut bien comprendre qu’un abandon de poste peut avoir plusieurs causes : une rupture conventionnelle refusée par l’employeur, un mal-être du salarié, qui ne voit pas d’autre issue… De l’aveu même du patronat, les abandons de poste sont parfois une solution qui sied aux deux parties. Alors, de grâce, ne venons pas une nouvelle fois jeter l’opprobre sur les demandeurs d’emploi qui profiteraient de l’assurance chômage, et travaillons plutôt sur les véritables freins à la reprise d’emploi.
Quels sont-ils ?
Ce sont les difficultés de mobilité ou de garde d’enfants, par exemple. Quand on vous demande de prendre un emploi le lundi matin et que vous n’avez pas de possibilité de faire garder votre enfant, comment faites-vous ? Ce sont aussi les freins liés à l’attractivité (conditions de travail et rémunérations en tête) et la formation. Un tiers des difficultés de recrutement résulte d’un manque de main-d’œuvre formée, selon le ministère du Travail. J’aimerais qu’on me dise en quoi baisser les droits des chômeurs va résoudre ces problèmes.
Le gouvernement a ouvert une nouvelle concertation sur l’assurance chômage avec les partenaires sociaux afin d’aborder concrètement la question de l’indemnisation…
Nous l’avons toujours dit, nous ne négocierons pas sur les critères de modulation des règles d’indemnisation. Nous voulons en revanche pousser notre idée de créer une assurance « transition emploi » lors de cette concertation. C’est le moment de repenser le rôle de l’assurance chômage et, pourquoi pas, d’inventer un système qui articule davantage assurance chômage, formation professionnelle et transition professionnelle.