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Extrait de l'hebdo n°3966
France Stratégie s’alarme, dans un rapport paru le 12 mai, de la progression de certains stéréotypes de genre, notamment chez les jeunes. L’organisme pointe aussi les conséquences de ces représentations dans le monde du travail.

Onze ans après un précédent rapport, le service autonome du Premier ministre, France Stratégie, s’est de nouveau penché sur la question des stéréotypes filles-garçons, c’est-à-dire les aptitudes et les qualités attribuées aux hommes et aux femmes. Si l'institution chargée de la stratégie et de la prospective note dans ce rapport, paru le 12 mai, que « la France fait […] partie des pays européens dont les représentations sont les plus égalitaires […] derrière la Suède et l’Islande, et où les différences entre les femmes et les hommes sur l’adhésion aux stéréotypes sont les moins marquées » – en même temps que le recul des stéréotypes depuis les années 1990 –, il note aussi que, depuis le milieu des années 2010, certains stéréotypes ont repris de la vigueur.
Une prédisposition naturelle des femmes au travail parental
C’est le cas des stéréotypes liés à « la prédisposition prétendument naturelle des femmes au travail parental et leur capacité supposée au soin des autres », souligne France Stratégie. Ainsi, 59 % des Français estimaient, en 2022, que « les mères savent mieux répondre aux besoins et aux attentes des enfants que les pères », contre 54 % en 2014. Autre exemple : 41 % des Français pensent que « les femmes font de meilleures infirmières que les hommes », contre 35 % en 2014.
Le rapport pointe également, chez les jeunes, la résurgence de ces stéréotypes, notamment ceux liés au rôle de la mère. « En 2022, 56 % des 18-24 ans sont d’accord avec l’idée selon laquelle “les mères savent mieux répondre aux besoins et attentes des enfants que les pères”, contre 50 % en 2014 », indique France Stratégie, qui précise : « La recherche de l’égalité entre les femmes et les hommes bute sur la persistance [de ces stéréotypes] qui s’installent très tôt dans les sphères de socialisation des enfants et des adolescents » et se traduisent dans les choix d’orientation professionnelle des personnes.
D’ici à 2030, 75 % des métiers seront genrés
Les jeunes femmes représentent encore 85 % des élèves dans le domaine santé-social par exemple – quand les garçons représentent 80 % des étudiants diplômés en ingénierie et dans le numérique. « La mixité des métiers, souligne le rapport, a certes continué de progresser depuis dix ans, mais elle ralentit et maintient une division sexuée des professions où les fonctions de la sphère autrefois domestique semblent “réservées” aux femmes, et celles, techniques et/ou mobilisant la force physique, aux hommes. » Ce qui signifie que la ségrégation des métiers fondée sur le genre n’est pas près de se terminer. D’ici à la fin de la décennie, on estime que 75 % des emplois continueront d’être majoritairement répartis selon la notion de secteurs masculins ou féminins, et non mixtes. D’ailleurs, si les initiatives ont été nombreuses, ces dernières années, pour promouvoir une meilleure mixité des métiers, souligne France Stratégie, il s'agissait surtout de « campagnes de sensibilisation aux effets limités, en l’absence d’objectifs chiffrés et de coordination », et qui ont davantage visé « les femmes dans la technologie que les hommes dans la santé et le social ».
Les autrices du rapport appellent donc les pouvoirs publics à agir, notamment pour un meilleur partage de la parentalité, pour dégenrer l’orientation scolaire ou encore pour lutter contre la propagation des stéréotypes de genre sur les réseaux sociaux. Et de souligner que « les stéréotypes ne sont pas que des représentations mentales mais se nourrissent des inégalités observées ».