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Lutte contre les violences sexistes et sexuelles : Quels progrès ?
Juriste au sein de l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT), Vesna Nikolov constate que l’accès à la justice est encore difficile pour les victimes.

Le mouvement #MeToo a-t-il entraîné une révolution judiciaire et/ou juridique ?
Non, ce n’est pas le cas. Le vrai souci reste le manque de moyens accordés à la justice et à la police pour prendre en charge la question des violences sexistes et sexuelles. Toutefois, depuis #MeToo, il y a une meilleure prise en compte dans la société des violences sexistes et sexuelles, une conscientisation massive de ces problématiques. #MeToo a permis de mettre le sujet sur la table. Des milliers de femmes ont parlé et médiatisé ce qui leur était arrivé. Ce mouvement a donné une assise aux femmes qui veulent s’investir contre les violences sexistes et sexuelles dans leur entreprise ou leur administration, d’avoir une justification pour le faire. C’est quelque chose d’important, de sortir du bois et de se révéler.
Pourquoi les victimes ont-elles encore des difficultés à aller en justice ?
Pour les procédures pénales, les difficultés sont immenses et de nature très variée. Les victimes manquent de relais lorsqu’elles se rendent à la police, pour porter plainte pour des violences sexistes et sexuelles. De plus, ces infractions sont encore trop négligées par la justice. Le traitement de ces affaires par la justice pénale est souvent très long. Cela peut les décourager. Par ailleurs, il y a des difficultés d’accès à la justice, notamment la question financière, mais pas uniquement.
L’arsenal juridique dans cette lutte est-il efficace ?
Du côté du code du travail, c’est plutôt satisfaisant. Il y a eu des améliorations depuis 2012. Dans les entreprises, les directions ont compris le risque qui pèse sur elles. Des formations obligatoires doivent être dispensées. Toutefois, l’instauration du référent harcèlement sexuel par la loi ne règle pas tout, car ses fonctions ne sont pas clairement définies, et sont déclinées de façon personnelle selon les employeurs. Il nous arrive régulièrement d’avoir des victimes qui nous appellent en nous disant que le référent agissements sexistes/harcèlement sexuel tient des propos sexistes…
Du côté du code pénal, la définition du viol interroge encore. Elle a été récemment améliorée, en prenant en compte les actes bucco-génitaux. Mais elle suppose toujours de démontrer la violence, la contrainte, la menace ou la surprise. Ces conditions ne permettent pas d’appréhender toutes les situations de viol. D’autres pays (Norvège, Canada, etc.) se sont dotés d’une législation beaucoup plus exigeante, notamment en réglant plus la focale sur la victime, et sa capacité à donner son accord ou non.
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