La CFDT signe l'accord AT/MP

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iconeExtrait de l’hebdo n°3874

Tard dans la nuit du 16 mai, les partenaires sociaux ont trouvé une issue favorable à la négociation interprofessionnelle de la branche accidents du travail/maladies professionnelles (AT/MP) de la sécurité sociale. Ouvert à la signature jusqu’au 31 mai prochain, le projet d’accord préfigure un véritable changement de paradigme de la branche en plaçant la prévention primaire au cœur de système. Le Bureau national de la CFDT a décidé, le 17 mai à l'unanimité, de signer cet accord.

Par Claire Nillus— Publié le 16/05/2023 à 12h00 et mis à jour le 17/05/2023 à 11h14

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©Jean Claude MOSCHETTI/REA

Défi relevé. Inscrite par le Medef à l’agenda social autonome comme une des suites de l’ANI « pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et conditions de travail » du 9 décembre 2020, cette négociation répondait à un double enjeu. D’une part, réaffirmer la gouvernance paritaire du système d’indemnisation des victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles. De l’autre, redéfinir les moyens alloués à la prévention des risques professionnels. C’est désormais chose faite – et ce bien que les discussions (commencées en novembre 2022) aient été fortement perturbées par la réforme des retraites et son corollaire, le sujet de l’usure professionnelle. Ce 16 mai, les partenaires sociaux ont ainsi fait consensus autour d’un ANI normatif, dont ils demandent au législateur de s’emparer.

La prévention, axe majeur de l’accord

Ce texte de 32 pages contient beaucoup de rappels sur les dispositifs de prévention déjà existants et les préconisations connues depuis l’ANI santé au travail transposé dans la loi du 2 août 2021. Fidèle aux points retenus lors du diagnostic partagé qui a précédé le démarrage de la négociation, l’accord repose sur trois parties (améliorer la prévention, faciliter une juste réparation, réaffirmer la gouvernance paritaire de la branche) et donne une très large place à la prévention primaire (un tiers du texte et 19 objectifs).

Ainsi, la branche AT/MP se positionne désormais comme un acteur de la prévention primaire « en particulier » et entend pour cela enrichir la politique de prévention sur les risques professionnels jugés « prioritaires » en développant un travail en réseau avec les autres acteurs (comités techniques, employeurs, représentants du personnel notamment).

Par rapport à la précédente convention d’objectifs et de gestion (COG), les négociateurs ont décidé d’allouer 100 millions d’euros supplémentaires par an sur le volet prévention et demandent plus de moyens humains, dont le recrutement de 20 % d’ingénieurs conseils pour les Carsat. « La prévention était la priorité des priorités sur laquelle nous voulions avancer », déclare la cheffe de file CFDT Catherine Pinchaut. « C’est pourquoi nous demandons la transformation de la commission AT/MP en conseil d’administration strictement paritaire et autonome au sein de la Cnam, faisant évoluer ses missions et ses prérogatives et lui conférant une pleine autonomie sur le sujet. »

La prévention de l’usure professionnelle, dans l’ADN de la branche

Concernant la prévention de l’usure professionnelle, le texte rappelle que le sujet reste dans le giron de la branche AT/MP. Sans le nommer, les partenaires sociaux ont bien pris soin de souligner qu’il leur appartient de définir les orientations du Fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (Fipu) créé par la loi du 14 avril dernier sur les retraites et financé par la branche.

Pour favoriser les échanges et la coordination des acteurs, l’ANI précise aussi que des représentants de la branche AT/MP pourront être invités par les cellules de prévention de la désinsertion professionnelle de l’assurance maladie et celles mises en place en conformité avec la loi Santé au travail d’août 2021. Il n’y a, actuellement, pas de points de contact entre ces différents acteurs, ce que le texte cherche à corriger.

Pour une plus juste réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles

1. Les Départs en retraite au titre de l’inaptitude, décembre 2022.

La réparation doit (selon la loi) être identique sur le territoire, quelle que soit la cause de l’accident. Mais le diagnostic partagé a mis en évidence des disparités comme des difficultés d’accès aux droits et des mesures insuffisantes de maintien dans l’emploi. L’ANI réaffirme la volonté de la branche de garantir aux victimes une indemnisation « rapide, automatique et à un niveau adéquat ». Celle-ci s’engage à mener une réflexion sur les dispositifs « incapacité » et « invalidité » qui répondent à des logiques et des règles d’indemnisation différentes. Ces travaux prendront appui sur le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales1 qui pointe les difficultés des assurés à obtenir réparation. Les partenaires sociaux décideront des suites à donner à cet état des lieux, éventuellement dans le cadre d’un avenant à cet accord.

Dans l’immédiat, la CFDT se satisfait de la mise en place d’une « commission des garanties » qu’elle réclamait et dont la mission sera précisément d’harmoniser le niveau des rentes versées au regard des taux d’incapacité déclarés.

Plus de moyens pour restituer son intégrité à une victime et sa capacité de travail quand c’est possible

La CFDT se félicite également d’avoir obtenu que le taux à partir duquel il est possible de bénéficier de la prestation complémentaire pour recours à tierce personne (PCRTP) soit abaissé. Cette somme destinée à financer l'assistance d'une personne pour aider à effectuer les actes ordinaires de la vie courante est attribuée actuellement à partir d’un taux d’incapacité évalué à 80 %. Les signataires de l’accord demandent un abaissement à 40 % de ce taux afin d’élargir l’assiette des bénéficiaires.

Parmi les autres mesures visées pour améliorer la prise en charge des victimes, le texte met l’accent sur la nécessité de leur permettre de retravailler, quand c’est possible, grâce à un meilleure prise en charge des frais médicaux, des prothèses adaptées et des dispositifs médicaux visés par le « 100 % santé » (de sorte qu’ils soient pris en charge à hauteur de ce que rembourse l’assurance maladie).

De même, l’opportunité - actée - d’étudier un allongement de la durée de l’allocation temporaire d’inaptitude pourrait les aider à se réinsérer professionnellement. Aujourd’hui versée au salarié depuis la date de l'avis d'inaptitude prononcée par le médecin jusqu'au jour de son licenciement ou son reclassement à un autre poste, elle est limitée à un mois, une durée jugée trop courte pour la CFDT qui a demandé qu’elle soit révisée à la hausse.

Améliorer le dispositif de reconnaissance d’une maladie professionnelle

Outre la mise à jour des tableaux de maladies professionnelles existants et la création de nouveaux en lien avec des risques émergents, les organisations syndicales ont arraché in extremis un abaissement du taux d’incapacité autorisant l’accès à la reconnaissance des pathologies professionnelles hors tableau. C’était une ligne rouge pour le patronat. Ce taux, le même depuis 20 ans, et qui permet de faire cette demande auprès du comité régional de reconnaissance de maladie professionnelle (CRRMP), passera finalement de 25 % à 20 % et les organisations syndicales ont obtenu qu’une étude de faisabilité, dans les deux prochaines années, travaille sur une nouvelle trajectoire à la baisse.

À propos de l'auteur

Claire Nillus
Journaliste

À de nombreuses reprises enfin, l’accord pose la question de la simplification des dispositifs et de leur accessibilité et déplore le manque de moyens humains et financiers pour répondre à tous ces enjeux. Conformément à l’accord sur le paritarisme d’avril 2022, les partenaires sociaux appellent donc de leurs vœux une transposition législative fidèle de cet ANI. Pour l’heure, ils ont acté un comité de suivi qui devra se réunir « au moins une fois par an ou à la demande de l’une des parties signataires » en vue d’assurer un bilan de son application.