L’action de militants CFDT sauve une brigade de douaniers

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iconeExtrait de l’hebdo n°3873

La brigade de douaniers armés de Chalon-sur-Saône était vouée à disparaître. Mais c’était sans compter sur l’action efficace et répétée du syndicat CFDT Finances de Bourgogne-Franche-Comté. La bataille a duré des années, avec une issue heureuse en janvier 2023.

Par Fabrice Dedieu— Publié le 09/05/2023 à 12h00

Quand la CFDT soutient les douaniers de Chalon-sur-Saône.
Quand la CFDT soutient les douaniers de Chalon-sur-Saône.© Syndheb

C’est un combat qui aura duré un peu moins de dix ans, celui des douaniers et des militants CFDT unis pour sauver la brigade de Chalon-sur-Saône, en Saône-et-Loire. L’histoire débute avec le plan stratégique douanier de 2014, qui prévoyait la fusion des brigades de Dijon et Chalon-sur-Saône, en affectant les agents Saône-et-Loiriens dans la capitale régionale. « Dans les faits, c’était une fermeture : on devait fermer les locaux et déplacer les agents, en leur laissant la possibilité d’être affectés à Dijon ou d’aller ailleurs », se souvient Rémi-Numa Stevelberg, ancien secrétaire de la section CFDT des douanes en Bourgogne, en poste avec quatre autres douaniers à la brigade de Chalon de 2014 à 2016. Aujourd’hui encore, il s’indigne de cette décision : « Les douaniers auraient dû s’armer et prendre leur véhicule à Dijon pour ensuite continuer à patrouiller dans le Chalonnais, et faire au moins 140 kilomètres par jour juste pour aller sur site et rentrer le soir. Pour quelle efficacité ? » Garder une brigade à Chalon fait sens pour lui : « C’est un nœud de circulation important, avec plusieurs autoroutes et voies ferrées qui relient le Sud et le Nord de l’Europe. C’est aussi un axe fluvial avec la Saône et des canaux. Supprimer Chalon revenait à laisser un trou entre Dijon et Lyon. »

Une demande d’expertise refusée

L’administration persiste et formalise sa décision en 2016. Dans la foulée, le CHSCT (où la CFDT ne siégeait pas à l’époque) s’en mêle, demande une expertise agréée sur les risques professionnels et psycho-sociaux, que la direction interrégionale des douanes refuse. Début 2017, la CGT arrive à faire casser devant le tribunal administratif l’arrêté de fermeture de la brigade : le CHSCT aurait dû se prononcer, ce qu’il n’a pas fait. La procédure de fermeture est relancée donc en 2019, avec un nouveau CHSCT.

Cette fois-ci, la CFDT est représentée, en la personne d’Estelle Jeangrand, secrétaire générale du Syndicat des finances CFDT Bourgogne-Franche-Comté : « Un rapport de l’inspecteur santé et sécurité au travail nous a été présenté mais il ne levait pas notre désaccord avec l’administration des douanes : cette dernière ne nous avait pas apporté les éléments nécessaires pour que le CHSCT puisse formuler un avis sur la réorganisation. » L’instance demande alors une expertise au ministère du Travail. La direction interrégionale des douanes la refuse, l’inspection du travail y est favorable. Ce qui ouvre un conflit entre les deux ministères responsables de ces administrations, conflit « qui n’a toujours pas été tranché à ce jour », souligne Estelle Jeangrand.

Faire connaître le travail de la brigade

En parallèle, en septembre 2019, la CFDT entre en action. « On a décidé de communiquer en direction du grand public pour faire connaître le travail de la brigade de Chalon-sur-Saône, en prenant contact avec la presse locale. Mais surtout, nous avons voulu nous adresser aux élus du territoire, qu’ils voient que cette brigade travaille bien, qu’elle est utile », explique la secrétaire générale du syndicat. Avec Rémi-Numa Stevelberg, qui travaillait à l’époque dans un autre territoire, mais qui n’a pas abandonné le combat, Estelle Jeangrand prend contact avec les maires, les députés, les sénateurs du département. Ils écrivent des courriers, et demandent des rendez-vous. « Nous avons commencé par Le Creusot, une ville confrontée au trafic de stupéfiant. Nous avons expliqué au maire le rôle de la brigade, son territoire de rayonnement allant de la Nièvre au Jura en passant par la Saône-et-Loire, et comment elle interrompt les trafics. En clair, un travail de pédagogie : dépeindre le métier et la réalité des saisies effectuées par cette petite brigade. Bien souvent les élus n’étaient pas au courant », se souvient Estelle.

Pendant ce temps, les douaniers de Chalon ont continué à travailler et à avoir des résultats. Ils ont été associés aux démarches de la CFDT, en participant aux rendez-vous, pour qu’ils puissent expliquer leur métier et l’intérêt de leur brigade. « Nous voulions que les élus puissent poser des questions aux collègues, qu’ils puissent être invités à un service avec les douaniers sur le terrain. Nous pensons que ça a changé les choses », estime Rémi-Numa. Au total, l’équipe compte une bonne vingtaine de rendez-vous à son actif. Les élus étaient invités à écrire au ministère. Pour autant, rien ne semblait bouger. Et la pandémie de Covid est arrivée. « Après les confinements, il a fallu reprendre notre bâton de pèlerin et continuer », pointe Estelle. Entre temps, il y a eu du mouvement dans les directions des douanes, le sort de la brigade retient l’attention. « Avec la deuxième vague de rendez-vous, nous avons changé de stratégie : nous demandons aux élus d’écrire non seulement au ministre, mais aussi aux directions générales et interrégionales des douanes. Car nous nous rendions compte que ça ne redescendait pas de Bercy. Et nous demandons aux élus de demander auprès de la direction des douanes, à participer à une journée de travail des douaniers à Chalon. Ça a été une très bonne stratégie ! », se félicite Estelle.

De trois à dix douaniers, la brigade se développe

À propos de l'auteur

Fabrice Dedieu
Journaliste

Le dénouement de cette affaire a eu lieu le 27 janvier 2023 : Gabriel Attal, le ministre délégué chargé des Comptes publics, annonce le maintien de la brigade de douaniers à Chalon-sur-Saône, ainsi que son développement. À terme, elle passera de trois douaniers à dix, avec un maître-chien. « Nous sommes satisfaits, l’administration a fait marche arrière, parce que nos arguments étaient les bons et que nous avons fait un travail collectif, avec les agents », souligne Rémi-Numa. Estelle a accueilli la nouvelle avec soulagement « pour les agents de Chalon, qui ont vécu neuf ans avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, et qui ont continué de travailler dans des conditions très difficiles, s’apparentant à de la survie ». La mobilisation de la CFDT a permis aussi d’étoffer la section chez les douaniers, d’impliquer les militants. « Des adhérents de la brigade de Dijon sont venus défendre leurs collègues de Chalon », souligne Estelle. « Une solidarité entre les agents des douanes que l’on ne voit pas dans toutes les administrations. Grâce à ce combat, quelque chose est en train de naître. »