En s’organisant en section juste avant les élections, une poignée de nouveaux militants a réussi son premier pari : permettre à la CFDT de retrouver une présence à la CAF de l’Aveyron plus de dix ans après sa disparition.
Alors que le bâtiment de la Caisse d’allocations familiales de l’Aveyron, à Rodez, est en plein lifting, son paysage syndical a aussi fait peau neuve en juin 2017. Absente du site pendant plus de dix ans, la CFDT a fait un retour remarqué lors des dernières élections professionnelles. Avec 36 % des suffrages, elle a taillé des croupières à Force ouvrière, jusqu’alors unique organisation syndicale dans l’établissement. Cet excellent résultat, la CFDT le doit à une toute jeune équipe et au flair de militants des réseaux interprofessionnel et fédéral.
L’étape cruciale du protocole préélectoral Les fiefs syndicaux ne sont pas inexpugnables La proposition d’une autre forme de syndicalisme |
« La CAF de Rodez nous a envoyé un courrier, début 2017, pour négocier le protocole d’accord préélectoral, se souvient Marie-Ange Asensio-Carot, secrétaire générale du Syndicat protection sociale de Midi-Pyrénées. Une militante CFDT d’Albi, Véronique Baup, mandatée par nos soins, s’y est rendue. Elle a senti qu’il y avait là une réelle opportunité… » Bien vu. Cette intuition rejoint l’aspiration d’une poignée de salariés. Depuis quelques semaines, l’envie de se présenter aux élections les titillait.
Une histoire de copains
« C’est avant tout une histoire de copains », lance Jean-Antoine Millan, 36 ans, chargé de communication de la CAF de l’Aveyron. « Notre aventure syndicale a commencé fin 2016 par des discussions sur le contenu des procès-verbaux des réunions du comité d’entreprise, raconte-t-il. Toutes les questions étaient abordées sous un angle conflictuel, pas du tout constructif. On s’est dit que ça ne pouvait pas continuer comme ça, qu’avec cette attitude il n’y avait pas grand-chose qui avançait. »
Ce « on », c’est un trio. Avec Loéticia Sarres, conseillère technique, et Charlotte Routaboul, conseillère en économie sociale et familiale, entrées à la CAF respectivement en 2009 et 2005, ils partagent les mêmes valeurs et la même analyse de la piètre qualité du dialogue social dans leur caisse. Au fil des discussions improvisées autour de la machine à café, une idée germe : la seule solution pour faire bouger les choses en faveur des salariés, c’est de mettre la main à la pâte. Alors pourquoi ne pas créer une section syndicale ?
Pendant des semaines, ils tergiversent, refroidis par les échos d’une époque où les bagarres syndicales étaient parfois violentes. « La CFDT était représentée à la CAF de Rodez jusqu’en 2005 mais ça ne s’est pas bien fini, expliquent-ils. Les relations entre les organisations syndicales étaient très agressives. » Des souvenirs qui ont laissé des traces et en ont rebuté plus d’un au moment de se lancer. « Nos collègues souhaitaient voir une autre liste se présenter aux élections. Ils nous encourageaient mais la plupart d’entre eux ne voulaient pas franchir le pas, souligne Charlotte. De notre côté, nous n’étions que trois et ne représentions pas tous les services. Nous avions du mal à nous sentir légitimes. » Cette valse-hésitation dure plus d’un mois mais l’envie de s’investir dans les décisions concernant les conditions de travail du personnel finit par balayer les premières réticences.
À la mi-janvier 2017, le trio se jette à l’eau. Première décision : choisir la bannière sous laquelle se présenter. « Nous avons fait le tour des sites internet des organisations syndicales, se remémore Jean-Antoine. Celui de la CFDT mettait en avant l’importance de la négociation, le pouvoir d’un syndicat comme force de proposition, l’émancipation des adhérents… Tout ce que nous cherchions. » Un choix conforté par une visite des locaux de l’Union départementale de l’Aveyron organisée dans la foulée. « Nous n’y avions jamais mis les pieds auparavant. La seule chose que l’on savait, c’est que les locaux se situaient au-dessus du restaurant de moules-frites, sourit Jean-Antoine. Les affiches sur les murs nous ont tout de suite interpellés. Elles parlaient d’égalité hommes-femmes, de handicap, de lutte contre le travail des enfants… Des thématiques qui nous parlent. » « Nous les avons accueillis à bras ouverts, se souvient le secrétaire général de la CFDT de l’Aveyron, Robert Mestre. Leur démarche représentait pour la CFDT une opportunité extraordinaire de s’implanter de nouveau à la CAF. D’emblée, j’ai senti qu’ils étaient très motivés. » Ensemble, ils lèvent les dernières craintes. « Nous avions peur de devoir répondre à des instructions, de perdre toute marge de manœuvre pour…