“L’accompagnement ARC, une ligne de vie qui oblige à sortir la tête du guidon”

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iconeExtrait de l’hebdo n°3915

Depuis la mise en place d’ARC, l’accompagnement des sections dans le cadre des élections est devenu monnaie courante. Rencontre dans la Sarthe avec des équipes qui ont bénéficié de ce programme en amont des élections et qui, aujourd’hui encore, gardent des liens forts.

Par Anne-Sophie Balle— Publié le 10/04/2024 à 12h00 et mis à jour le 10/04/2024 à 13h33

Caroline Marmet, déléguée syndicale CFDT de Laborizon Maine Anjou (Biogroup), et Théo Gautier, militant CFDT à la retraite et accompagnant ARC qui intervient dans différents départements de la région Pays de la Loire.
Caroline Marmet, déléguée syndicale CFDT de Laborizon Maine Anjou (Biogroup), et Théo Gautier, militant CFDT à la retraite et accompagnant ARC qui intervient dans différents départements de la région Pays de la Loire.© Syndheb

Depuis 2018, le triptyque de l’ARC (Accompagnement, Ressources, Conseil), érigé en devise, n’a pas changé : « Aucune section, aucun militant ne doit rester seul avec des questions sans réponses. Aucun militant ne doit rester en difficulté face à une situation dont il n’a pas la maîtrise. Chaque section doit pouvoir bénéficier d’un accompagnement lorsqu’elle en a besoin. » De fait, l’ARC, né au congrès de Rennes, il y a bientôt six ans, est devenu au fil du temps plus qu’un outil – un lien entre une équipe et un référent formé. Un soutien précieux quand on débute dans le militantisme et qui se pérennise bien au-delà de la mission d’accompagnement.

Au Mans, Théo Gautier, militant chevronné à la retraite sollicité par l’Union régionale interprofessionnelle (URI) Pays de la Loire, est à la manœuvre. En ce jour pluvieux de printemps, il fait le point avec deux équipes qu’il a récemment accompagnées. La première, celle de Laborizon Maine Anjou (qui regroupe 23 laboratoires d’analyses médicales dans les départements de la Sarthe et du Maine-et-Loire), vient de terminer ses élections professionnelles. Et à voir la mine réjouie de la déléguée syndicale Caroline Marmet, on en déduit que le pari de gagner les élections a été relevé : 59,73 % des voix, un taux de participation très significatif (69 %) compte tenu du mode de scrutin, électronique, testé pour la première fois dans l’entreprise, et une CFDT solidement installée qui décroche six postes sur dix au CSE. Au cours des six derniers mois, l’équipe a bénéficié de l’accompagnement ARC en vue des élections. Ce fut, résume Caroline, « un fil rouge avec des rendez-vous réguliers, une sorte de ligne de vie qui oblige à sortir la tête du guidon et à avancer. »

1. Celles-ci seront finalement repoussées deux fois, la direction n’ayant pas prévenu les salariés dans les délais.

Caroline avait déjà entendu parler de cet accompagnement, il y a deux ans. Lorsque Pascal, le délégué syndical de l’époque, figure historique de la section, la sollicite pour prendre sa suite aux prochaines élections, elle se dit qu’elle a encore le temps de se former et de voir venir. « Le décès soudain de Pascal a tout précipité et l’accompagnement est devenu inéluctable », évoque-t-elle avec émotion. Du jour au lendemain, la voilà propulsée déléguée syndicale avec des élections à organiser à la fin 20231. « Il a fallu réagir vite et s’entourer ! »

Un point d’appui

Elle se souvient de la première rencontre, organisée fin septembre avec Théo, pour dresser l’état des lieux : un dialogue social plus que compliqué avec la direction, une section accablée par la perte de son délégué syndical et une liste électorale amoindrie. « Le Covid a laissé des traces, assure-t-elle, une pointe d’amertume dans la voix. Les labos ont triplé les effectifs pour effectuer les dépistages, ils ont fait des milliards de bénéfices mais les salariés n’ont rien vu venir, hormis la prime Macron. Alors beaucoup sont partis. » L’accompagnement ARC, lui, a eu l’effet inverse. Ce que beaucoup décrivent comme un moment de formation accélérée constitue également un point d’appui précieux. « Un soutien bienveillant qui a permis de fédérer l’équipe et qui nous a aidés à reprendre nos marques. »

Quel rôle de l’accompagnant ?

