Le Cese ausculte le travail dans tous ses états

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iconeExtrait de l’hebdo n°3874

Dans le cadre des Rencontres du Cese, la troisième assemblée de la République organisait, le 10 mai, une journée sur le thème du travail.

Par Nicolas Ballot— Publié le 16/05/2023 à 12h00 et mis à jour le 16/05/2023 à 13h38

Intervention de Laurent Berger aux Rencontres du Cese
Intervention de Laurent Berger aux Rencontres du Cese© Syndheb

Née d’une « aspiration à parler du travail de manière dépassionnée en s’intéressant au fond, et au vécu des travailleurs, au-delà des postures et des conflits », la journée organisée par le Conseil économique social et environnemental (Cese), « se voulait à la fois un point de convergence de travaux, études et expériences sur l'une des questions sociales les plus structurantes et sans doute l'une des plus remises en cause par les grandes transformations en cours, et un point de départ visant à ce que le travail demeure bien en haut de l'agenda politique », affirmait Thierry Beaudet, président du Cese, en introduction de la journée.

Redonner sa place au travail

Premier grand témoin de la journée, Philippe Aghion (économiste et professeur au Collège de France) n’a pas eu de mots assez durs pour stigmatiser « le manque de culture du travail des chefs d’entreprise en France, […] ainsi que les pouvoirs publics qui ont tendance à penser qu’écouter les partenaires sociaux au moment de concevoir une réforme est une perte de temps ».

1. .Selon la Dares, 37 % des Français considèrent que leur travail est insoutenable.

Cette situation est d’autant plus problématique, explique Dominique Méda, directrice de l'Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales de l'Université Paris-Dauphine-PSL, dans une table consacrée à la place du travail dans notre société, qu’il y a « une immense attente des Français vis-à-vis du travail, alors même que leurs conditions de travail sont parfois désastreuses »1 Dans le même temps, poursuit-elle, « les salariés français sont les moins consultés en Europe sur leur travail et leurs conditions de travail ».

Redonner du sens au travail

Invité comme grand témoin, Laurent Berger regrette que « le travail souffre dans notre pays d’être depuis trop longtemps un impensé politique. Coincé entre les partisans de la “valeur travail” et ceux qui ne voient le travail que comme une souffrance, on en oublie les travailleurs ». Et d’ajouter : « Quand on pense mal un sujet, on le traite mal. » Un constat que fait également sien le consultant en relations sociales, Denis Maillard, qui intervenait dans la table ronde consacrée au sens et à la qualité du travail : « La mobilisation contre la réforme des retraites révèle une crise du travail mais surtout la difficulté des responsables politiques à penser politiquement le travail. » Pour y remédier, il est selon lui « indispensable de revenir à la philosophie des lois Auroux » pour permettre une réelle expression des salariés sur leur travail. Là encore, ses propos font écho à l’intervention de Laurent Berger pour qui « la réforme des retraites aurait dû être avant tout une réforme du travail, or on n’a pas parlé du travail pendant toute cette séquence ». C’est pourquoi pour le secrétaire général de la CFDT, « l’organisation du travail doit devenir un sujet de négociation obligatoire dans l’entreprise ». Il demande dans le même temps une révision des ordonnances Travail pour instaurer des représentants de proximité parce que « les questions de travail doivent se régler en proximité, au plus près des salariés ».

À propos de l'auteur

Nicolas Ballot
rédacteur en chef de Syndicalisme Hebdo et de CFDT Magazine

Sophie Thiéry, présidente de la commission travail et emploi du Cese, fait quant à elle le lien entre cette journée d’échanges et les Assises du travail, dont elle est la garante : « Le titre du rapport remis au ministre du Travail, “Reconsidérer le travail”, présente le double défi auquel nous sommes confrontés : d’une part, repenser le travail et d’autre part, le reprendre en considération. » Elle se veut pour autant optimiste pointant que si les différents acteurs jouent le jeu « tout est réuni pour remettre le travail au cœur des débats sociaux ». Un constat partagé par le président du Cese qui, dans sa conclusion, appelait « à plus d’échanges entre les partenaires sociaux dans l’entreprise mais également avec les pouvoirs publics pour parler réellement du travail ».