À Matignon, de nombreux sujets sur la table

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iconeExtrait de l’hebdo n°3874

Les cinq organisations syndicales représentatives seront reçues les 16 et 17 mai à Matignon pour aborder des sujets qu’elles jugent prioritaires. La réforme des retraites, elle, a laissé des traces. Aussi la CFDT attend, avant toute chose, un changement de méthode.

Par Anne-Sophie Balle— Publié le 16/05/2023 à 12h00

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@Eric TSCHAEN/REA

Renouer le dialogue oui, mais pas à n’importe quel prix. En lançant début mai ses invitations aux représentants des organisations syndicales et patronales, Élisabeth Borne savait que la reprise du dialogue ne serait pas chose aisée. Toutes les organisations syndicales, sans exception, ont pourtant décidé d’y participer, « parce que la politique de la chaise vide, c’est le syndicalisme aux mains vides. Ne pas négocier, ce serait renoncer à notre rôle de syndicalistes », affirmait Laurent Berger, il y a quelques jours.

Les cinq organisations syndicales représentatives seront donc reçues en bilatérale ces 16 et 17 mai, sans ordre du jour précis mais avec, du côté syndical, la ferme intention d’aborder les sujets qu’elles jugent prioritaires – parmi lesquels on retrouve l’emploi des seniors, l’usure professionnelle, les salaires ou encore l’organisation du travail. Mais avant toute chose, la CFDT attend un changement de méthode, « une meilleure considération de la démocratie sociale et une véritable coconstruction des réponses aux aspirations des travailleurs qui veulent pouvoir vivre dignement de leur travail, travailler mieux et être reconnus dans leur travail », détaille Marylise Léon, secrétaire générale adjointe. « Quelle place l’exécutif est-il vraiment prêt à faire à la démocratie sociale ? », interrogeait-elle dans Syndicalisme Hebdo.

Cahier revendicatif

La veille, l’intersyndicale a une nouvelle fois réaffirmé dans un communiqué commun son opposition résolue au recul de l’âge légal de départ à la retraite – ce que les organisations syndicales ne manqueront pas de rappeler à la Première ministre, tant la façon de faire de l’exécutif a « dégradé la confiance des citoyens dans le fonctionnement même de notre démocratie ». Aussi pour la CFDT, l’urgence est bien à la nécessité de restaurer la confiance en revitalisant l’articulation entre démocratie politique et démocratie sociale, mais aussi en redonnant aux élus dans les entreprises leurs moyens d’action et en permettant aux salariés de s’exprimer davantage sur leur travail. « Les travailleurs doivent avoir leur mot à dire sur l’organisation du travail dont les modalités ont été profondément bouleversées avec la crise sanitaire et l’avènement du télétravail », assène Marylise Léon. Or aujourd’hui, le télétravail ne concerne que 30 % des travailleurs. Quid des 70 % restants ? Plus globalement, la CFDT entend bien faire de l’organisation du travail un sujet de négociation obligatoire dans les entreprises et pousser son idée d’aménagement du temps de travail via la création d’un compte épargne temps universel (Cetu) à la main des travailleurs.

Redonner du sens aux systèmes salariaux

La question des salaires, elle aussi, mérite d’être traitée d’urgence aussi bien dans le secteur privé que dans la fonction publique. Déjà mise en avant, l’instauration d’une conditionnalité des aides publiques (autrement dit une suspension des exonérations de cotisations sociales patronales) pour les branches dont les minima sont en dessous du smic (soit 88 % des branches depuis le 1er mai) devrait être remise sur la table par la CFDT. Il pourrait également s’agir de discuter, entre partenaires sociaux, de l’instauration d’un rapport maximal entre les plus hautes et les plus basses rémunérations dans l’entreprise : le récent rapport Oxfam pointe en effet qu’en dix ans, l’écart de rémunération entre le salaire moyen et le salaire des dirigeants est passé de 64 à 97. Alors qu’un rendez-vous salarial est annoncé dans les prochains jours pour la fonction publique, la CFDT rappelle l’indispensable reconnaissance des agents, que ce soit au travers de leurs conditions de travail mais aussi d’un geste fort en matière de pouvoir d’achat. « Il en va de l’attractivité des trois fonctions publiques et du maintien des personnels auprès de celles-ci », plaide la Confédération.

Le bilan de l’agenda social autonome

À propos de l'auteur

Anne-Sophie Balle
Rédactrice en chef adjointe de Syndicalisme Hebdo

Face à l’exécutif, la CFDT fera également le bilan du dialogue social interprofessionnel. La Première ministre a réaffirmé « son engagement à retranscrire fidèlement dans la loi » tout accord entre les organisations syndicales et patronales. Or tout comme au plus fort de la crise sanitaire (avec les accords sur le télétravail et la santé au travail), le dialogue entre représentants des salariés et des employeurs fut riche : l’agenda social autonome conclu début 2022 entre organisations syndicales et patronales aura, en effet, permis d’aboutir à trois ANI (accord national interprofessionnel) sur le paritarisme (avril 2022), le partage de la valeur (février 2023) et tout récemment sur la transition écologique et le dialogue social (11 avril) tandis que les discussions sur la branche ATMP de la sécurité sociale viennent tout jsute d'aboutir. Même si beaucoup de sujets restent encore à construire, cette démonstration d’une certaine vitalité du dialogue social interprofessionnel (et la capacité à coconstruire des solutions aux aspirations des travailleurs) devraient inspirer le gouvernement. S’il veut restaurer la confiance, il n’a pas le choix.