À Loon-Plage, une opération de solidarité dans un camp de migrants

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icone Extrait de l'hebdo n°3973

Le 26 juin, des militants CFDT ont participé à une distribution alimentaire dans un camp de migrants à Loon-Plage (Nord / Hauts-de-France). Une expérience marquante pour ceux qui l’ont vécu, que souhaite d’ailleurs réitérer la CFDT Hauts-de-France.

Par Sabine IzardPublié le 08/07/2025 à 12h05

Distribution alimentaire assurée par diverses associations et la CFDT Hauts-de-France. Lydie Nicol (à droite), secrétaire nationale, était venue prêter main-forte aux équipes locales.
Distribution alimentaire assurée par diverses associations et la CFDT Hauts-de-France. Lydie Nicol (à droite), secrétaire nationale, était venue prêter main-forte aux équipes locales.© Syndheb

C’est une journée qu’ils ne sont pas près d’oublier. Le 26 juin au matin, une dizaine de militants CFDT sont venus prêter main-forte aux bénévoles du Secours populaire français et d’Adra, une ONG humanitaire qui vient en aide aux personnes migrantes, à l’occasion d’une distribution alimentaire dans un camp à Loon-Plage, près de Dunkerque. La journée, organisée par la CFDT Hauts-de-France, a également donné lieu, l’après-midi, à un débat avec des militants sur le rôle et la place des syndicats auprès de ces populations.

Dès l’aube, les militants CFDT ont aidé à déployer, malgré une météo typiquement nordiste, une chaîne logistique improvisée afin de distribuer boissons chaudes, viennoiseries, pain, fruits et bouteilles d’eau à la centaine de réfugiés venus de Somalie, d’Inde, d’Afghanistan, souvent avec femmes et enfants. Dès leur arrivée, certaines personnes sont sorties des fourrées alentours où elles ont passé la nuit. D’autres les rejoignent après un passage au seul point d’eau du campement, de l’autre côté de la route.

Une majorité de migrants veulent se rendre en Angleterre

Habitués à l’exercice, tous s’alignent à la queue leu leu et attendent l’aide salvatrice des associations. « C’est pourtant très tendu en ce moment dans le camp. Une fusillade a éclaté à la mi-juin, faisant deux morts. Puis la police est venue tout démanteler », explique une bénévole. Depuis, les migrants vivent comme ils le peuvent, cachés, attendant de pouvoir traverser la Manche sur des embarcations de fortune pour rejoindre l’Angleterre. « Ils sont près de 1 500 actuellement dans le camp. Tous attendent un signe du passeur pour pouvoir traverser. Obtenir des papiers en France suppose d’attendre dix ans ; en Angleterre, ça prend deux ans… », poursuit la bénévole.

Toute la matinée, diverses associations viennent en aide aux habitants du camp. Parfois, des barnums sont montés pour permettre un accueil plus confidentiel. « C’est difficile car on ne peut pas réellement monter de projet d’aide sociale avec eux. Ils ne sont là que de passage, parfois quelques jours. Leur volonté n’est pas de rester en France », explique Monique, qui œuvre bénévolement auprès de jeunes mineurs exilés. Selon Nicolas Tancrez, trésorier de l’Union régionale CFDT des Hauts-de-France, il est primordial que la CFDT soit présente ce matin : « Pas question de fermer les yeux sur cette réalité. Ces hommes, ces femmes, ces enfants vivent dans des conditions que personne n’accepterait pour soi. Être là, c’est une façon de rappeler que la solidarité est un principe fondamental de notre syndicalisme. »

Des valeurs syndicales mises en pratique

Ces populations, les militants CFDT des Hauts-de-France les côtoient tous les jours. « On sent bien que les choses se durcissent », explique Hubert, plus tard dans l’après-midi, à l’occasion d’une table ronde organisée par la CFDT à Grande-Synthe, à quelques kilomètres du camp. Contrôleur des douanes à Dunkerque, il déplore une « bunkérisation des ports » avec présence de la Légion étrangère. « Des millions d’euros sont dépensés pour empêcher des gens qui ne veulent pas rester en France de partir en Angleterre », rappelle-t-il. « Pourtant, vivant dans le camp, il y a des médecins, des coiffeurs, des chauffeurs. Des professions dont la France a besoin. Mais on ne fait rien pour les garder. Pire, on les met en danger. Si on mettait en place des passages sécurisés, ça exclurait les passeurs et ça éviterait aux gens de se noyer », affirme Marie, bénévole d’une association d’aide aux migrants. « Sur le camp de Loon-Plage, une fois par semaine, des CRS arrivent et procèdent à un “nettoyage” en pleine nuit. Les jeunes qui sont seuls sont très perturbés ; les enfants, effrayés. Ceux qui résistent sont ceux qui sont en groupe », poursuit-elle.

Lors de la table ronde de l’après-midi du jeudi 26 juin, à Grande-Synthe.
Lors de la table ronde de l’après-midi du jeudi 26 juin, à Grande-Synthe.© Syndheb

“Défendre tous les travailleurs, quels que soient leur statut et leurs papiers, c’est aussi un travail syndical !”

Lydie Nicol, secrétaire nationale

« La CFDT se doit d’être un lanceur d’alerte afin de raconter ce qui se passe actuellement en France. Quelques préfets résistent aux nouvelles directives du ministre de l’Intérieur, mais très discrètement car c’est mal vu. Nous devons nous serrer les coudes et être solidaires avec les associations, affirme Lydie Nicol, secrétaire nationale CFDT. Défendre tous les travailleurs, quels que soient leur statut et leurs papiers, c’est aussi un travail syndical ! Ces femmes et ces hommes sont une main-d’œuvre invisible, clandestine, qui ne fait pas valoir ses droits. »

À propos de l'auteur

Sabine Izard
Journaliste

« Nous voulons relancer un travail régional sur cette question et, pourquoi pas, renouveler l’expérience », a indiqué Perrine Mohr, secrétaire générale de la CFDT Hauts-de-France. Les besoins restent immenses, et la situation des personnes migrantes dans le nord de la France demeure critique.