2. Négociations annuelles obligatoires.

C’est justement l’une des premières missions du référent ARC : redonner confiance aux équipes et permettre de prendre du recul, en offrant un regard extérieur, sur la situation de l’entreprise, la manière de présenter les élections et le bilan de la mandature. « Face à une direction qui ne bouge pas, on a parfois l’impression qu’on n’a rien à mettre en avant. Il faut s’accrocher à de petites choses car on ne peut pas vendre 10 % d’augmentation en NAO2 ! » Durant les rencontres, à intervalles réguliers, Théo insiste beaucoup sur la philosophie de l’accompagnement. « Il y a le prescrit et le réel, il faut s’adapter à la réalité de l’entreprise et aux forces en présence sur les différents sites avant de se demander “qu’est-ce que l’on veut faire ?” et “qu’est-ce que l’on peut faire ?”. » Ensemble, ils élaborent une méthode, un rétroplanning… « Fixer des échéances pour aller voir des salariés, écrire un tract sur le bilan de la mandature, les perspectives de négociations… c’est quelque chose qui n’est pas inné », assure Caroline.

Une fonction conseil

Justement, ce jour-là, c’est de négociation que vient parler Francis Hubert, délégué syndical de Trigano (entreprise de mobilier de camping qui compte 250 salariés répartis sur quatre sites). Les NAO approchent et Francis vient chercher conseil quant à la manière d’aborder les négociations. « Un an après l’accompagnement dont il a bénéficié en amont des élections [elles se sont tenues en février 2023 et ont été remportées à 66 %, contre 45 % 2018], les liens demeurent », se réjouit Théo, qui écoute les arguments que lui présente le délégué syndical. « On a beaucoup parlé de pouvoir d’achat dans nos communications aux salariés, car c’est une préoccupation centrale, autant pour eux que pour nous, précise Francis. Chez nous, c’est l’ancienneté qui fait le salaire, et 50 % des salariés sont au Smic. Dans les trois mois qui ont suivi les élections, on a réussi à mettre en place la carte Cezam, ce que FO n’était pas parvenue à faire en quatre ans. » Aujourd’hui, il veut insister dans les NAO sur la mise en place d’un quatrième palier de rémunérations, privilégier des augmentations en montant plutôt qu’en pourcentage (car plus égalitaires) et doubler la prime transports…

Théo Gautier en compagnie de Francis Hubert, délégué syndical CFDT de Trigano.
Théo Gautier en compagnie de Francis Hubert, délégué syndical CFDT de Trigano.© Syndheb

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Balle
Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

« La méthode mise en place pendant l’accompagnement ARC, qui consiste à communiquer sur ce que nous faisons, nous sert tous les jours. Elle est très appréciée des salariés. » Preuve en est le développement de la section, avec une dizaine d’adhésions depuis les élections… « Les salariés, il ne faut pas chercher à les braquer en leur parlant frontalement syndicat, ça les fait fuir et après c’est foutu », explique Francis, qui a sa technique bien à lui… « Je leur pose juste deux questions ; après, je les laisse venir : “Est-ce que tu as une assurance pour ta voiture, ta maison ? Et pour ton travail, qui te protège en cas de problème ?” »

L’accompagnement ARC en chiffres

L’ARC, pensé comme un outil d’accompagnement au service des militants via leurs syndicats pour soutenir les équipe grâce à un réseau de militants formés, a vu le jour au congrès confédéral de Rennes, en juin 2018. Depuis la mise en place du réseau en 2019, 737 militants ont bénéficié de la formation « Accompagnant ARC », dont 153 en Pays de la Loire. L’accompagnement des sections aborde principalement trois sujets : les élections professionnelles, l’aide à la structuration d’équipe et le développement. En Pays de la Loire, l’URI compte un référent par département ; dans cette région, une centaine de sections ont été accompagnées.

Au congrès confédéral de Lyon (juin 2022), les syndicats ont voté pour la mise en place d’un accompagnement systématique des nouvelles sections. Le challenge est énorme : rien qu’en 2023, on compte 3 000 nouvelles implantations CFDT !