“Ces dix dernières années, la sidérurgie a perdu 100 000 emplois directs en Europe”

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icone Extrait de l'hebdo n°3972

Le 25 juin, lors d’une conférence de presse, la CFDT a alerté sur l’état critique de la sidérurgie en France et, plus largement, en Europe.

Par Sabine IzardPublié le 01/07/2025 à 12h00

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© Hervé Ronne/RÉA

« Nous tirons la sonnette d’alarme car le secteur est en grand danger », a lancé Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, à l’occasion d’une conférence de presse, le 25 juin, à Paris, qui a réuni plusieurs acteurs syndicaux du secteur. « Nous avons besoin d’une politique nationale, d’une vraie politique industrielle française et d’un programme d’investissements. »

« Les installations sont vieillissantes, par manque d’entretien et d’investissements, fragilisant la capacité de monter en volume de production », déplore Christèle Khelf, secrétaire générale adjointe de la CFDT Métallurgie. Le secteur doit également faire face à la concurrence de la Chine, qui déverse sur le marché européen un acier bon marché, ainsi qu’aux droits de douane imposés par Donald Trump.

100 000 emplois directs détruits

« Ces dix dernières années, la sidérurgie a perdu 100 000 emplois directs en Europe, hors sous-traitants », s’inquiète Jean-Marc Vécrin, délégué syndical central CFDT chez le géant mondial de l’acier, ArcelorMittal, qui a annoncé un plan de suppressions de postes en avril dernier. « ArcelorMittal est doucement en train de réorienter sa production et ses investissements hors d’Europe, en Inde, au Brésil, aux États-Unis. Sur le continent européen, on en est déjà à plus de 2 000 suppressions de postes à coups de délocalisation des fonctions support (finance, achat, RH…). Et il a été clairement dit, lors d’une réunion à Luxembourg, que ce n’était qu’un début », poursuit le militant.

Jean-Marc dénonce également la financiarisation du groupe : « En trois ans, 10 milliards d’euros ont été versés aux actionnaires sous forme de rachats d’actions et de dividendes, mais il y a eu zéro euro d’augmentation en 2025 pour les salariés. » Il déplore le manque d’investissement dans les sites français : « On est en train de faire mourir à petit feu notre outil industriel ! »

Toute la chaîne de production est menacée

L’inquiétude est grande également chez les partenaires du sidérurgiste, qui leur demande de baisser de 10 % leurs coûts. « Nous avons actuellement un plan de départs volontaires autonome sur tout le périmètre européen », s’inquiète Lionel Dores, coordinateur CFDT chez Aperam, entreprise spécialisée dans les aciers inoxydables. Idem chez NovAsco, qui produit des aciers spéciaux. « Notre objectif est de sortir de l’automobile pour diversifier nos clients. Nous avons des plans dans le secteur de l’armement mais, pour l’instant, le projet est à l’arrêt », explique Kevin Baroth, délégué syndical central CFDT.

« Des alternatives existent, affirme Christèle Khelf. Des acteurs sidérurgiques, sans échapper aux difficultés du secteur, proposent d’autres voies qu’aller de restructuration en restructuration ou de procédure collective en procédure collective. » La syndicaliste cite notamment SSAB en Suède, Voestalpine en Autriche ou Salzgitter en Allemagne, « qui présentent un point commun : ces entreprises ont un profil financier mixte (participation de l’État et/ou des salariés) et un dialogue social de haut niveau (codécision, forte implication des représentants du personnel…) ».

Une évaluation des aides publiques accordées aux entreprises

« Les employeurs doivent agir, les politiques aussi », estime Marylise Léon. La sidérurgie a notamment besoin d’un renforcement des mesures de protection aux frontières européennes ; « qui doivent être étendues aux produits aval comme l’industrie automobile ». La CFDT demande également une évaluation des aides publiques accordées aux entreprises du secteur et souhaite que soient mis en place des leviers permettant de privilégier les entreprises européennes de sidérurgie dans les commandes publiques.

À propos de l'auteur

Sabine Izard
Journaliste

« Nous sommes souvent appelés pour être les pompiers et négocier les plans sociaux, mais nous voulons dire que les salariés aussi peuvent être associés aux décisions stratégiques », a ajouté la secrétaire générale de la CFDT. Elle adressera, dans les prochains jours, conjointement avec la CFDT Mines et Métallurgie, un courrier au ministre de l’Industrie, au Premier ministre et à Stéphane Séjourné (vice-président exécutif chargé de la prospérité et de la stratégie industrielle de la Commission européenne) afin d’obtenir l’organisation d’une table ronde avec toutes les parties prenantes permettant d’évoquer la situation et les pistes envisagées.

Le gouvernement exclut la nationalisation d’ArcelorMittal

Auditionné le 4 juin dernier par la commission d’enquête sur les défaillances des pouvoirs publics face à la multiplication des plans de licenciements, le ministre délégué chargé de l’Industrie, Marc Ferracci, a considéré que les conditions n’étaient « pas remplies » pour retenir l’option de la nationalisation des sites français du géant ArcelorMittal, tout comme un moratoire sur les licenciements. Afin de mieux prévenir les PSE, le ministre chargé de l’Industrie et de l’Énergie estime toutefois que les salariés devraient être mieux représentés dans les conseils d’administration des entreprises.