Des aides insuffisantes, des droits méconnus

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Aider les aidants

Si la stratégie nationale 2020-2022 « Agir pour les aidants » a fait émerger le sujet dans le débat public, il reste encore largement impensé par les salariés et les entreprises. Beaucoup d’aidants ignorent qu’ils le sont et qu’ils bénéficient, à ce titre, de droits rattachés à leur statut.

Par Claire Nillus— Publié le 28/04/2023 à 09h00

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© Divergence

Le statut d’aidant est inscrit dans la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement (dite AVS), entrée en vigueur au 1er janvier 2016. Celle-ci reconnaît le statut d’aidant à toute personne qui accompagne « de manière régulière, fréquente, et à titre non professionnel » une autre personne en perte d’autonomie, et ce, « quel que soit le temps passé ensemble ». Néanmoins, relève Malakoff Humanis dans une enquête, deux aidants sur cinq ne connaissent pas cette définition avec précision.

Quant aux dispositifs d’aide, ils sont trop souvent méconnus et, lorsqu’ils sont activés, ils ne constituent pas forcément la réponse appropriée aux problèmes rencontrés. Ainsi, les droits à congés spécifiques sont encore sous-utilisés et 32 % des aidants n’en ont même jamais entendu parler. En cause, des démarches complexes puisque leur financement repose sur plusieurs organismes répartis entre l’État, les collectivités locales, la Sécurité sociale et les mutuelles complémentaires, mais aussi des durées limitées et de faibles niveaux d’indemnisation (58 euros nets par jour). Trois types de congés permettent cependant à un salarié de s’absenter temporairement de son entreprise.

Le «congé de proche aidant», créé en 2015, peut être accordé à une personne qui accompagne un proche dépendant lorsque la dépendance est établie à au moins 80%. D’une durée de trois mois, renouvelable dans la limite d’un an sur l’ensemble de la carrière professionnelle, il ne peut être refusé par l’employeur dès lors que le salarié fournit la décision de l’APA, qui établit le degré de dépendance de la personne aidée. Problème: pour Claire (lire son témoignage), trois mois se sont écoulés entre sa demande à l’assistance sociale et la visite de celle-ci ayant permis de poser le diagnostic concernant sa mère… Ce congé n’est donc pas adéquat pour faire face à une situation d’urgence.

Pour s’occuper d’un enfant de moins de 20ans handicapé ou gravement malade, le «congé de présence parentale» est limité, lui, à quatorze mois sur une période de trois ans. Sans autres relais, les parents sont vite obligés de réorganiser leur vie professionnelle, voire de s’arrêter de travailler. C’est le cas d’Anne-Sophie, maman solo dont l’enfant était déscolarisé. «J’ai attendu huit ans un diagnostic médical. Mon fils ne parlait pas, ne lisait pas. Je ne pouvais pas faire de démarches pour la reconnaissance de son handicap et je ne trouvais pas d’école pour lui.»

Un troisième dispositif, le «congé de solidarité familiale», a été instauré pour assister un proche dont le pronostic vital est engagé. Il est limité à trois mois et renouvelable une fois. Si l’employeur y consent, il peut être pris sous forme de temps partiel ou fractionné. Mais pendant ce congé, le contrat de travail est suspendu et l’aidant n’est pas rémunéré. Enfin, depuis 2014, le don de jours de congés entre collègues est possible. «Cette mesure repose entièrement sur les salariés. Or ce n’est pas aux collaborateurs de prendre en charge l’aidance», critique Sigrid Jaud, cofondatrice de la société Aidantes &Co, qui a fait de la sensibilisation à l’aidance en entreprise son cœur de métier.

En parler à son employeur

Faire valoir ses droits à congé pour proche aidant suppose, en outre, de réussir à parler de cette situation qui relève de l’intime, un dilemme pour de nombreux salariés. Selon l’assureur Ocirp, en effet, seuls 26% des salariés aidants ont informé leur employeur de leur situation, même si garder le silence peut leur porter préjudice et envenimer leurs relations professionnelles. En parler, au contraire, les ferait se sentir moins coupables, leur donnerait l’opportunité d’obtenir des aménagements d’horaires, davantage de jours de télétravail et plus d’empathie aussi. Seulement, dit Élena, jeune active qui aide ses deux parents: «La bienveillance n’est pas de mise dans toutes les entreprises. Prendre des jours pour enfant malade, c’est bien vu, les collègues s’apitoient et prennent des nouvelles. Ce n’est pas du tout pareil si l’on s’absente pour ses parents.»

À propos de l'auteur

Claire Nillus
Journaliste

Maman de deux enfants, Sigrid Jaud a accompagné sa mère malade d’Alzheimer pendant quinze ans et n’a jamais osé en parler à son employeur. De ces années difficiles est née l’idée de se consacrer à des actions de formation et de prévention auprès des entreprises et des salariés.

« Dans beaucoup d’entreprises, il y a tout à construire ! Or il faut absolument que le salarié puisse faire confiance à un interlocuteur : le médecin du travail, l’assistance sociale, le responsable des ressources humaines ou un représentant du personnel », souligne-t-elle. « Pour qu’un aidant se sente soutenu, il faut aussi lui donner la possibilité de rester dans l’entreprise, aménager sa fiche de poste et ses objectifs. Surtout, il faut reconnaître les compétences qu’il développe en lien avec sa situation personnelle, comme la gestion de planning et l’adaptabilité dont il fait preuve. Nous disons aux employeurs : vos aidants sont des atouts ! » 

Contact et sites utiles

L’Association française des aidants pour s’informer sur les aides et les ressources possibles, poser des questions, se renseigner sur les maladies – grâce à un fonds documentaire très complet –, participer à des formations et des rencontres proposées par le Café des aidants® :

Ma Boussole Aidants une plateforme pour faire le point sur sa situation et trouver des solutions adaptées et des aides de proximité :www.maboussoleaidants.fr

 Les Aidantes & Co sensibilise, conseille et aide les entreprises à trouver les meilleures solutions à mettre en œuvre pour elles et leurs salariés aidants.

www.lesaidantes.com et la communauté Aidants et bien +, espace d’échanges et de partage d’expériences entre aidants.www.aidantsetbienplus.org

Addendum 2022 – Aidants familiaux et proches aidants – Guide à destination des entreprises, par l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (Orse) et l’Union nationale des associations familiales (Unaf). Ce guide fait le point sur toutes les évolutions législatives qui ont eu lieu depuis 2017 et contient toutes les données chiffrées disponibles pour aider les entreprises à développer une stratégie en faveur des aidants : www.orse.org