Accompagner la prise de mandat

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iconeExtrait de l’hebdo n°3874

Quelque 400 conseillers prud’hommes (CPH) ont participé au premier rassemblement de la mandature organisé par la Confédération, jeudi 11 mai, salle Gaveau à Paris. L’occasion de mieux comprendre leur rôle et leur mission, mais aussi d’échanger entre pairs et de tisser des liens. Car pour assurer cette mission, passionnante mais complexe, l’appui du collectif est indispensable.

Par Emmanuelle Pirat— Publié le 16/05/2023 à 12h00

De gauche à droite : Maud Renaud, Laurent Loyer, Alain Cadet, Jocelyne Cabanal
De gauche à droite : Maud Renaud, Laurent Loyer, Alain Cadet, Jocelyne CabanalEric Andriot

« Pour nombre de salariés, le CPH est le dernier endroit pour faire valoir ses droits et sa dignité », assurait Laurent Berger en ouverture du ce premier rassemblement prud’hommes de la mandature. « Il est de votre rôle de contribuer à faire une justice de qualité, à la hauteur des attentes des justiciables. » Sous les lambris de la magnifique salle Gaveau – plus habituée aux concerts de musique classique – les 400 conseillers prud’hommes présents ont reçu le message avec solennité. Pour une bonne partie d’entre eux, c’est un premier mandat. Désignés en décembre 2022, ils ont pris leurs fonctions début janvier 2023. La journée a d’ailleurs été pensée pour eux, en priorité, afin de leur donner clés de compréhension et repères. À leurs côtés, des plus anciens dans la pratique, voire des « vieux routiers », avec lesquels les novices vont pouvoir échanger et tisser des liens.

Juges ET militants

Cela aura été dit et redit au cours de la journée : ce n’est pas rien que d’être conseiller prud’hommes ! « C’est un mandat fort et exigeant. Vous rendez la justice au nom du Peuple français », a souligné Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale en charge de la politique juridique de la CFDT. C’est aussi un mandat très particulier. Les conseillers prud’hommes, nommés à la fois par le ministère du Travail et le ministère de la Justice (les CPH sont sous la double tutelle) ont aussi cette double « composante » d’être à la fois « des juges de plein exercice » (bénéficiant à ce titre de toute indépendance pour rendre leurs jugements) et des militants, désignés par l’organisation. « Vous êtes des juges et vous êtes des militants, porteurs des valeurs de la CFDT », a ainsi résumé Jocelyne, qui a également souligné l’importance de l’action des CPH en ce qu’elle permet de faire évoluer le droit. « Car le droit, ça s’interprète. Les jugements, ça se motive, ça se justifie », complète Maud Renaud, responsable du service juridique de la Confédération.

Fierté ET difficultés

Pour autant, nul ne peut cacher les difficultés que connaissent les CPH. « On a souvent l’impression d’être une justice 5e roue du carrosse », insiste David Cherfa, conseiller prud’hommes au CPH de Lorient, qui entame son 2e mandat. Locaux vétustes, équipements informatiques défaillants, pénurie de greffiers qui oblige parfois à annuler des audiences – un phénomène accentué depuis une réforme de 2020, où les greffiers, qui étaient précédemment attachés à un CPH, doivent désormais répondre en priorité aux besoins des tribunaux judiciaires. Ces « greffiers volants » sont donc parfois soustraits aux CPH pour être affectés à un autre tribunal… Cumulées à la complexité même du mandat, ces difficultés freinent les vocations, et pèsent sur le recrutement de nouveaux conseillers. « La CFDT a pu désigner 2 254 CPH sur les 2 407 à pourvoir. Soit un déficit de 153 sièges », a ainsi expliqué Laurent Loyer, juriste confédéral et représentant CFDT au Conseil supérieur de la prud’homie. Sur l’ensemble des 14 000 conseillers prud’hommes, 11 % des postes restent non pourvus « Et le taux de démission est important : 300 en 3 mois, toutes organisations confondues », a précisé Laurent. Les conséquences sur le fonctionnement des CPH sont évidentes, avec des CPH qui ne peuvent tout simplement pas siéger, ou alors des conseillers qu’on « pioche » d’une section à l’autre pour pouvoir tenir les audiences. Dans les « petits CPH » en particulier, les inquiétudes se font jour « pour continuer à assurer une justice de proximité ».

Soutien ET formation

À propos de l'auteur

Emmanuelle Pirat
Journaliste

Ces dernières années, et surtout depuis la loi Macron de 2015, la justice prud’homale a subi de fortes transformations. « Une vingtaine de textes réformant la justice prud’homale ont été publiés » a rappelé Jocelin Tesson, conseiller prud’hommes et membre du CSP, citant notamment la réforme de la procédure de saisine, la mise en état, le principe de barémisation, etc. Dans ce contexte, « il est vraiment indispensable de pouvoir s’appuyer sur un collectif. Vous n’êtes pas seuls », a-t-il martelé. Les Unions régionales, d’une part, la Confédération, d’autre part, peuvent offrir l’accompagnement nécessaire, tant en termes d’information que de formation. Un grand nombre de supports d’information sont d’ores et déjà à disposition (newsletter, Revue d’action juridique), tandis que le Guide de l’action prud’homale en cours de réactualisation, sera disponible courant juillet. De son côté, la Confédération donne rendez-vous à tous les conseillers, le 12 octobre prochain, pour un nouveau rassemblement.

Avec la participation de Martin Guéguen