Fraude au travail détaché, un jugement exemplaire abonné

La fraude au travail détaché est endémique dans le secteur de l’agriculture. Le jugement rendu contre l’entreprise espagnole Safor Temporis, qui exploitait des ouvriers équatoriens en région Paca, pourrait faire date. À la grande satisfaction delien vers le contenu : Agroalimentaire, très investie sur ce dossier.

Par Marie-Nadine Eltchaninoff— Publié le 15/06/2020 à 12h30

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C’est un jugement historique et une victoire pour la FGA-CFDT, qui s’est portée partie civile dans cette affaire. L’entreprise de travail temporaire espagnole Safor Temporis a été condamnée le 8 avril 2020 pour avoir détourné les règles du travail détaché, en mettant à disposition de plusieurs exploitations agricoles de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur des centaines de personnes, essentiellement des Équatoriens.

Le tribunal judiciaire d’Avignon a infligé une amende de 75 000 euros à l’entreprise, qui devra en outre verser 6,3 millions d’euros à la caisse de la Mutualité sociale agricole (MSA) Provence-Azur, somme correspondant aux cotisations sociales que Safor Temporis aurait dû régler en France. Son dirigeant, Eduardo Adrover Bernabeu, a été condamné à une peine de dix-huit mois de prison avec sursis.

Safor Temporis, qui a cédé cette partie de son activité depuis, a fait travailler 2 199 salariés dans la région Paca entre 2011 et 2016, selon l’AFP. Deux coordinateurs installés au Pontet, près d’Avignon, étaient chargés de récupérer les ouvriers agricoles à la gare et de les amener directement sur les sites d’exploitation des entreprises clientes. Le tout au mépris des règles du travail détaché.

« Pour pouvoir bénéficier des avantages du détachement, il aurait fallu que cette entreprise espagnole ait une activité stable et réelle dans le pays d’origine, or ce n’était pas le cas ; ils avaient juste un bureau, explique Hélène Deborde, juriste à la FGA-CFDT et responsable de l’action syndicale internationale. De plus, cette entreprise menait une activité sur le territoire français sans avoir déclaré de société en France ni s’être acquittée des cotisations sociales qu’elle aurait dû verser à la MSA. Cela s’apparente à du travail dissimulé. » Deux autres points ont été retenus par les juges, l’absence de déclaration des heures supplémentaires effectuées et le non-respect des règles sur la durée du détachement.

Une enquête à risque

La FGA-CFDT travaille depuis de longues années sur ce dossier du travail détaché et sur les manquements trop fréquemment observés dans le secteur de l’agriculture. « Nous nous sommes portés partie civile contre Safor Temporis aux côtés de la MSA et du Syndicat général agroalimentaire CFDT (SGA) des Bouches-du-Rhône », précise Hélène Deborde.

Débusquer ces abus et les porter devant les tribunaux exige de mener une enquête pointilleuse. C’est à ce travail de fourmi que se sont attachés les militants du SGA-13, en allant régulièrement à la rencontre des salariés sur le terrain. Mis à part la barrière de la langue, les obstacles sont nombreux, car l’entreprise s’applique à éviter tout contact entre les travailleurs et l’extérieur.

« Le terme de confinement me semble parfaitement approprié à leur situation, lance Jean-Yves Constantin, militant du SGA-13. Ils sont surveillés de près par les représentants de l’entreprise et accompagnés même pour faire quelques courses. L’action syndicale doit…

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