En quarante ans dans la même entreprise, la militante CFDT Claude Cerqueus n’a connu aucune évolution de classification. Le 30 novembre 2017, la Caisse d’Épargne Bretagne-Pays de Loire a été condamnée pour discrimination syndicale.

« Je n’avais pas conscience de la hauteur de la discrimination. » Pendant près de quarante ans, Claude Cerqueus [photo ci-contre] est restée collée au même barreau de l’échelle de classification de son entreprise. Pas un seul échelon gravi, pas une once de progression de carrière. Le motif avancé par sa direction ? Un investissement syndical qui l’amenait à s’absenter trop souvent de son poste de travail. Le 30 novembre 2017, le conseil de prud’hommes de Nantes a condamné la Caisse d’Épargne Bretagne-Pays de Loire à 100 000 euros de préjudice économique pour discrimination syndicale 1.
Un jugement qui a ouvert les yeux de la militante CFDT sur la réalité des dommages qu’elle a subis durant toutes ces années. « Je me rendais bien compte que des collègues, au bout d’un an d’ancienneté, étaient au même niveau que moi alors que j’avais plus de trente ans d’expérience, confie Claude. Les formations nécessaires pour progresser au sein de l’entreprise n’étaient jamais pour moi, je n’ai bénéficié que d’un seul entretien annuel d’évaluation, en 2005. » Mais le déclic n’est arrivé que bien plus tard.
L’employeur ne répond pas aux demandes
Claude Cerqueus est entrée au service comptabilité de la Caisse d’Épargne de Cholet en 1978. « J’ai intégré une petite entreprise d’une cinquantaine de salariés ; aujourd’hui, nous sommes 3 200 ! », lance-t-elle comme pour montrer le chemin parcouru en quarante ans. De rapprochements en regroupements, la petite agence de Cholet a été dissoute dans une énorme caisse régionale. Les métiers ont évolué, les responsabilités syndicales aussi. Élue déléguée du personnel CFDT en 1980, Claude devient rapidement secrétaire du comité d’entreprise, déléguée syndicale puis déléguée syndicale centrale. Des mandats dans lesquels elle s’est investie sans compter, revendiquant beaucoup pour les autres, un peu moins pour elle-même. « Je suis très légitimiste. J’estimais qu’il y avait d’autres salariés bien plus à plaindre que moi. » Le syndrome du syndicaliste militant.
Ce n’est qu’en 2005 qu’elle interpelle une première fois son employeur : « Mon mandat syndical semble être un frein à une évolution professionnelle au sein de la Caisse d’Épargne », lui écrit-elle. Pas de réponse. Pendant des années, elle tergiverse, reformulant sa demande mais sans aller au bout de la démarche. Espérant à tout moment que la direction reconnaisse d’elle-même sa faute et se remette dans les clous. « À l’époque, j’avais plein de travail syndical et je ne me voyais pas me lancer dans une procédure qui pouvait être longue et pesante. »
Ultime recours : la voie judiciaire
En 2012, la militante CFDT écrit : « La discrimination syndicale perdure. Vous n’avez aucunement l’intention de la régler. » Quelques mois plus tard, elle réitère sa demande de changement de classification et alerte son employeur sur le fait qu’elle n’a bénéficié d’aucune augmentation individuelle depuis son embauche, trente-quatre ans auparavant. Changement de ton en 2015 : « Nous avions fait un gros travail de développement syndical et j’ai vu arriver dans ma section de jeunes militants plein d’enthousiasme, exp…