Signez la pétition “Retraites : non à cette réforme injuste et brutale !” En savoir plus

INRS : À la santé des salariés

iconeExtrait du magazine n°491

À l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), des centaines de chercheurs mesurent l’impact des conditions de travail sur la santé. Tous les risques professionnels – chimiques, biologiques, physiques, organisationnels – sont passés au crible pour améliorer la protection des travailleurs. Reportage.

Par Claire Nillus— Publié le 03/03/2023 à 10h00

image
© Cyril Badet

Lorsque David Tihay approche sa main trop près du robot qui travaille à ses côtés, celui-ci s’arrête : il a détecté une présence humaine. Le chercheur poursuit l’expérience, il vérifie la vitesse à laquelle le robot lui présente des pièces à assembler… Pour cela, le robot a été équipé d’une multitude de capteurs afin de protéger son collègue humain de potentielles collisions. Une expérience, parmi tant d’autres, menée ce jour-là dans l’un des laboratoires de l’INRS.

Implanté sur deux sites, l’un à Paris et l’autre près de Nancy, l’INRS a pour mission d’étudier les risques professionnels en situation de travail. Des équipes de chercheurs recréent des atmosphères polluées, testent des équipements d’assistance physique, importent des bruits pour prévenir leurs effets, identifient les risques psychosociaux en lien avec de nouvelles technologies (comme les lunettes connectées) et complètent leurs analyses avec des relevés sur le terrain. « Leur travail consiste à sécuriser celui des autres, et ils sont les seuls à pouvoir étudier des risques de façon pluridisciplinaire », résume Michel Pourquet, directeur du centre lorrain.

Ces chercheurs coopèrent avec différents acteurs de la santé et de la sécurité au travail, dont la Direction générale du travail, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, Santé publique France…

En plus des études et de la recherche, l’INRS a également une mission de formation et d’information auprès des employeurs et des salariés, via des publications papier, des sites internet, les médias sociaux ou encore des événements. En 2021, l’institut a répondu à 26 000 demandes externes, publié 122 ouvrages et mené 89 programmes de recherche sur quatre grandes familles de risques : les risques chimiques (substances cancérogènes, fibres, nanoparticules…), les risques liés à l’organisation
du travail (horaires atypiques, télétravail, risques psychosociaux…), les risques physiques et mécaniques (bruit, chutes, rayonnements, vibrations…) et les risques biologiques (virus, bactéries…).

image
© Cyril Badet
Un chercheur teste un appareil destiné à mesurer des particules inhalées en temps réel.
Un chercheur teste un appareil destiné à mesurer des particules inhalées en temps réel.© Cyril Badet

Les résultats sont soumis à une évaluation scientifique assurée par une commission indépendante de vingt experts extérieurs. « Un projet demande de trois à quatre ans d’études, soit des milliers d’heures de travail. L’enjeu est de produire des données objectives qui nous rendent crédibles auprès des employeurs », précise Patrick Chevret, qui a mené une expérience visant à mesurer l’impact du bruit dans les open spaces.

« Dans cette chambre sourde, nous avons installé différents environnements sonores et demandé à des personnes de travailler. Puis nous leur avons fait passer des tests de concentration et de mémoire. Nous avons pu constater de manière objective que plus les conversations sont intelligibles, plus la fatigue augmente. Une évidence ? Peut-être, mais pouvoir la mesurer nous permet de communiquer sur des résultats tangibles avec les employeurs. »

Mesurer ce qui semble impossible, c’est également le travail de l’équipe de Benoît Courrier, responsable du département métrologie des polluants. « Les nanomatériaux, on en parle depuis quinze ans mais il existe peu de données disponibles concernant leurs effets sur le corps humain. Or leur taille les rend potentiellement très toxiques puisqu’ils sont capables de franchir des barrières naturelles (nez et poumons, notamment), précise le chercheur. Depuis dix ans, dans ce pôle spécialisé, on développe des méthodes pour mesurer ce qui peut pénétrer dans un organisme par inhalation. Avec nos bancs d’essais, nous générons des aérosols nanométriques avec les substances que nous souhaitons étudier. Nous savons alors quelle est la concentration exacte de particules en mouvement dans l’air que l’on respire. » Des microcapteurs placés près du cou ou de la bouche enregistrent en temps réel le degré d’exposition des salariés.

Tous ces tests viennent enrichir les recherches menées sur les moyens de protection individuelle ou collective : masques, gants, sorbonnes de laboratoire ou encore systèmes de ventilation. Un travail original dans un pays comme la France, où la culture de la prévention reste encore trop peu développée. Tous ces travaux sont en effet mis à la disposition des entreprises. Charge aux organisations syndicales de s’en emparer afin de faire évoluer les organisations de travail, autrement dit de passer de la théorie à la pratique.