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Les liaisons dangereuses
Délégué syndical chez Vinci, David prend en charge la question des addictions dans son entreprise comme dans les instances régionales. Lui-même est tombé dans l’alcool il y a vingt ans…

Entré dans la vie active à l’âge de 16 ans, David Raguenes trouve dans la bouteille l’assurance qui lui manque : « Quand j’ai commencé à la fin des années 1990, l’alcool coulait à flots sur les chantiers. Le métier était éprouvant, la pression forte et boire me donnait des ailes. Je me souviens de porter 150 kilos de bordure à pleine main », raconte celui qui a commencé sa carrière comme maçon, avant de travailler sur des machines. Alors qu’il fait face, en parallèle, au handicap psychomoteur de sa petite fille, il s’enfonce dans l’addiction : « La première année, ça a été progressif, puis je me suis mis à boire du matin au soir, jusqu’à tourner à deux bouteilles de pastis par jour. J’étais anesthésié en permanence », confie-t-il.
“On m’a confié les questions de santé au travail et cela m’a aidé à prendre conscience qu’on ne pouvait pas mélanger alcool et travail. ”
Si le travail l’a poussé à boire, il va également contribuer à le sauver : « Je suis monté en grade dans mon travail, mais aussi dans le cadre de mes fonctions syndicales à la CFDT. On m’a confié les questions de santé au travail et cela m’a aidé à prendre conscience qu’on ne pouvait pas mélanger alcool et travail. » Le déclic, il l’a le 21 janvier 2001. Il se fait arrêter par la police pour conduite en état d’ébriété et passe en justice. En plus d’une lourde amende et de la prison avec sursis, il est privé de son permis de conduire pendant quinze mois : « J’ai été maintenu dans l’emploi mais je ne pouvais plus prendre le véhicule de l’entreprise, ni emmener ma fille nulle part », se souvient-il.
Aujourd’hui, abstinent depuis plus de vingt ans, le délégué syndical a su faire de cette expérience une ressource : « Je suis devenu référent santé au travail-Bretagne pour la CFDT-Construction et Bois, vice-président de la Cnam et vice-président de l’OPPBTP (Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics) pour la région Bretagne. Je suis régulièrement appelé pour témoigner, et des personnes viennent me voir afin de me demander comment j’ai fait pour arrêter. J’accompagne aussi les salariés pris en flagrant délit de consommation et convoqués par la direction. »
Alors que la règle est maintenant la tolérance zéro sur les chantiers, l’alcool a, selon lui, été remplacé par d’autres produits : « La pénibilité est toujours là mais elle a changé de nature ; avant on portait 80 mètres de bordure à la main, aujourd’hui c’est la machine qui porte 200 kilos mais on nous demande d’être toujours plus productifs », explique l’employé de Vinci, ajoutant que la pression touche toutes les catégories sociales.